Fin de récréation

La récré est finie ! Terminé, on ne joue plus : on enterre la méthode globale, et on revient bien vite à la méthode syllabique. En tout cas, tel est le sens de la circulaire du Ministère de l’éducation qui vise à redonner aux élèves un accès à la lecture des élèves au CE1. Mais quelques remarques s’imposent.

Pour ma part, j’ai fait mon choix : mes enfants apprendront avec la méthode syllabique. C’est avec elle que j’ai appris à lire et écrire, et comme il semblerait que je sache encore à peu près lire et à peu près écrire, les mêmes causes produisant les mêmes effets, j’attends donc que mes rejetons obtiennent les mêmes résultats avec les mêmes méthodes. Soit.

Cependant, le raisonnement que je tiens, je ne souhaite l’imposer à personne. Et, devant ces circulaires, je me pose des questions : pour quelle raison exactement l’enseignement doit il être dicté par le ministère ? Dans la même veine, pourquoi diable doit-on imposer d’une façon ou d’une autre un programme scolaire ? Et enfin, en quoi l’état ou ses sbires devrait-il décider du contenu même, de l’interprétation et de la justesse des arguments déployés dans tels ou tels cours ?

Pendant ma scolarité, j’ai eu ainsi à subir (le mot est faible) des matières qui ne m’ont jamais servi. Ces matières ont coûté en temps, en moyens, en place, en personnel et même sur le plan psychologique pour les enseignants : les profs – plus ou moins bons – qui dispensaient ces matières – exotiques et inutiles pour moi – auraient sans doute mieux fait leur travail devant un parterre d’élèves motivés, plutôt que devant une majorité de moutards blasés.

Dans un autre registre, la récente et pathétique affaire de la loi sur les effets positifs de la présence française en outre-mer montre clairement que l’intrusion de l’état dans les programmes d’histoire, que ce soit pour y vanter ou y dénoncer quoique ce soit, est particulièrement pénible, pertubatrice et inutile.

Enfin, on peut se demander exactement pourquoi, compte tenu des résultats médiocres obtenus par la méthode globale, elle a perduré aussi longtemps dans l’enseignement français. Le nombre affolant de fote d’ortografe (participes, accents, grammaire, syntaxe) qu’on retrouve dans les textes les plus courants, depuis des organes de presse prestigieux comme Libé, Le Monde, le Figaro jusqu’au journaux télévisés montre une déliquescence effective de la langue méthodeglobalisée. Quant à la difficulté croissante que les jeunes générations ont avec la chose écrite (ou lue), elle laisse présager des périodes difficiles pour les années à venir, lorsque ces derniers prendront les places des papyboomers qui s’en vont doucement à la retraite…

Au delà, on peut noter que si l’enseignement était libre, et les diplômes délivrés de façon totalement autonome par les établissements libres de proposer l’enseignement qu’ils désirent, ces diplômes (millésimés de surcroît) seraient en concurrence directe : il y aurait de facto des enseignements qui, sur le marché de l’emploi (au sens le plus large possible, i.e. de l’emploi des gens dans leur vie de tous les jours) seraient jugés à l’aune des résultats obtenus. Quelques soient les mérites de l’une et l’autre méthode d’apprentissage de la lecture, les gens seraient alors en position de choisir librement la méthode appliquée à leurs enfants. Actuellement, un ministre décide pour nous. Charmant…

Cependant, il s’élève toujours des voix contre cette libéralisation de l’enseignement… Les arguments traditionnels collectivistes sont alors les suivants :

  • les plus pauvres n’auraient pas accès aux meilleures écoles
  • il n’y aurait aucun contrôle de l’enseignement et des valeurs transmises
  • il n’y aurait plus de culture générale, seulement des enseignements purements utilitaires sur le marché de l’emploi.

A ces arguments, j’objecterai ceci.

D’une part, si l’on regarde la situation courante, les plus pauvres n’ont déjà plus l’accès aux meilleures écoles. Le nombre de fils d’ouvriers sur les rangs de Dauphine, HEC ou Polytechnique est suffisamment faible pour avoir été critiqué à maintes reprises. Au delà de ce constat d’échec du système tel qu’il est, on peut aussi noter que les écoles, même totalement libres, ne seraient pas obligatoirement payantes. Avant la révolution, le taux d’alphabétisation n’était, n’en déplaise aux images d’épinal, pas si faible que ça (50% d’une classe d’âge), ce qui, pour des écoles gratuites, dépourvues d’état providence et totalement dépendantes des dons dans un système très pauvre (le PIB par habitant avant la révolution n’était pas particulièrement brillant), relevait tout de même de la gageure. Avec une France riche, disposant d’un PIB joufflu, et de ressources (en matière de don) bien supérieures à celle d’avant 1789, on peut raisonnablement penser que le système serait viable. En tout cas, rien n’indique qu’il serait pire que celui qu’on a actuellement, une fois l’idélogie, les cris d’orfraie et les pétitions de principe écartées.

