Pâté de campagne

Avant de laisser ce blog pour quelques jours de vacances bien méritées – votre sagacité naturelle aura noté, j’en suis sûr, une baisse de rythme des posts -, une petite analyse sur un phénomène étrange (et récurrent dans notre beau pays) s’impose. Il s’agit de l’Enfouissement Médiatique de Sujet Important Par Introduction Subreptice d’un Sujet Bidon, ou, plus simplement, d’Enfumage Médiatique à But Dilatoire.

L’enfumage médiatique à but dilatoire se produit régulièrement dès lors que deux conditions sont réunies :

  1. l’actualité comporte un sujet important, de fond, qui nécessite des moyens, des compétences, du temps et une certaine verve pour être traité.
  2. dans le même temps, une bordée de sujets plus ou moins people, plutôt vides de sens ou de portée pour le reste d’entre nous, ceux qui ne sont pas concernés par les people dans notre vie de tous les jours.

Par exemple, alors que le pays s’enfonce tous les jours un peu plus dans un marasme économique bien palpable, on va lancer sur la place médiatique une marécageuse affaire de flots pas très clairs, d’espionnage, de crocs-en-jambe politiques et financiers en coulisse, le tout pour mouiller des gens dont les turpitudes, finalement, ne changent en rien la façon dont nous vivons … Evidemment, ceci n’est qu’un exemple.

L’enfumage est plus ou moins subtil suivant les circonstances. Parfois grossier comme l’affaire des flots bourbeux, parfois subtil comme l’utilisation politique du parcours inattendu de l’équipe de France dans le Mondial pour faire oublier une situation gouvernementale agitée, l’exercice d’enfouissement médiatique n’en est pas moins utilisé sur une base quasi-quotidienne et sur à peu près tous les domaines possibles dès lors qu’il s’agit de cacher ou de faire oublier un pan désagréable de la réalité aux Français.

Ainsi, alors que la campagne présidentielle semble prendre son élan et s’étendre dans les média de toutes obédiances, on assiste à ces fameuses manoeuvres dilatoires tant de la part des média, d’ailleurs, que des hommes politiques eux-mêmes qui ont bien compris tout l’intérêt qu’ils pouvaient en tirer pour faire passer, ni vu ni connu, quelques unes de leurs marottes, ou, plus pragmatiquement, oeuvrer à leur ré-élection en brossant un lobby ou l’autre dans le sens du poil.

Déjà, sans même aller plus loin, on ne peut qu’être étonné de constater que les candidats et toute la presse derrière eux se sont lancés dans la campagne à plus d’un an des élections. En soi, cette information montre à quel point on ne pourra rien attendre de bon de la part des uns et des autres pour traiter les maux actuels, tant ils se sont tous projetés dans un futur (qui semble leur à défaut d’être vraiment le nôtre).

Cette hâte ne tiendrait-elle pas d’une fuite en avant ? On y sent presque une volonté de précipiter l’événement, comme si certains savaient, ou voulaient croire, ou souhaitaient seulement que les élections ne se tiennent en fait pas dans un an, mais … très bientôt, avec dans la manoeuvre, une seule devise : “Oublions le présent, projetons-nous dans le futur et advienne que pourra !”…

Dans le cas des média aussi, et toujours sur le sujet de la campagne présidentielle, les maneouvres d’enfumage ont déjà commencé.

Ainsi, on peut se demander comment les sujets du mariage homosexuel ou de l’adoption, du climat ou, entre autres, du développement de l’actionnariat ouvrier peuvent prendre une place importante dans une campagne qui devrait naturellement s’orienter sur les besoins impérieux de réformes, la lutte contre le chômage et la dette, le délitement de l’éducation, par exemple.

On peut se demander si les média ne répondent pas d’abord à des impératifs lobbyistes, poussant telle ou telle catégorie de personnes ou de citoyens en avant, avant de traiter des problèmes profonds de la société… Ainsi, le problème du mariage homosexuel concerne, disons, 1% des Français. Celui du chômage, par exemple, concerne potentiellement plus de la moitié d’entre eux, et en tout cas autour de 20% si l’on en reste aux chiffres semi-officiels… La couverture du premier sujet devrait donc prendre 20 fois moins de place, 20 fois moins de temps que le problème du chômage. Ce dernier étant d’ailleurs à la source des problèmes des banlieues, des problèmes de dette, etc…, il serait même naturel qu’à force, le sujet de l’homosexualité soit relégué à une portion fort congrue.

