Le trop plein et le trop peu

Au détour d’une revue de presse, on découvre dans une même journée, dans une même volée d’articles banals, d’étranges coïncidences qui permettent, à la manière d’un fanal allumée dans une nuit sans lune, d’éclairer brillamment certaines idées simples que la purée de poix, dans laquelle les média nous font nager tous les jours, cachait parfaitement.

Une clef essentielle pour un Etat de droit un tant soit peu fonctionnel c’est assurer une bonne isonomie. Derrière ce terme technique se cache en fait une réalité simple : l’absolue, l’impérieuse nécessité pour chacun d’entre nous de savoir qu’il aura le même traitement devant la loi que n’importe qui d’autre, et que la loi, sur tout le territoire, sera appliquée de la même façon.

Là, vous me voyez venir. Si si, je le sais bien, j’ai tout fait pour : ce blog, au fil du temps, filtre les imbéciles et ne retient que le lecteur à l’oeil vif, le cheveu souple, la pensée saine et le jarret pétillant. De fait, tu me lis lecteur, donc tu es beau et intelligent. Mais foin de viles flatteries, tu m’a vu venir, avec mon isonomie et l’actualité : eh oui, il apparaît évident ici que je vais évoquer les cités et les banlieues, celles-là même où la loi est bafouée, et où le respect de celle-ci est très flou.

Avec les récents événements, il semble clair que cette isonomie est une vaste fumisterie en France.

Imaginons un court instant que, demain matin, je découvre que le café n’est pas prêt quand j’arrive à mon bureau. Horreur et désespoir, ma matinée sera fichue : je suis très maladroit, et il est fort probable qu’en tentant la préparation du breuvage excitant, je me brûle, ou – pire ! – je tâche mes mocassins à gland et ma belle cravate jaune vif des éclaboussures que je ne manquerais pas de faire. Pris d’une angoisse quasi-existentielle et d’une rage morbide (qui me ferait baver un peu là, là et ici, berk), je décide d’aller caillasser une voiture qui passe sous nos fenêtres. Par mégarde, il s’agira d’une voiture blanche avec des bandes rouges et bleues. La suite me paraît évidente : pour une triste histoire de café bouillu ou pas moudru, je serai foutu en taule. Normal : “tu ne caillassera point” est-il écrit dans les tables de la République, “et notamment des flics” aura rajouté le législateur, pointilleux.

La même scène aurait eu lieu en plein milieu de la cité du coin, pour une raison tout aussi futile, il est fort peu probable que l’auteur du tir ballistique rocheux se fasse vraiment enquiquiner. Surtout s’il est une petite cinquantaine en même temps.

A ce point, on se demandera alors comment résoudre ce lancinant problème : comment rétablir l’isonomie en France ? Que fait la police ? Mieux, que fait l’Etat ? Après tout, la loi, l’ordre, tout ça, c’est son core-business, non ?!

L’Etat, actuellement, ce n’est pas le roi, c’est Galouzeau. Enfin, pour schématiser : Galouzeau, c’est plutôt un état d’apesanteur tant ses propos sont creux, vides et sans … poids ; en effet, Dom de Gal propose simplement de renforcer les poursuites. Si si, c’est même écrit ici. Voilà une solution qu’elle est puissante. Ainsi, si je pête effectivement un câble en jetant ma cafetière de bouillasse imbuvable sur la voiture de patrouille la plus proche, je serai envoyé aux galères. Quand aux citoyens festifs des cités, évidemment, … guère de changement.

Ici, le fond du problème, dont Galouzeau, aux narines trop sensibles, ne s’est pas même approché, n’est pas dans la sanction elle-même, mais simplement dans l’assurance qu’elle sera prise. La conviction qu’une infraction sera systématiquement punie empêche bien plus qu’elle soit commise que la connaissance (d’ailleurs fort parcellaire) de la sanction à cette infraction, toujours abstraite tant que l’acte n’est pas posé.

Ici, Galouzeau veut de la pub et du marketing, là où il faudrait d’abord de l’assurance-qualité : or, dans l’entreprise Etat Français, on nous vante une sanction X ou Y pour une infraction donnée, et, las, le consommateur de sanction n’obtient finalement qu’un petit x frelaté ou un y ridicule, et encore, quand il l’obtient. A la limite, y’a de quoi se sentir frustré.

Clairement, dans cette entreprise, le département Justice rampe péniblement dans le Trop Peu.

