La tyrannie des petites manoeuvres

Pour beaucoup, la démocratie serait le parangon de la représentativité du peuple dans la politique, la meilleure façon d’assurer le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple. Deux récentes affaires montrent à quel point la démocratie, comme le soulignait fort justement Winston Churchill, n’est finalement que le moins mauvais des régimes politiques.

Notons tout d’abord que la démocratie, utilisant la voie de la majorité, n’est jamais que la dictature d’une partie des citoyens sur les autres. C’est particulièrement vrai lorsque la différence du nombre de députés entre les principaux partis est faible : quand un parti représente 49% et l’autre 51%, pour peu que les idées défendues soient diamétralement opposées, quasiment la moitié des individus subit le joug de l’autre moitié…

En France, la représentation du peuple est assurée par deux chambres. La première, l’assemblée nationale, composée des députés, est élue au suffrage universel. La seconde chambre est composée des sénateurs, dont le mode de recrutement, d’élection (au travers des grands électeurs) et de renouvellement (au tiers) lui donne une stabilité importante (i.e. pas de changement brutal de la majorité).

Normalement, la loi est produite, écrite et voté par le parlement et le sénat. En pratique, le gouvernement en est un producteur insatiable. L’assemblée sert alors de chambre d’enregistrement, surtout quand la majorité (favorable au gouvernement, logiquement) est nette. On s’éloigne déjà du peuple.

Mais cet éloignement, loin d’être le seul fait d’une méthode de scrutin ou d’une constitution, est surtout le résultat de manoeuvres des hommes qui sont sensé les servir.

Première illustration : la loi DADVSI dont il a déjà été question à plusieurs reprises dans ce blog. Le brillant ministre de la culture El Gringo-Donnedio De Vabre s’est joliment pris un camouflet quand le parlement, où quelques pelés et une poignée de tondus résistaient au sommeil, a voté une paire d’amendement réduisant sa belle loi à peau de chagrin, et, en substance, légalisant le Peer-To-Peer. En toute bonne logique, le Parlement a voté, la représentation du peuple en a donc décidé ainsi.

Eh bien non : le foutriquet remet ça. Si une loi ne passe pas en décembre, réchauffez-la, et remettez les couverts en février. A la limite, en passant toute loi le nombre de fois nécessaire, on s’assure du vote. Et on peut ainsi légiférer sur tout et n’importe quoi, favoriser tel ou tel lobby, mettre en avant telle ou telle autre politique. On s’éloigne encore du peuple.

Deuxième illustration : la loi sur l’ “égalité des chances”. Je ne tenterai pas une exégèse de l’indigeste prose de nos ministres sur un sujet aussi bidon, ce n’est pas le sujet ici. En revanche, on notera les attitudes symptomatiques de nos élus tant de droite que de gauche sur le sujet.

Ceux de gauche poussent le jeu de la représentation parlementaire jusqu’à la caricature (qui n’en avait pourtant pas besoin) en déposant amendements sur amendements. On se moque ainsi clairement du travail de fond : on amende pour le plaisir d’amender, on bricole et on ajoute pour le simple délai procuré par l’étude (inutile) des bricolages (poussifs) qui dénaturent la loi.

Ceux de droite utilisent le 49.3, poussant le jeu de la représentation parlementaire à la caricature dans l’autre sens, par son annulation pure et simple. On se demande pourquoi Villepin n’en est pas resté aux ordonnances.

Mais le plus joli, dans tout ça, c’est finalement le mépris total, affiché et, pire que tout, complètement assumé, par nos élus, nos ministres, pour le symbole que représente le parlement. Non seulement, ils jouent des articles de la constitution et des méthodes politiciennes pour détourner totalement la représentation du peuple en usant du 49.3, des amendements et des motions de censures, mais, de surcroît, ne sont même pas fichus de remplir l’hémicycle pour défendre leurs idées. Rares, en effet, sont les jours où ce dernier est effectivement plein, tel qu’il devrait être, de ses députés élus et payés pour être là.

L’hypocrisie latente de l’homme politique moyen, de nos jours, se lit alors dans la question souvent posée : “pourquoi une telle désaffection des Français pour la politique ?”.

Avec une telle représentation, la démocrassie a encore quelques beaux jours devant elle.

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Commentaires3

  1. pod

    La loi sur l’égalité des chances ?… Permettons-nous un petit syllogisme amusant :

    Gagnants du dernier gros ou petit loto, vous êtes en infraction : si vous ne reversez pas vos gains à part égale entre tous les perdants, vous tombez sous la loi : tout le monde a droit à la même chance, donc si vous avez joué mais perdu, vous devez bénéficier de la chance de l’enfoiré qui a gagné et ça ne s’invente pas : c’est la loi !

    Bilan : le loto s’annule, la Française des Jeux s’écroule et l’état sort une ordonnance inversée pour ne pas perdre la poule aux œufs d’or.

    Avant : 100% des gagnants ont tenté leur chance;
    Bientôt : 100% des gagnants vont tater la loi !

    Enfin, tout ceci me rapelle une anecdote très instructive sur une certaine culture qui amène nos chers ‘concepteurs’ politiques à de telles aberrations :

    Quelque part… (à l’Ouest) :
    Un père et son fils sont sur le quai d’une gare; un train est au départ et le père voyant un homme monter en 1ere dit à son fils :
    "— Tu vois bonhomme, le monsieur qui monte en 1ere, et bien, si tu travailles d’arrache-pied, toi aussi un jour, tu monteras en 1ere."

    En France :
    Un père et son fils sont sur le quai d’une gare; un train est au départ et le père voyant un homme monter en 1ere dit à son fils :
    "— Tu vois bonhomme, le monsieur qui monte en 1ere, et bien, on se demande ce qu’il a trafiqué pour en arriver là !"

    …. Allez parler de chance…

  2. Rocou

    Il n’y a vraiment que sur le Net que l’on peut trouver des analyses si pertinentes, si justes et de surcroît très bien écrites!
    Merci H16.

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