La presse qui s’agite

Le lecteur assidu aura noté que je ne portais pas certains quotidiens dans mon cœur. Sans vouloir m’appesantir sur les pignoufs de Libération qui font par exemple des articles pour écrire qu’ils n’ont absolument rien à raconter, ni sur les guignols de l’Humanité qui, toute honte bue, pactisent avec le Grand Kâpital pour faire sortir leur canard pouilleux, il flotte sur la presse un petit parfum de déroute de plus en plus fort sur lequel il serait dommage de ne pas porter un peu d’attention.

Récemment, la téloche française nous offre une excellente démonstration de ce qu’il faut faire pour s’enfoncer dans le médiocre. Ce n’était pas bien brillant les années passées, c’est maintenant un festival d’insipidités et de bêtise sans panache qu’on nous offre tous les jours dans la lucarne. Quand on a rien à dire ou à montrer, on parle et on fait quelques mouvements de bras. Ou on envoie un reporter faire le zouave en hélico, ça marche aussi. Le crash de l’AF447 est une excellente démonstration du vide monté en épingle.

La rapidité des enchaînements de sujets (AF447 ? Oublié. Retour sur la grippe grouik-grouik qui ferait des millions, pardon milliers, pardon centaines, pardon dizaines de morts) cache mal l’indigence des traitements et l’analyse de plus en plus rikiki. Ce qui est vrai dans le télévisuel l’est aussi dans le papier : combien de journaux survivent ? Plus ça va, et plus les premières pages des grands quotidiens nationaux ressemblent à des appels désespérés à l’acheteur, racolage voyant de photos et de titres bidons en 5 colonnes à la une. Dans ce qui ressemble à un petit frémissement mou, les journaux payants et gratuits se rejoignent. Le souci reste que le gratuit, dont le prix convient à la valeur des articles, n’a jamais évolué d’un cachou. Je vous laisse tirer la conclusion concernant les payants.

Pendant ce temps, les technologies internet continuent de grappiller des parts de marché. Et pas qu’un peu. Comme le fait très justement remarquer Disparitus, la presse traditionnelle est en train de se prendre une – passez moi l’expression – méga-branlée. On dirait presque le PS ou Bayrou après une élection.

Ainsi, les blogs donnent à qui le veut une analyse en temps réel des informations disponibles. Je ne parle pas d’un simple relai d’info. Je parle bien d’une analyse. Certes, elle ne vaut parfois pas tripette ou à peine plus que celle obtenue dans le bistrot du coin. Mais elle est en tout cas bien plus présente que les quelques tristes éditos ou chroniques d’un Monde de plus en plus moribond, ou les poulets rachitiques de Joffrin dans un Libération que les multiples perfusions étatiques ne parviennent pas à rendre rigolo. Ou si, mais pour se moquer.

L’autre aspect, c’est la diversité des opinions disponibles, chose que les journaux traditionnels sont bien en peine de fournir. L’affaire Vals est intéressante à ce propos ; on trouvera ainsi chez Toreador, Laurent Pinsolle ou Polydamas quelques réflexions à ce sujet : pas de langue de bois, pas de “j’essaie de ne froisser personne”. Le média tradionnel, là, lutte et échoue.

Même pour un truc aussi vif et tranchant que le prochain congrès du 22 juin organisé par SMS[1], qui devrait déclencher des billets, des éditos, des tribunes sanglantes dans les journaux, quand on compare avec les versions électroniques chez Nick Carraway ou chez Authueil … y’a pas photo.

Mais tout récemment, c’est bien l’impact de Touiteur Twitter qui donne une assez bonne idée du décalage croissant entre les médias de l’ancienne génération et les médias internet. La décentralisation poussée que permet internet provoque une véritable lame de fond qui va happer plus d’un journaliste.

Prenons le cas de l’Iran. Alors que la presse avait couvert, dimanche dernier et dans une relative mollesse, le déroulement et le résultat des élections, le réseau social Twitter bruissait rapidement des protestations de plus en plus véhémentes des citoyens iraniens : le sentiment de s’être fait flouer d’une élection en bonne et due forme devenait trop fort, et les moyens techniques permettant de passer au travers d’une des censures les plus fortes de la planète, les voix finirent par porter.

