Qui Paye ?

Voilà, nous y sommes : les clowneries de début de saison ont commencé. Les gréviculteurs sont en pleine récolte et le cru 2007 est étonnamment proche de tous les autres crus. Peu d’espoir de voir une lueur de lucidité se glisser dans le jus épais qui sera tiré des grappes de syndicalistes fraîchement cueillies cette année aux abords des gares et des dépôts de bus. Et alors que la vendange bat son plein, une question s’impose : qui paye ?

Ne vous méprenez pas : toute action, dans ce bas monde, n’a pas forcément un prix. Ca ne l’empêche pas, en revanche, d’avoir toujours un coût.

De la moindre bactérie utilisant ses réserves énergétiques au travers de la photosynthèse pour produire … de la bactérie, jusqu’à la vache brûlant des sucres pour ruminer de l’herbe, en passant par l’usager de la grève SNCF marchant pour aller au travail, ou par le syndicaliste braillant pour faire savoir à la face du monde que non!, on ne touchera pas à ses zacquissociaux, toute action, qu’elle fût de grève ou de travail, a un coût, ne serait-ce qu’énergétique.

Pour une action donnée, cependant, le coût n’est pas forcément supporté par celui qui la mène. Ou, du moins, ce coût peut-il être réparti de telle façon que celui qui effectue l’action récupère une partie de l’énergie fournie au dépend d’un autre, par exemple. Il peut arriver que, de l’inaction de certains, les dépenses énergétiques ou les coûts des autres soient augmentés.

Dans toute société, ces déplacements de coûts sont la norme : la force de l’esprit humain consiste justement à savoir anticiper les dépenses énergétiques, les optimiser, les déplacer dans le temps ou les éviter.

Mais parfois, aussi bien huilés soient les rouages de cette société, il faut prendre un peu de recul pour faire un rapide bilan, énergétique ou financier s’il peut l’être, pour bien déterminer qui, finalement, supporte les coûts de telle action ou telle inaction. Si l’étude est menée objectivement, elle permettra par exemple de déterminer qui supporte le plus les coûts étudiés. Et elle permettra aussi, si l’on cherche une certaine équité, à ne pas faire toujours payer les mêmes.

Si l’on prend le cas courant de la grève de ce jeudi, on peut noter que l’inaction de certain, forcée, entraîne effectivement un coût important pour d’autres. Beaucoup d’autres. En pratique, le rapport est probablement très supérieur à 1:100. Autrement dit, pour un gréviste, cent personnes au moins vont devoir dépenser beaucoup de sueur ou de temps pour compenser l’inaction choisie. Notons que ce ne serait pas vrai pour une autre grève, dans un autre secteur. Dans la plupart des cas, le rapport serait probablement beaucoup moins fort…

Si l’on admet, à présent, que ce coût est donc réellement supérieur à 100 pour 1 (100 actions de certains pour compenser l’inaction d’un seul), étudions de plus près ceux qui supportent l’action compensatoire : ce sont, pour l’écrasante majorité, des gens qui ne peuvent se résoudre à l’inaction. En gros, ceux qui vont bosser alors que la grève paralyse complètement les transports supportent le font parce que rester chez eux représente un coût supérieur à l’inaction.

Pour le dire autrement, la grève sera d’autant plus coûteuse qu’elle sera subie par les plus pauvres, ceux qui ne peuvent transiger et qui ne peuvent faire le choix de l’inaction (et donc du report de coût sur d’autres).

Ce qu’il y a de particulièrement ironique, c’est que cette grève est organisée par des syndicats qui, au départ et majoritairement, représentent les ouvriers et les classes traditionnellement les plus modestes de France. Or, ce sont justement ces classes (les employés de bureaux, les ouvriers, manutentionnaires, livreurs, etc, etc, etc) qui vont le plus souffrir de ces arrêts de travail.

Les cadres, plus aisés, pourront prendre une journée de RTT. Ils pourront télétravailler. Ils pourront décaler leurs horaires et venir en voiture puisque, ça tombe bien, ils en ont une et peuvent payer l’essence.

En pratique, plus la grève est dure, plus les petits, les pauvres, les sans-grades, ceux-là même que les hypocrites syndicalisés prétendent représenter, en bavent et payent cher la mobilisation artificielle des nantis sous monopoles.

Mais le coût est encore plus profond. Le prix à payer sera encore plus élevé. L’insidieux et l’inique sera encore plus puissant puisque ce sont ces mêmes classes, les plus pauvres, qui, parce qu’ils sont tout simplement les plus nombreux, paieront par leurs impôts les jours de grèves que les nantis ont pris. Ce sont ces classes les plus modestes qui, par leurs cotisations, paieront les retraites dorées des grévistes, qu’elles soient “alignées” ou non, d’ailleurs.

De façon générale, les avantages acquis par la force publique et les inactions calculées des uns sont toujours payés par les actions coûteuses et les sacrifices des autres.

La bonne nouvelle, c’est que la donne, en France, change doucement : petit à petit, ceux qui payent se rendent compte que l’effort ne coule, finalement, que dans un sens. Les syndicalistes ont beau jeu de dire que la résistance des cheminots est nécessaire : s’ils cèdent, le gouvernement aurait alors plus de champ libre pour agir. Pour le coup, ils ont raison. Mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que la réforme, la rupture, le changement ou, tout simplement, la remise à plat du système n’est pas une option négociable. Ce n’est plus un débat de société. Ce n’est plus non plus une idée en l’air ou un vague programme politique.