Et là, paf, coïncidence des nouvelles fraîches du jour : un petit article relate les déboires de l’enseignement public dans le Nord face à l’enseignement privé. On y découvre ainsi que la fuite des élèves de parents issus de toutes les couches sociales des établissements publics en faveur des établissement privés s’est nettement accélérée sur les dernières années, et que, finalement, l’Etat ne fait pas, ou n’arrive plus à faire, son travail dans ces zones où les difficultés sociales sont très importantes.

Et là, par analogie avec la première partie de ce billet, on en vient naturellement à se demander comment résoudre ce problème : comment rétablir un enseignement de qualité en France ? Que fait l’Etat ? Après tout, l’enseignement … Hem …

Après tout, l’enseignement, ce n’est pas du tout dans son core-business, à l’Etat, non ? Et d’ailleurs, le fait que les établissements privés s’en sortent notablement mieux devrait en soi constituer une bonne indication de la marche à suivre.

On ne peut ensuite être qu’étonné face aux sommes pourtant investies dans le Mammouth Grasouillet de l’Education Nationale. Avec de tels moyens, les résultats devraient être à la hauteur. Car ici, ne nous trompons pas : bien que l’entreprise Etat Français soit clairement dans une branche annexe de ses activités, il a tout misé dessus, tant pour le marketing que pour le produit et l’assurance qualité.

Le marketing aura été efficace : pendant tant d’années, nous avons tous cru avoir la meilleure école du monde ! Le produit, lui, était tellement bien défini, qu’il avait réussi à se spécialiser à toutes les couches du marché : la qualification du client est totale, tout est fait pour le satisfaire; tant et si bien, d’ailleurs, que l’école devient un vaste ventre mou et maternel acceptant toutes les expériences, toutes les manies, tous les comportements, toutes les méthodes. Celles qui ont fonctionné pendant tant d’années et formé tant de petites têtes blondes, jadis, ne sont finalement que des méthodes parmi d’autres, très nombreuses, et chacun y pioche celle qu’il aime le mieux. Enfin, pour assurer un bon suivi-qualité, on aura eu mille et une institutions, commissions, inspections et académies qui nous auront garanti sur facture un résultat irréprochable.

Pas de doute : le département Education nage et se noie dans le Trop Plein.


Finalement, qu’y-a-t-il de si étonnant à constater, au fil de l’actualité, la faillite totale du système français devant de si évidents déséquilibres ? Dans n’importe quelle entreprise correctement dirigée, on prend soin du coeur de métier, et on ne se lance dans les domaines annexes ou étrangers qu’avec moultes précautions.

Et lorsque la bise survient, on se recentre sur le coeur de métier.

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Commentaires7

  1. chris

    Patience… L’acte II se prépare. Les acteurs s’échauffent… Un an après l’Acte I, rien ou s’y peu a changé…

    Vous connaissez déjà le scénario. Sauf qu’à l’Acte II, suivant en cela les préceptes de la tragédie, on monte en intensité.

    Il y a un an, quelques centaines de petits cons, plus ou moins manipulés, ont découvert, collectivement, l’incroyable pouvoir qu’ils détenaient… collectivement.

    Cela a du constituer une épiphanie, rien de moins.

    Ils ont eu une année pour parfaire leurs techniques, attiser leurs motivations, revoir leur texte…

    Rendez-vous donc très prochainement pour le spectacle.

    PS : la date du début sera clairement un indicateur politique. Les émeutes pourraient ainsi être reculées à janvier ou février prochain… de manière à influencer l’élection présidentielle.

    C’est le scénario espagnol…

  2. Eagle

    En effet! Mais la responsabilite revient aux dogmatiques etatistes avec leurs cercles de dependants (associations, economie mixte, etc). Creant un monde clos, replie sur des idees… "Always look on the bright side of life, always look on the bright side of life."

    Le spectacle d’hier soir: les trois socialismes en faux debat-intox revele a quel point ce pays est malade. Ils n’ont rien compris, rien vu, ils sont enfermes dans leur monde d’inspiration XIXeme siecle; gadgetisation de la politique et grande, terrible mediocrite.

    De l’autre cote ‘ils’ vont meriter le qualificatif que bien des gens murmurent: la droite la plus stupide du monde…

    C’est un vieux pays la France, mon pays, d’un vieux continent, l’Europe, qui vous le dit, il faut preserver l’aveuglement et l’enfumage… il faut preserver notre aristocratie publique! "Oh temps suspend ton vol et vous heures propices suspendez votre cours" disait le poete en ramant les yeux vers le passe, dans le souvenir de la grandeur, inspire par un romantisme idealiste d’un temps qui n’est plus.

