Le triturage de chiffres, sport national.

Nous avons appris récemment que la France est la troisième nation mondiale pour le sport, derrière les Etats-Unis et la Chine. La course à l’échalotte et le rétro-pédalage dans la choucroute ont donc fini par porter leurs fruits! Mais il y a un autre sport où nous sommes champions du monde et même hors-catégorie: le triturage de chiffres. Ce sport national est pratiqué tant par les fraudeurs que par les statisticiens, les comptables et les financiers. Ces pauvres chiffres innocents n’en peuvent mais d’être malaxés, changés, scrutés à la loupe, comparés les uns aux autres, sous-estimés et sur-estimés. Le champion français du triturage de chiffres, c’est l’homme politique. Le triturage de chiffres est pour l’homme politique une nécessité vitale, car l’homme politique est en guerre contre la réalité. Or les chiffres sont les ambassadeurs de la réalité auprès des princes qui nous gouvernent. Laissez-moi vous conter l’histoire de la guerre des hommes politiques contre la réalité, où le triturage de chiffres est l’équivalent de la propagande guerrière.

La réalité est un pays dangereux. Combien d’hommes politiques ont été victimes d’indigestion de spécialités locales, à force de draguer les électeurs sur le terrain? Combien ont fini dans un placard à balais pour avoir pris les habitants de la réalité pour des imbéciles? Combien ont dû fuir la réalité? Combien furent dévorés vivants par la réalité, qui avait fini par les rattraper? Puisque la réalité leur a déclaré la guerre, les hommes politiques n’ont pas eu d’autre choix que de s’enfermer dans leurs tours d’ivoire et de massacrer tous les ambassadeurs de ce pays.

Le dernier exemple de cette guerre picrocholine est causé par la dette publique. La mission Pébereau a tenté d’évaluer les “engagements” de l’état, qui nous est si cher (c’est le cas de le dire). C’est à cela que l’on reconnaît un vrai panier percé: il ne sait pas combien il dépense exactement, ni combien il a emprunté pour continuer à dépenser, ni de combien il aura besoin pour maintenir son train de vie. Bref, il ne sait plus très bien où il en est et, accablé de lettres recommandées envoyées par des personnes à qu’il doit de l’argent, il demande à son banquier de lui sortir un relevé de compte pour tenter d’y voir plus clair.

Les chiffres alignés sur le papier tendu par le banquier ne sont pas bons. Ils sont mêmes cruels. “Encore une perfidie de la réalité!” se dit l’homme politique. “Décidément, c’en est trop!” ajoute-t-il en enfilant son uniforme, en se lissant les moustaches et en agitant sa cravache avant d’entrer en salle d’état-major. En attendant de pouvoir régler son compte à la réalité en terrain découvert, le général doit montrer à la piétaille à quel point cette traîtresse est sans pitié. Lorsque l’on entre en guerre contre un ennemi aussi impitoyable, la propagande est indispensable. La propagande est à l’homme politique en guerre ce que la fanfaronnade est au fanfaron.

Ainsi, le général Dominique Strauss-Kahn, après une courte période de disgrâce (on l’avait surpris à fricoter d’un peu trop près avec la réalité, dont il triturait les chiffres avec beaucoup d’insistance), aspire à de hautes fonctions dans l’armée qui combat la réalité. Pour prouver sa bravoure, il minimise la force de son ennemi. “Lorsque j’ai moi-même combattu la réalité, la dette publique n’a pas augmenté ses effectifs aussi vite que sous les officiers qui m’ont succédé! En effet, la dette publique est passée de 56% à 58% du PIB! Alors que mes successeurs ont renforcé ses effectifs de 58 à 66% du PIB! Vive l’aile gauche! Vive moi!”

“Attendez une minute!”, lui rétorque le colonel de la Garde Breton. “Lorsque vous combattiez la dette publique, tout le monde sait bien que vous n’avez en fait rien fait. Vous ronfliez pendant que vos hommes jouaient aux cartes! C’est moi qui ai pris le problème à bras-le-corps! Vive l’aile droite!”

Pendant que ces fins stratèges s’affrontent autour de la carte d’état-major avec des arguments de si haute tenue, nous la piétaille, qui donnons tous les jours de notre sang pour affronter la réalité, réfléchissons un peu à tout cela.

Lorsque vous-même vous avez une dette, est-ce que vous la payez avec des pourcentages? Si vous empruntez de l’argent à votre banquier ou à votre meilleur ami, lui apportez-vous de jolis pourcentages pour le rembourser? Vous devrez sortir des espèces sonnantes et trébuchantes, n’est-ce pas? Lorsque Dominique Strauss-Kahn et la gauche plurielle étaient au pouvoir, le PIB français a augmenté de largement plus de 10%. Ce qui signifie que la dette publique, à peu près fixe en pourcentage du PIB, a en réalité augmenté elle aussi de plus de 10%, c’est à dire de largement plus de 100 milliards d’euros si on la mesure non plus en pourcentage mais en espèces sonnantes et trébuchantes.

Quant au colonel Breton, il prétend “prendre le problème à bras-le-corps”. Quelle victoire si éclatante a-t-il remporté pour fanfaronner ainsi? Il n’a fait que découvrir que l’armée de la réalité est bien plus puissante que tous ces généraux incompétents le pensaient, puisque la dette publique, déjà grosse de presque 1200 milliards d’euros doit être augmentée de plus de 900 milliards d'”engagements”, c’est à dire de dettes vis-à-vis des fonctionnaires. Si j’étais moi-même général, je rétrograderais le colonel Breton au rang de simple sentinelle car c’est à ce poste qu’il est encore le meilleur.

La réalité, qui s’apprête à remporter une sanglante victoire sur un état-major divisé, incompétent et ridicule, vous dirait que le triturage de chiffres est l’équivalent politique des bravades, des rodomontades, des fanfaronnades, des tartarinades et des raffarinades du sportif. A ce sport-là, l’homme politique français est sans conteste le champion toutes catégories. Mais, de même que l’on n’a jamais vu un général emporter une médaille d’or aux Jeux Olympiques, ce n’est pas cela qui lui permettra de gagner la guerre. Pour ce faire, le général-homme-politique envisage déjà de sacrifier la piétaille. Et la piétaille, c’est nous, pas lui, bien entendu.

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Commentaires3

  1. fils

    bonjour, j’ai trouve ce billet fort interessant 🙂 je me demandais pourquoi cette precision : "ce sport national est pratique tant par les fraudeurs que par les statisticiens" … 😉 je te souhaite une bonne continuation !

Les commentaires sont fermés.