Et que ce changement drastique soit effectif dans les prochains jours ou pas importe peu; il aura lieu un jour, forcément : les finances de l’Etat ne sont pas infinies, la confiance des gens n’est pas élastique, les ressources des uns et des autres ne sont pas inépuisables.

Pour se détendre, une petite vidéo.

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Commentaires6

  1. Higgins

    C’est vrai qu’ils n’en foutent pas "bésef" au sein de la Soviétie Nationale des Chemins de Fer…

    Compte tenu du nombre de grève effectuée pour les "conditions de travail" (quel humour), une puissante commission d’enquête parlementaire devrait se pencher de toute urgence sur cette résurgence de l’esclavagisme!

  2. Oppossum

    Effectivement, compte tenu des rapports de forces et du poids des acteurs, le coût des choses est loin d’être toujours supporté par celui qui paie nominalement.

    Jeu subtil de chaises musicales financières .

    Le perdant est souvent -à plus ou moins longue échéance- le maillon faible … òu l’âne, en fin de course.

    Parfois c’est vraiment Paul qui paie : Paul est vraiment un con.
    Parfois chacun paiera (mais à quelle proportion ?) puisque c’est l’Etat qui paiera.
    Parfois personne ne paie … ou plutôt si, mais la génération suivante :c’est la dette
    (Le tout étant alors de savoir qui paiera la dette … on repart à la case départ)
    Parfois vraiment personne ne paie et le système se détraque un peu plus … on vit alors tous un peu plus mal mais c’est bien plus dur pour les plus faibles

    Moralité comptable (et non moralisante) : si toute l’énergie déployée à ne pas payer, ne pas supporter un coût, faire payer et travailler les autres , était canalisée dans une direction … moins stérile et infantile … non seulement personne ne perdrait quoique ce soit mais peut-être même qu’on y gagnerait tous.

    Bon ça serait moins rigolo, c’est sûr ! 😉

  3. chris

    Moi ce qui m’ennuie c’est l’espèce de renoncement, de passivité des Français.
    Une nouvelle grève ? Sur des motifs réellement scandaleux ?
    Encéphalo plat.

    Ceux qui peuvent posent des RTT, des vacances… On a eu plus d’un mois pour s’organiser… Mais c’est tout. Aucun mouvement d’humeur, une passivité effrayante… comme des bêtes menées à l’abattoir.

    Comme des veaux. Les mêmes veaux qui étaient satisfaient de leur sort de veaux en décembre 1995… soutenant la grève "festive" (déjà à l’époque).

    On parlait de grève par procuration… Et tout ce délire.

    A ce stade là, ce n’est plus une inversion des valeurs, c’est un désordre total.

    Alors qu’il faudrait être revanchards, agressifs, punir les syndicats et leurs sbires, les renvoyer dans leur 22 mètres. Quarante ans qu’on endure leur cirque, leur comédie.

    A la fin, nous devrions comprendre que tout n’est que rapport de force. Oui la 1789 c’était pas propre. Mais il était nécessaire de couper des têtes.

    Marre. Merde.

    Mais aujourd’hui, rien. On s’amuse avec Sarko, son ex-femme, son divorce… Ambiance surréaliste pour un pays en état de décomposition, pour le coup, vraiment avancé. Terminal ?

  4. geo

    ""Ce qu’il y a de particulièrement ironique, c’est que cette grève est organisée par des syndicats qui, au départ et majoritairement, représentent les ouvriers et les classes traditionnellement les plus modestes de France”’

    Cest vrai , il y a de l’ironie dans le syndicalisme actuel, mais êtes vous bien sûrs que les syndicats actuels défendent l’ouvrier? Ne feraient ils pas un combat d’arrière garde pour défendre une politique désuète et surranée de collectivisme?

    Partage……répartition…..solidarité…….Mais avec quel gateau?……La dette?

  5. Gaël

    A propos de la grève SNCF annoncée pour le 13/11, je viens d’avoir un éclaircissement tout à fait intéressant de la part d’un collègue syndicaliste CFDT. Je bosse en province dans le privé et l’informatique (lui aussi donc), par conséquent je vois de très loin et d’un mauvais oeil (quoi que pas très concerné) les nuages sombres qui s’accumulent.
    Le truc, d’après lui, c’est qu’il va y avoir des éléctions syndicales de type découpage de gateau mi-décembre à la SNCF. Le fait de perdre 1% de représentation, ça fait une dizaine de types qui doivent retourner aux fourneaux (électriques) ou aux guichets (automatiques)… Autant dire, kof kof, au travail, at’chaaaa… (désolé, une soudaine crise d’allergie). Au-delà de ça, c’est également une perte à gagner significative pour un syndicat que de perdre quelques points dans le bazar.
    Autant dire qu’ils y vont joyeusement tous en coeur et que les consignes internes au syndicat sont la mobilisation et le soutien à la branche des cheminots, pourtant largement minoritaire…
    A mon humble niveau et sans autre moyen de vérification, je me dis que ça ouvre une autre piste de réflexion intéressante : le choix de la date n’est certainement pas innocente pour le gouvernement. En effet, si le sarko-show continue après le chaos annoncé (prévoir la mi-décembre pour envisager le train de nouveau), ça lui fera une sacré victoire sur les syndicats. Choisir cette date pour la confrontation est donc très probablement stratégique pour tout ce petit monde.

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