Pour le contrôle des valeurs transmises, je suis là encore dubitatif des valeurs que transmet actuellement notre système scolaire: en dehors d’une créativité importante en matière d’orthographe et pour le vocabulaire trivial, je n’ai pas réellement constaté une vision homogène, claire, rassurante et optimiste de notre avenir vu par les petites têtes blondes de nos écoles… Et sur les valeurs qu’ils revendiquent, beaucoup ne sont pas issues de l’éducation nationale, mais bien des médias, du marketing, des grandes multi-nationales et de leurs publicitaires, … du marché, en somme.

Enfin, pour la culture générale, on peut simplement remarquer que celle-ci ne s’est jamais acquise au travers des enseignements dispensés dans les établissements, mais bien et uniquement par le travail personnel des élèves, par l’édification personnelle et la démarche intellectuelle individuelle qu’on peut faire à tout moment de la vie en s’intéressant aux choses du monde et à autrui. Edicter ce but pour l’instruction, cela revient à dire ce qui doit être su, arbitrairement, de ce qui n’est pas utile (car tout ne peut être su, il faut faire des choix). Et qui peut prétendre faire ces choix, si ce n’est l’individu, pour lui-même ? Quel ministre, quel prof peut se targuer de dire : ce savoir, cette culture t’est indispensable, et celle-ci, celle-là, ne te servira pas ? Et de quel droit ?

Une dernière remarque : jadis, l’école dispensée ne s’appelait pas Education Nationale, mais Instruction Nationale. Car il s’agissait, à l’époque, de ça : donner de l’instruction aux gens, pas les éduquer. Mais notre Etat-mama a enflé, son ample poitrine nourricière fournissant à tous le lait, le pain, l’éducation, la morale, les valeurs, et toutes ces petites choses qu’on se procurait avait sans lui, nous rendant tous accros, dépendants au prémâché… Ce glissement sémantique est révélateur, je crois…

Et, de gloubiboulgas idéologiques en purées éducatives prédigérées, on en vient naturellement à accepter, benêt et repus, qu’un ministre, au détour d’une conférence de presse, décide de la méthode et du contenu de ce qu’on doit savoir…

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Commentaires4

  1. chris

    Bravo H16. Une bonne synthèse.
    J’ai aussi 2 enfants en primaire, et je désespère. Pourtant, nous habitons dans un quartier "favorisé" : le 5ème à Paris…

    Après une longggggggggue réflexion, je suis parvenu à cette conclusion qui pourra paraître triviale : l’Education Nationale a un rendement très faible.

    Songez : de l’âge de 3 ans en maternelle, jusqu’à vos 18 ans (on s’arrêtera là)… ces milliers de jours, ces dizaines de milliers d’heures… pour un résultat qui n’a rien d’extraordinaire : on sait lire, écrire (dans le meilleur des cas), on papote vaguement en anglais (ah ah ah ah), et on a acqui un vernis de trucs et de machins, plus ou moins culturels, techniques.
    Un grand vague. Un terrain vague.
    Les plus "brillants" (formatés ?) poursuivront leurs études encore de longues années ensuite…

    Bref primaire et secondaire me laissent perplexe. Tout ça pour ça ?

    Les enfants d’aristocrates au 18ème ne passaient pas autant de "temps". Et pourtant, ils parlaient plusieurs langues par exemple. Et avaient sans doute davantage de "culture" que nos sauvageons du moment.
    Quand on sait à quel point le cerveau d’un enfant de 8 ans est maléable et avide de connaissance : l’Education Nationale lui pourrit la vie, comme un moteur déficient qu’on alimenterait en carburant déficient.

    Ce que d’autres appellent le "gâchis".

