Dérives débiles

La revue de presse prandiale relève parfois du cardio-training fulgurant tant l’actualité se bouscule dans l’aigre, le bête et le méchant pour le libéral timide au coeur fragile. Et tous les mocassins à glands ou les “yellow-power” cravates n’y changeront rien : la France s’abêtit d’heure en heure et il semble que l’arrivée de Sarkozy à l’Elysée ne modifie absolument rien au rythme militaire, cadencé et rapide auxquelles les dérives débiles s’enfilent pour notre plus grand malheur… Pire, depuis qu’il est là, on a même l’impression que ça s’accélère.

Pour qu’une attaque cardiaque antilibérale réussisse, il faut procéder par étape.

Le collectiviste bas du front loupe généralement sa manoeuvre en commençant directement, le couteau entre les dents, par les morceaux de bravoure intellectuelle les plus gras qu’il connaisse ; faisant ainsi partir son arme au mauvais moment, le libéral timide, réagissant avec son petit bulbe reptilien et s’en tenant aux réflexes qui fondent sa survie en milieu hostile, se pousse et en réchappe. Le combat qui s’en suit est généralement sans merci.

En revanche, si le collectiviste, dont les gros sabots, englué du sang visqueux des pauvres et des faibles qu’il piétine, ne lui permettent guère le pas de loup, débute son attaque par des petites brèves idiotes, il s’assure que c’est la partie corticale du libéral qui est atteinte en premier : le pauvre défenseur des libertés va commencer à réfléchir aux niaiseries consternantes que notre statolâtre aura lancé, ce qui augmente considérablement et son temps de réaction lors de la prochaine attaque, et son rythme cardiaque sous le coup d’une montée rapide d’adrénaline.

Le libéral, même entraîné, peut bien bander tous ses petits muscles chétifs de combattant rigoureux en rhétorique marxisante, il s’épuisera vite à contrer les myriades de notules crétinoïdes libertophobes que son adversaire rouge lui lancera par cargos entiers en criant “Prends ça, pourriture capitaliste !”.

En clair, c’est bien l’aspect graduel, dans le flot de conneries, qui tue : on commence par du juste bête pour terminer par du gros, du lourd, du moche, et là, généralement, le pauvre libéral, le regard perdu dans ses tristes pensées, s’effondre en sanglots devant le monde collectiviste et bête à manger du foin qu’on l’oblige à regarder.

Ce midi, c’est en lisant la presse du jour que j’ai eu le sentiment distinct et poignant de vivre un combat homérique, à la Bruce Lee avec des pifs, des pafs et des kiaïs un peu partout dans la figure.

Tout a commencé quand j’ai voulu m’intéresser aux gesticulations de la Pécresse sur les universités et la réforme qu’elle entend mener rapidement pour leur donner de l’autonomie dans leurs recrutements, leurs budgets, leur immobilier, etc… le tout bien sûr sans remettre en cause la portée nationale des diplômes ni autoriser la sélection à l’entrée. J’ai l’impression nette d’avoir loupé une systole – ouïchgrl – en essayant vaguement de comprendre comment elle entendait s’y prendre pour réussir cette prouesse.

En gros, les universités seront donc libres de faire ce qu’elles veulent … dans la limite des contraintes habituelles (argh!). Si les crétins compacts qui forment les rangs boueux des syndicalistes étudiants avaient vraiment matière à réagir, ce serait sur l’absurdité de ce qu’on leur propose là. Pour le moment, à la bêtise de la réformouillette, ces derniers répondent vigoureusement en proposant leur propre bêtise, préparant des actions sans même connaître encore le contenu de cette hypothétique réforme, et rouspétant contre le calendrier estival de celle-ci.

On peut d’ailleurs se demander pourquoi, si l’enjeu est à ce point crucial, la nature estivale de la réforme les gêne autant : après tout, si le jeu en vaut la chandelle, nulle vacance, nul temps de repos ne devrait se mettre en travers des preux défenseurs de l’Etude Universitaire Juste, Egale et Joyeuse Pour Tous ! Il est en effet étrange de la part d’un Bruno Julliard – dont la force d’abnégation et de travail n’est plus à prouver – qu’il se plaigne, finalement, d’avoir du temps (plus de deux mois) pour faire les manifs !

Comme on le voit, il y a là largement de quoi commencer à sentir son petit muscle cardiaque pomper frénétiquement dans sa poitrine. Mais ce n’était pas tout !