    Attention mon brave votre bateau coule disait un aigle qui passait par la voyant la situation dans son ensemble : The Owl and the Ostrich

  3. (j’ai été obligé de modifier le précédent commentaire pour inclure la source de l’article pour des raisons de copyright)

  4. daget

    Que dire à propos de cet article? La réponse est simple:
    Il reflète parfaitement la réalité de la France.

    Malheureusement les français ne veulent même pas être maîtres de leur pays, en exemple je citerai l’élection de M. Juppé à Bordeaux où environ 50% de l’électorat ne s’est pas déplacé aux urnes.

    De toute façon ce pays mérite et va vers une révolution car aucune réformette du gouvernement, qu’il soit de gauche ou de droite; c’est les mêmes, ne semble convenir au peuple français.

  5. Eagle

    @ Daget et h16 Le peuple francais? Non pas tout a fait! Je reformule. Reformettes sont proposees car elles seules sont compatibles avec la survie des fondamentaux de l’aristocratie publique avec en cercles concentriques autour le capitalisme sans capitaux, l’economie du caillou, l’ensemble des activites aidees dont l’immobilier (preserve en une bulle administrative par le POS manipule comme un reducteur administratif de l’offre, l’immobilier compris comme seul pilier actuel du semblant de croissance).

    Ce pays tient par artifice!

    Panique dans le "machin". "Ils" ne sont pas aveugles, nos defenseurs de cette magnifique construction ideologique aux principes voulus intangibles et transformes en dogmes. En fait ils sont dos au mur.

    La seule voie consisterait en une reforme profonde de l’administration. Un corpus juridique avec les moyens d’appliquer la loi dans un temps compatible avec le rythme reel du processus (rythme de l’economie), visant a, en matiere de representation (ce que l’on appelle maintenant la polique), de service civil (participer a ce que l’on appelle maintenant l’administration) interdire tout conflit d’interet (avec l’economie), obliger leur declaration et leur publication ; ceci allant de pair avec une liberte des medias. Pour d’abord eviter la colonisation de la politique par des representants de l’administration, ensuite savoir qui est defendeur de quel interet, et eviter ce qui precede (conflit d’interet). Exemple Mr Y Maire de Trifouilli, proprietaire des terrains (a, b, c) devra declarer et publier ce fait… Mr Z Depute, proprietaire de N actions de Alpha SA devra (idem) dans le contexte de deregulation impliquant alpha sa Tout dans cet esprit! Pourquoi? Car ceci est la source de tous les bricolages qui ont ruine l’economie de ce pays ces trente dernieres annees, ruinant l’economie et la focalisant sur un perimetre reserve (chasse gardee) on ruine l’ensemble pour preserver cet ilot! Ceci faisant, par compensation, de l’immobilier, un secteur deconnecte du reste de l’economie, un reste qui est en partie dependant de textes qui abritent et une partie trop petite jouant dans le global avec les boulets des charges et impots que tout le reste genere! Car a trop avoir voulu planquer, on a plus que des wagons et plus de locomotive. Attention, le cas du desastre industriel actuel (voir actualite) est un cas exemplaire de ce qu’il ne fallait surtout pas faire, subordonner l’industrie a des agendas politiques! Bref il faudrait tres vite separer la politique de l’economique. Tres vite sortir de l’aristocratie publique. Il faudrait des contre-pouvoirs, il faudrait tourner le dos au derives issus de l’histoire de la vieille Europe. Vaste programme.

    Mais direz-vous cela ressemble a un projet vecu il y a 230 ans!

    Les abus font de la resistance.

    Tout etant devenu faux (sens non fonde economiquement, sens non fonde sur la perennite meme de la societe – car preserver le passe et tuer l’avenir c’est la mort assuree – ) il devient urgent a ce que rien ne change. Silence, de peur que de grands secrets ne soient reveles!