Ne nous méprenons pas : je n’ai rien contre un sujet, de temps en temps, sur un point de détail de la vie en société. Mais il s’agit bien ici d’un point de détail. Une société démocratique se doit d’abord de traiter ses problèmes aigüs, récurrents, majeurs avant de s’intéresser aux problèmes qui ne concernent qu’une toute petite minorité, aussi sympathique soit-elle.

De la même façon, il est intéressant de se pencher sur les améliorations à porter sur tel ou tel comportement, de consommation par exemple, pour éviter le gaspillage. Mais pour un homme d’état, il sera fort mal venu de faire des leçons en matière d’économie d’énergie alors que, dans le même temps, les dettes s’accumulents, et que tout, dans le Ministère de l’Economie, fait penser plutôt à celui de la Dépense Outrancière…

Finalement, que ces sujets soient abordés dans la presse au moment où ils sont évoqués par les hommes politiques, cela semble naturel. Mais bien souvent, la presse évoque avec insistance le sujet avant que celui-ci ne soit abordé par les politiques, qui, devant les traitements répétés de la presse, finissent par en exagérer l’importance. Dans un phénomène quasi-autocatalytique, les média entraînent le politique sur un sujet qu’ils estiment bien croustillant ; le politique joue la surenchère en préconisant force lois et bricolages pour répondre aux interrogations soulevées ; pour relater les moulinets frénétiques des politiques, la presse détaille abondamment les actions entreprises ou prévues, ce qui génère encore plus de foin, foin qui finit par justifier les excitations spasmodiques initiales des politiques.

On parle souvent d’un quatrième pouvoir pour la presse. Bien souvent, il est considéré comme un contre-poids aux trois premiers. Mais là où ces trois premiers pouvoirs sont normalement issus de la voie démocratique, avec tous les défauts et les avantages qu’elle peut comporter, le pouvoir médiatique, lui, n’est en rien issu de cette voie là. Et c’est particulièrement vrai en France où, finalement, l’information est recueillie, analysée, traitée et distribuée par un nombre assez restreint d’entités…

Si, en outre, on s’aperçoit que ce nombre est restreint par la loi (par d’habiles verrous à l’entrée, notamment), on comprend alors que ce quatrième pouvoir est surtout dans les mains de l’état.

Là où je vais passer les prochains jours, pas de télé, pas d’internet, et pas de journaux. J’ai un gros pavé à lire, des mômes à occuper, des gens à rencontrer.

Bizarrement, je suis sûr que toutes ces agitations médiatiques ne vont pas du tout me manquer !

A plus tard !

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Commentaires2

  1. photon

    Yes!

    Le probleme de la presse vient de ce que historiquement il y eut un Ministere de l’Information et la presse ne s’en est pas vraiment sortie.

    Il n’y a pas de tradition d’investigation, il y a tradition de commentation dans un milieu reduit et issu (culturellement) de l’epoque en question. Si bien que, on n’interroge pas le President francais comme on interroge le President Americain (quel qu’il soit) et en poussant un peu, on se souvient de l’affaire Watergate et du Washington post … Pas d’equivalent possible car pas de culture adaptee.

    On nage donc dans l’enfumage et l’autocensure. Ce pays etant dans une longue tradition de sur-reglementation et de noyautage comme de controle vigilant des bureaux (politiques).

    Ce qui est interessant de noter c’est que les 68arsds attardes ont utilises ces mecanismes a leur service, mais dans un esprit trotscard, comme Miterrand utilisa le monarchisme republicain que DeGaulle avait instaure.

    Ce qui me fait dire assez souvent que ce pays a a achever sa democratie a adopter des principes de "check and balance", de definition des "job, power, limits", de liberation tant economique que cultuirelle (de la culture de bureau, la bien pensance faisant la pluie et le beau temps au dessus des hommes, une fiere tradition de domination des hommes…)

    Mais ce ne serait plus la france! Diraient certains! Ce ne serait plus le systeme francais herite de l’absolutisme monarchique qui pousse ce pays au declin dans son ensemble mais au service d’un clan prospere des bureaucrates de l’etat jacobin centralise!

    Ce serait rentrer dans ce siecle avec des principes fondamentaux adaptes.

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