  2. ylyad

    Quelques remarques: d’abord le fameux mail de Laurent Lafforgue: http://www.ihes.fr/%7elafforgue/... S’il est célebre pour sa remarque préliminaire sur les Khmers Rouges, il est loin de se limiter à cela, et mérite d’être lu dans son intégralité.
    Ensuite, j’ai une fille en maternelle, et je suis extrêmement inquiet quant à son instruction (vous avez raison, ce sont les communistes les plus durs – russes, chinois, khmers… – qui "éduquaient" les déviants).
    Enfin, pour compléter vos objections:
    – la fracture éducative n’a jamais été aussi importante depuis que la "pédagogie" et ses travers sont apparus, bref depuis que l’instruction est devenue éducation. Comme quoi, les mêmes méthodes (gauchistes) ont les mêmes effets: à vouloir imposer l’égalité, on obtient la médiocrité générale et l’inégalité de quelques-uns
    – pour le contrôle des valeurs et connaissances: faisons un peu confiance aux gens… et arrêtons de fliquer les profs et de faire le bien des parents et des enfants malgré eux. Le résultat ne pourra petre que meilleur que maintenant
    – c’est au titre de cette "culture générale" que les programmes de l’éducation sont devenus des enjeux idéologiques, préparant un modelage des cerveaux… les enseignements purement utilitaires permettent avant tout de faire des "hommes libres", et le marché du travail doit être le débouché de l’école!

    En conclusion, je préciserai que nos (grand-)parents qui arrêtaient pour certains leurs études au certif’ (soit avant la sixième) étaient plus cultivés, avaient de bien meilleurs bagages scolaires (lecture, écriture, calcul…) que nos bacheliers modernes.

  3. dko

    Les études sont là pour parquer le plus longtemps possible une jeunesse dont on ne sait quoi faire sur le marcher du travail. Quand l’objectif n’est plus de s’intégrer via les formations, mais de retarder l’intégration, il ne faut pas s’étonner que le niveau des diplômes baisse, que les enseignants soient de plus en plus désabusés et les élèves de moins en moins motivés.

    A l’heure actuelle, les enfants qui n’ont pas des parents capables de les suivre dans leurs formations scolaires, de les aider à aller à l’essentiel et de s’ouvrir à d’autres réflexions reçoivent une "éducation". Les autres auront peut-être la chance de recevoir une éducation de leurs parents et une "instruction" à l’école. Les années passant, le fossé se creuse entre ces deux mondes.

    Malheureusement, ceux qui sortent du lot sont parfois tout aussi handicapés que ceux qui n’ont rien capté jusqu’au Bac. On n’aime pas trop les autodidactes, les novateurs, tous ceux qui bousculent (positivement) les choses établies pour continuer à avancer. On préfère les "moyens", ceux qui ne font pas de vagues ; ils sont plus faciles à cerner. Et puis pour les "ratés", il y a les "moyens" qui financent le social. Ceux qui réfléchissent et bousculent l’ordre établi sont beaucoup plus gênants.

    Alors que faut-il pour être intégré en France ?
    C’est simple, faire parti des "moyens". C’est la caste la plus facilement accessible. Si vous n’y parvenez pas, il vaut mieux se ranger du côté des "ratés", c’est beauoucp plus confortable que de rejoindre les autodidactes. C’est le social à la française où on préfère vous savoir au RMI et à la CMU que de vous tirer vers le haut pour que vous ne soyez plus à la charge de la société.

    Pour les autres me direz-vous ? Et bien c’est dur, et ça n’ira pas en s’arrangeant 🙁

  4. dko

    Annecdote :

    Un de mes profs à la Fac de Sciences d’Angers avait coutume de comparer la tête des étudiants à un évier bouché.

    En septembre, après la chaleur de l’été, l’évier bouché s’est vidé de son contenu par évaporation, le bouchon s’est un peu rétracté pour laisser filer quelques malheureuses gouttes vers la tuyauterie.

    A la rentrée, les enseignants ouvrent les vannes tous en même temps pour remplir l’évier. L’évier se remplit, finit par déborder rapidement et de mois en mois, les notions les plus fraîches poussent les connaissances les plus anciennes au fil des cours.
    Remarque : Pour certains cursus, il vaut mieux avoir une baignoire, voire une piscine olympique à la place de la tête.

    Avant les exams, les profs ferment les vannes et les étudiants piochent dans leur évier pour réussir ou rater les exams.

    Un nouvel été arrive, l’eau s’évapore, le bouchon reste en place pour le cycle suivant. Quant aux connaissances… elles se sont en grande majorité évaporées.

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