    L’argument du roi nu mene a une secousse dans la societe. Le roi est nu mais si on dit qu’il est nu alors il le sera… Sous entendu "on ira a la rue". On ira a la rue. C’est inevitable quand la tension sera forte et la circonstance trouvee jouera le role de catalyseur (banlieues, retraites, etc). La il y a deux voies celle subie et celle canalisee. A noter qu’il n’y a pas de voie mediane quoi qu’en disent les specialistes de ce fiasco.
    Soit on y va (a la rue) parce que "on a rien fait et on repousse", alors ce sera la deliquescence et la chienlit Soit on y va parce que "on regle un probleme qui nuit a l’ensemble mais qui va deplaire au lobby publique" (scenario Reagan vis a vis des controleurs aeriens, ou Thatcher vis a vis des mineurs subventionnes). Tout le probleme maintenant est celui des circonstances, des priorites et du timing. Triste systeme qui ne sait que progresser par secousses, incapable de negotier, toujours cette culture d’affrontement.

    Je deplore mais je refuse d’ecouter les contes pour enfants. Rien ne se fait sans travail, du travail et encore du travail (perso je suis de l’ecole americaine sur ce sujet). Ici on arrive tres vite a des postures aristocratiques, le travail vu d’en haut, sa rente et un peuple en dessous dont on se mefie; une fiere volonte de domination des hommes. Ce n’est ni le capitalisme ni une democratie!

    Origine du desastre. Elle est double. En interne ce qui vient d’etre dit. En externe car le reste du monde performe a un rythme sans rapport avec le rythme local et sur des principes opposes. Le declin francais se mesure ainsi a double dynamique.

    Prochain President: Ou bien il (elle) fera le scenario volontaire de reforme de fonds; il y a un espoir mais cela durera vingt ans pour faire faire demi tour a ce grand paquebot lance vers la cote. Ou bien il (elle) considerera qu’il vaut mieux maintenir le cap et esperer des renversements externes qui pourraient alors faire que l’ecart au reel d’un coup serait moins grand (un continent europeen rose devenant une voie alternative a la globalisation…) Espoir vs ruine certaine. Si la voie de la ruine certaine est choisie ce sera alors par un nouveau plan de reconstruction que le monde viendra remettre en route la vieille europe et le scenario de l’article cite prend tout son relief. En attendant nos experts en fiasco chevauchent tous les themes utiles anti-ogm, rechauffement, anti-americanisme latent et attise de facon habile, anti-science (soutenu par la mediocrite des programmes scolaires, le decalage avec la science actuelle sauf pour petite part), une selection qui est en fait une segregation non pas une multiplication des chances par une valorisation de tous les talents et une integration de tous; un pays en noir et blanc, fait de pensee binaire, piege dans de grandes simplifications (ideologiques) incapable de comprendre que c’est sur toute la palette, sur la diversite et la complexite qu’il faut jouer! Ne jouant que sur deux notes en dissonance c’est devenu totalement inaudible.

    Rien ne se fera sans une reforme profonde de l’Etat jacobin, qui est fait d’une aristocratie publique. Il faut dire que, en 1830 (revolution de Juillet) Lafayette (qui a participe a la revolution americaine) ne croyait pas a une logique americaine pour la France, deja le monarchisme etait pense ideal pour ce pays, on est maintenant en monarchisme republicain. Peut etre devriez-vous essayer la Liberte!

    Pour un dialogue parent-parent. Un "ex-citoyen" (pro-liberte economique et atlantiste) qui passe ses observations et sa connaissance du "machin" et du contraste avec le reste, a qui veut les reprendre!

    Trop la ou il ne faut pas. Trop peu la ou il faudrait.
    En deux phrases vous resumez la France actuelle.

  6. pierrem

    "en effet, Dom de Gal propose simplement de renforcer les poursuites. Si si, c’est même écrit ici. Voilà une solution qu’elle est puissante."

    Oui le seul problème c’est que avec la séparation des pouvoirs, Villepinus chef de l’executif (ou juste après chirac, je sais plus avec notre régime ) n’a pas de pouvoir sur les décisions de justice. Seulement sur les arrestations. Donc on ne peut lui reprocher de ne pouvoir que renforcer les poursuites. On doit même le féliciter de ne pas empitéter sur le pouvoir judiciaire.
    Après cela ne change rien au manque d’isonomie. Seulement ce n’est pas le rôle de villepinus de le résoudre.

  7. @pierrem : si ce n’est pas à DdeV de proposer des réformes visant à l’isonomie, ou, à tout le moins, à tenter de la mettre en application (elle existe dans les textes, normalement), à qui donc est-ce le rôle ? Grassement payés, il serait temps que nos ministres comprennent que tout salaire mérite travail, que diable !

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