Alors que lundi, ça s’activait sur internet, les médias traditionnels embrayaient à peine. Là où ceux-ci se retrouvent physiquement refoulés par le régime iranien, les internautes twittent et s’informent. Pendant que ça patauge dans le monde papier, ça réfléchit sec dans le monde virtuel.

Ca réfléchit même autant sur l’Iran et sur le gagnant réel ou putatif des élections que sur, justement, l’impact de ces twits sur la presse standard. Au point que la presse traditionnelle note la tendance. La presse numérique, elle, s’est déjà adaptée.

Bref.

Une tendance lourde semble s’installer : les prochaines années verront de plus en plus de quotidien papier passer de vie à trépas. L’utilisation des nouvelles technologies de collecte et d’analyse d’information, couplée au déploiement de nouveaux supports (papier électronique, e-reader et consorts) va profondément remettre en cause les business-models des médias traditionnels.

En France, on peut alors parier sur deux choses : la première est le lobbyisme galopant qu’entreprendront ces médias auprès des politiques pour tenter de verrouiller la production journalistique “free-lance” via internet. Les Majors musicaux sont passés par là, les grands groupes de presse auraient tort de ne pas tenter la même route. Une bonne tranche de rigolade hadopitoresque en perspective.

La seconde chose sera la réaction politique à ce changement de société. On va passer d’un monde où l’homme politique peut se contenter de flatter et de parler à un nombre restreint de personne pour avoir de l’influence, à un monde où, finalement, chaque groupe d’intérêt, chaque citoyen devient un véritable acteur et relai de pensée, en clair à un monde où comptera avant tout le résultat, un monde qui a une mémoire d’éléphant et qui prend le temps d’analyser.

Ce changement profond de méthode marketing pour l’industrie politique promet des gamelles hilarantes.

Notes

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Commentaires24

  1. maurice b.

    > On va passer d’un monde où l’homme politique peut se contenter de flatter > et de parler à un nombre restreint de personne pour avoir de l’influence, à > un monde où, finalement, chaque groupe d’intérêt, chaque citoyen devient > un véritable acteur et relais de pensée.

    à l’UMP nous ne croyons absolument pas à l’influence des idées politiques véhiculées sur internet.
    C’est bien simple je donnerai comme exemple mon député UMP de circonscription (dont je ne révèlerai pas l’identité)
    il ne répond jamais aux emails qu’on lui adresse via son adresse electronique de l’Assemblée Nationale alors qu’il répondra toujours aux courriers postaux ou à des demandes de rendez-vous à sa permanence.
    Ce comportement qui peut paraitre absurde à certains est significatif de nos valeurs.
    Il indique que nos hommes politiques (à l’UMP en tout cas ) veulent connaitre leur interlocuteur et que rien ne pourra remplacera le terrain.
    Or internet, c’est le royaume de l’anonymat par excellence, du camouflage derrière un pseudo qui permet la calomnie, le mensonge, la diffamation, l’affabulation, la manipulation.
    Bref ça ressemble à George Orwell et ça ne correspond pas à nos valeurs.
    Nous, nous faisons le pari que les gens qui n’ont jamais réussi à faire passer leurs idées auprès des électeurs et qui espèrent que l’internet va par miracle effacer d’un coup de baguette magique leur incompétence politique….mieux vaut les laisser vivre dans leurs illusions.

  2. Before

    Bon, j’ai compris, h6 : maurice b. (qui au passage n’est pas anonyme, hein) n’existe pas !
    C’est un pseudo contradicteur que vous avez créé pour animer cet espace de commentaires avec des posts rigolos.
    Dites-moi que je ne me trompe pas. Rassurez-moi !

  3. Petit Tonnerre

    "C’est bien simple je donnerai comme exemple mon député UMP de circonscription (dont je ne révèlerai pas l’identité)
    il ne répond jamais aux emails qu’on lui adresse via son adresse electronique de l’Assemblée Nationale alors qu’il répondra toujours aux courriers postaux ou à des demandes de rendez-vous à sa permanence"

    Ben peut être qu’il gagne tout simplement pas assez pour se payer un internet le pauvre….
    Vous devriez montrer l’exemple et lui envoyer plus d’impôts maurice.