Le deuxième coup fut porté lorsque j’apprenais qu’une paire d’associations auto-proclamées représentatives décidait d’aller brailler auprès de la mère Roselyne, notre sémillante ministre(sse?) de la Santé, pour demander l’application du principe de précaution avant la commercialisation d’un GPS pour mômes. Gniiiiih. Mon coeur. Raaaah.

Il n’y a évidemment pas le moindre doute que la pauvre(sse) ministre(sse) va accéder à la requête des abrutis lyophilisés qui ont pondu cette demande consternante, ce qui, en soit, constitue une vrai victoire de la crétinerie ambiante sur le bon sens d’antan. Outre le ridicule consommé du rappel de l’étude de Porto Alegre dont on se demande si elle n’est pas là juste pour faire plus altermondialiste, on se demande bien comment un groupe d’intégristes du bio peut arriver à obtenir, finalement, qu’on empêche purement et simplement la mise sur le marché d’un téléphone portable (puisqu’il ne s’agit, finalement, de rien d’autre). Si les distributions de baffes étaient proportionnelles aux conneries qu’ils prononcent, ces sombres imbéciles seraient percussionnistes dans des groupes folkloriques.

Mais le coup de maître, le coup d’estoc fatal fut porté à la lecture (difficile car les yeux embués de larmes) du projet de décret imposant –la gratuité–le paiement par d’autres de la carte orange pour les Franciliens. Pour aujourd’hui, plus de doute : si la bêtise doit avoir son monument, ce décret sera sa Chapelle Sixtine.

Réfléchissons deux secondes (le sujet n’en mérite pas plus, et la tachycardie frénétique ne nous laissera guère plus de temps avant le couic final) :
– les gens qui prennent les transports en commun, actuellement, payent leur carte orange. Le fait de la rendre gratuite payée par d’autres ne va pas, a priori, modifier leur façon de voyager ; en tout cas, pas en les incitant plus. S’agissant d’un forfait indépendant du nombre de voyages, on ne voit pas trop l’impact positif que la mesure aura sur ces usagers. On peut en revanche imaginer que, ne payant plus, ils pourront choisir indifféremment la carte ou un moyen de transport alternatif que le déplacement de budget aura permis. En gros, si je ne dépense plus 100 EUR pour la carte orange, il peut advenir qu’un déplacement ponctuel en voiture devienne envisageable puisque j’ai à nouveau 100 EUR de plus en pouvoir d’achat à y consacrer. Imaginer que la somme dégagée va entièrement profiter à acheter des livres ou un abonnement pour le musée du Louvre est un pari risqué…
– pour les autres, ceci pourrait représenter un gain si tant est que le transport en commun représente bien une solution viable. Si la voiture prend une heure là où le transport en commun en prend plus de deux, le fait de disposer d’un moyen gratuit payé par un autre ne modifiera pas mon habitude de consommation. Bref : là encore, l’effet attendu (ruée sur les transports en commun) risque bien d’être assez limité.
– pour tout le monde, cette gratuité sera en fait supportée par les entreprises, et, par voie de conséquence, par les consommateurs. Ce qui veut dire qu’une bonne partie des Franciliens (y compris ceux qui ne se servent en rien des transports en commun) ainsi qu’une partie des consommateurs de par le vaste monde, paieront la charge supplémentaire induite. Voilà qui va, comme on s’en doute, améliorer encore la compétitivité française. Je suppose que ça s’inscrit dans la politique du petit Nicolas, mais je peine à voir exactement où…

A ce point de mon aventure cardiaque, je me mets en boule et pousse un petit argh suivi d’un dégonflement complet de mes poumons. Quelques spasmes, et bientôt, le libéral timide déclare forfait.

Je ne devrai pas lire la presse, comme ça, sans combinaison anti-G, sans staff médical à proximité et sans préparation !

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Commentaires8

  1. Gaël

    "Si les distributions de baffes étaient proportionnelles aux conneries qu’ils prononcent, ces sombres imbéciles seraient percussionnistes dans des groupes folkloriques."

    J’adore ! Excellent billet !

  2. Christophe

    De riants collectivistes flamands avaient mis en place les transports en communs payés par la collectivité. Après quelques années, voici les résultats de cette politique constructiviste : aucun impact sur la fréquentation des transports en commun….. Prenez en de la graine bande de Delanoë !!!

  3. chris

    On vous avait prévenu H16… avoir un peu de patience… juger sur pièces…

    On peut encore dire qu’en raison des législatives, le gvt doit utiliser la bonne vieille langue de bois franco-française (à ce titre, le goulash de Pécresse est couillu, heu pardon, goûtu !).

    Mais elle n’est pas seule : le coup de la carte scolaire est aussi assez drôle. Ainsi que les intérêts sur les prêts immobiliers, et les abjectes danses du ventre concernant le service minimum et autres négociations "avec les partenaires sociaux"…
    Sans oublier les 25 000 "éloignements" de clandos annoncés par Hortefeux ! Gageons que le mot "expulsion" est devenu trop sale.
    Bref.

    Tout cela pour dire : je donne encore 15 jours à la bande à Sarko… Mais les législatives passées, si le circus continue sur le même ton, alors il conviendra de se poser des questions…

  4. Eeeeeh oui, je sais, je suis un impatient… et un râleur invétéré 😉

    Effectivement, comme vous le dites fort bien, je donne moi aussi 15 jours à la bande à Sarko. Mais les signes avant-coureurs ne sont pas terribles, vous en conviendrez.

  5. Gro_Grouik

    Concernant la « gratuité » de la carte orange :

    Outre le fait que cela ne va pas profiter à grand-monde, hormis peut-être les salariés-fraudeurs qui ne s’astreindront plus à la pratique du saut de haies bi-journalier (1), cela aura surtout des effets pervers :

    – l’augmentation du mécontentement général : toutes les populations qui vont encore payer plein pot (à savoir les retraités, les indépendants en tous genre, les personnes en recherche d’un premier emploi qui sont – rappelons-le – ni salariées ni chômeuses, « morts travaillants » quoi, etc….) vont être ravies de se faire tondre la maigre laine qui leur reste sur le dos. D’où leur ressentiment vis-à-vis des salariés, qui vont de plus en plus être vus comme des privilégiés, gueulante dans la société, toussa.

    – la possibilité d’augmenter les tarifs des transports (qui ont déjà atteint un niveau stratosphérique si on les compare au service fournis – enfin, fourni est un bien grand mot) à un moindre coût contestataire, puisque les salariés qui représente une grande partie des usagers des transports en commun – si ce n’est pas la majorité – se dira « une augmentation ? Je m’en tape, c’est le patron, ce salaud de kapitaliste, qui casque ».

    – pour rebondir sur le 2ème point, les augmentations qui ne manqueront pas d’apparaître ne vont bien sûr pas se traduire en augmentation de la qualité de service, pour ça on peut leur faire confiance. D’où une moindre incitation à prendre les transports en commun. C’est vrai, je me demande pourquoi il n’y a pas plus de personnes qui désirent prendre des transports déjà bondés, en mauvais état, avec des retards et interruptions de service déjà fréquentes, et qui puent (je connais par cœur, je prends le RER B à Châtelet tous les jours). Cela va se traduire quand même par une augmentation du mécontentement généralisé. On ne s’en sort pas.

    – enfin je subodore qu’il s’agit d’une mesure servant à compenser les effets pervers de la gratuité des transports accordée aux chômeurs. Ben oui, vous savez, l’incitation à rechercher un salaire plutôt que de « vivre » des ASSEDIC ou du RMI… Bref une mesure pleine d’effets pervers cherchant à compenser les effets pervers d’une autre mesure du même tonneau. Bientôt ils vont nous les livrer par pack de 12 avec le tableau des correspondances et le mode d’emploi.

    Décidément, y’en a pas un pour prendre les problèmes par le bon bout de la lorgnette au château…

    (1) et la prévention de l’obésité dans tout ça ??? C’est le PNNS qui va être content…

  6. Christophe

    Rectification de mon info sur l’impact des transports gratuits en Flandre : il y a bien augmentation des usagers mais aucune diminution du trafic automobile.
    Selon un parlementaire flamands : "Il y a bel et bien davantage de monde dans les bus et les trains, mais il s’agit de personnes qui se déplaçaient moins auparavant, ou alors à pied ou à vélo".
    Ouaaaah, ces constructivistes verts nous ont sorti une bombe à CO2 !!! Je me marre !!!
    La dépèche est lisible ici : http://www.7sur7.be/hlns/cache/f...

  7. Nick de Cusa

    Eh oui, c’est le coup de la grenouille dans l’eau bouillante: elle s’en échappe immédiatement d’un bond éclair. Par contre, mettez la dans l’eau tiédasse et montez la température degré par degré, et elle se laissera bouillir docilement, sans s’en rendre compte.

    Bon jacuzzi, mes petites grenouilles.

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