  4. Ang

    "à l’UMP nous ne croyons absolument pas à l’influence des idées politiques véhiculées sur internet"

    Ahahaha,
    C’est pour cela que vous polluez tous les sites non conformes à vos idées,
    aller, de l’air !

    Très bon billet H16, Merci !
    C’est Internet via les blogs qui m’ont fait rencontrer le Libéralisme,

  5. Abst

    @maurice b :

    Hum, il me semble que les politiques savent manier "la calomnie, le mensonge, la diffamation, l’affabulation, la manipulation" et autres joyeusetés du genre à la perfection et ce depuis bien avant l’arrivée d’internet.

    Oh, et à propos d’incompétents aveuglés par leurs illusions, si on parlait de nos chers hommes politiques.

  6. jaar2001

    "Bref ça ressemble à George Orwell et ça ne correspond pas à nos valeurs."

    Au contraire, grâce au progrès technologique les émetteurs de messages deviennent plus nombreux, on s’éloigne ainsi peu à peu de la préférence du dictateur pour un nombre réduit d’émetteurs. Ainsi dans 1984 les récepteurs d’informations sont nombreux (les télévisions), mais l’émission est monopolisée par Big Brother, les flux d’informations sont totalement contrôlés.
    On peut voir le graphique de Christopher Kedzie à ce sujet:
    mises.org/story/3060#part…

  7. Hoho

    > à l’UMP nous ne croyons absolument pas à l’influence des idées politiques véhiculées sur internet.

    L’UMP est pourtant le parti qui dépense le plus en communication sur Internet… Mais c’est vrai que vous aimez gaspiller l’argent, surtout celui des autres.

  8. Toréador

    Très bon article. Effectivement, je ne comprends pas ce qui arrive aux médias traditionnels. On dirai que la politique s’est muée en kabuki et la presse en spectacle de Nô !

  9. Amechan

    "La seconde chose sera la réaction politique à ce changement de société. On va passer d’un monde où l’homme politique peut se contenter de flatter et de parler à un nombre restreint de personne pour avoir de l’influence, à un monde où, finalement, chaque groupe d’intérêt, chaque citoyen devient un véritable acteur et relai de pensée, en clair à un monde où comptera avant tout le résultat, un monde qui a une mémoire d’éléphant et qui prend le temps d’analyser."

    D’où l’URGENCE de verrouiller internet avec Hadopi I, II, III, Loppsi I, II, III…

    Merci pour cet article.

  10. yann

    "Très bon billet H16, Merci !
    C’est Internet via les blogs qui m’ont fait rencontrer le Libéralisme, "

    Idem.

  11. Beld

    Vos idées sont dépassés hier soir à la télé, dans "preuve à l’appui" il y a avait une secte de libertariens. C’est une bonne chose beaucoup de personnes se méfieront de vous maintenant et savent à quoi s’en tenir 🙂

  12. disparitus

    Excellente conclusion mais je ne parlerais pas d’années mais de mois..
    Il faut que l’on se mette en veille de ses gamelles hilarantes. Que l’on se marre un peu..
    La loi Hadopi consacre un de ses articles à une formalisation définitive du droit d’auteur pour les journalistes donc les bloggeurs, mais en repoussant sa valorisation vers une convention collective .. il faudrait l’avis de Maître Eolas

  13. Monoi

    La "qualite" n’est pas unique a la fraonce. Lisez plutot ceci sur la facon dont la BBC a traite les elections iraniennes: eureferendum.blogspot.com…

    @maurice, le grand copain de nico, oba, a bien demontre l’inutilite d’internet. Et surtout Ron Paul, qui a recu des millions de $ pour sa campagne grace a son site web.

    Votre depute profite d’un systeme ou effectivement, il y a plein de petits maurice qui voteront pour le singe ump quel qui soit. Ca demontre quoi? Qu’on a plein de maurice et de chaos en fraonce? Mais ca on le sait, c’est bien ce qui nous coute. Je ne vois d’ailleurs pas comment on peut mieux connaitre quelqu’un qui envoie une lettre par rapport a un email. Non, ce que vous demontrez, c’est qu’il y a encore des deputes pas assez intelligents pour savoir se servir d’un ordinateur. Ce qui explique hadopi.

  14. sam_00

    @Beld

    "Vos idées sont dépassés hier soir à la télé, dans "preuve à l’appui" il y a avait une secte de libertariens. C’est une bonne chose beaucoup de personnes se méfieront de vous maintenant et savent à quoi s’en tenir"

    D’abord, c’était pas "preuve à l’appui" mais "esprits criminels", ensuite l’épisode ne parlait pas d’une secte de libertariens, mais d’un groupement originel de libertariens qui avaient été infiltré par un gourou, lequel avait fait évoluer le mouvement en secte … je vous passe la suite ça serait trop long.

    Quand on veut relater un évènement, on le fait de façon un peu plus précise 😉

    @H16
    Merci pour ce billet si réaliste.

    Quand on voit combien sont subventionnés certains journaux en fraônce, on en arrive à penser qu’il ne faudra pas bien longtemps avant de trouver des journaux qui vivront sans que plus personne ne les lisent.

    sam

    ps: au passage, la différence de sens entre les discutions en VO et en VF … ça en dit long sur la pensée-unique qui domine dans le microcosme artistique fraônçais

  15. Abst

    A l’image des industries du disque et de la création basées un modèle d’entreprise de moins en moins en phase avec les réalités économiques et sociales, la "presse classique" n’a que deux possibilités : s’adapter ou disparaitre. Et ce n’est pas les diverses aides étatiques (financières ou législatives) obtenues à grand coups de lobbyisme acharné qui vont y changer quelque chose.

    Quoi qu’il en soit, l’avenir de ces entreprises repose uniquement sur leurs épaules, et pas les nôtres.

  16. Nick de Cusa

    Précisons tout de même que des groupes de pression de choc organisés en guérilla internet ne ferons pas forcément moins de dégat que la version lente et massive qui a cours aujourd’hui. Ton billet donne un peu l’impression que la transformation qui vient est pour le mieux, mais je fais confiance à ton pessimisme naturel pour se méfier de cette idée.

  17. maurice b.

    A l’image du web gratuit ,les libéraux essayent de faire gober l’idée à l’avenir d’une presse gratuite et complètement déstructurée professionnellement.
    Il s’agit ni plus ni moins d’une lubie anarchiste supplémentaire , d’un rêve inavoué de voir la destruction des médias géneralistes que les Français plebiscitent en tant que lecteurs et telespectateurs et qu’ils ne sont pas prêts d’abandonner

    On voit bien à l’image d’Aujourd’hui Sport que cette idée c’est comme le socialisme…. ça ne marche pas !
    ——————-
    Le quotidien sportif à bas coût du groupe Amaury s’arrêtera le 1er juillet
    http://www.lefigaro.fr/flash-act...
    ———————

  18. Une presse gratuite, ça marche pas, hein. Comme Metro (ok, c’est de la mrd, mais ça existe). Et les journaux de petites-annonces ? ‘Axiste pas. Et les journaux télé de TF1, de M6 (en version téloche, c’est encore plus cher qu’en version papier et pourtant … ‘axiste). Oui, c’est vrai, pour la qualité, il faut payer. Mais le modèle éco d’une presse gratuite existe déjà et fonctionne très bien. Y’a guère que les boulets de l’UMP et leurs petits clowns posteurs qui sont persuadés du contraire.

    Maurice, z’êtes un bouffon.

  19. Phantom

    Hihi, me fait trop rire maurice b. (je le pense sérieusement et ce n’est pas pour me moquer! 😀 ).

    N’empêche je pense quand même qu’on vit une époque formidable avec internet! Internet a beaucoup de défauts, mais c’est un espace formidable pour les échanges des idées. Je pense qu’Hayek aurait été impressionné par ce progrès technologique et la quantité incroyable d’informations qui circulent au sein de la société de nos jours!

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