Ça va se passer dans la douleur

Un aimable lecteur m’a fait parvenir un lien pointant sur une interview de Christian Harbulot, l’actuel directeur de l’Ecole de Guerre Economique.

Bien qu’assez loin de partager ou même d’être intéressé par l’ensemble des propos tenus par Harbulot, j’ai cependant écouté avec attention quelques uns des passages de l’entretien visible dans la vidéo ci-dessous, qui rejoignent ma propre analyse de la situation en France :

En effet, à partir de 27:00, l’interviewé nous explique que, je cite,

« La population française va devoir, que ça lui plaise ou non, prendre son destin en main. Les gens qui vont peut-être remettre ce pays sur pied ne feront pas plaisir à tout le monde. »

C’est une peu une tautologie : les gens au pouvoir ne satisfont qu’assez rarement tout le monde ; mais c’est aussi une phrase qu’on peut interpréter comme voulant dire que seuls des personnes capables de mesures réellement impopulaires seraient capables de remettre le pays en ordre. Cet ordre n’est pas réellement défini, on le notera, mais on peut comprendre au contexte de l’interview qu’il s’agit ici essentiellement de donner un maximum de travail à la population, et, par voie de conséquence, s’assurer d’une économie saine.

Mais ce qui m’a incité à partager cette interview ici, c’est ce qu’il répond, plus spécifiquement, à partir de 28:28, à la question “Comment éviter la guerre civile en France ?“.

Autant l’analyse économique et sociétale, avant et après ce passage, roule des considérations fort générales et des constats plus ou moins évidents, et n’apporte finalement pas des masses d’éléments nouveaux, autant la description d’un futur possible, basé sur ce qu’enseigne l’Histoire et ce qu’on observe actuellement, fournit un intéressant éclairage.

« Historiquement, on sait comment ça se passe. Les pays qui ont remis l’ordre en place l’ont fait en tirant dans la foule. (…) Il y a un certain nombre de forces de l’ordre disponible. Si les tensions sociétales débordent ce cadre numérique, le pouvoir d’état fera ouvrir le feu sur la foule… C’est ainsi qu’un état survit à une situation de crise, quelle que soit la nature du régime… Il y a déjà eu des précédents de cela, aussi bien sous des gouvernements de gauche que sous des gouvernements de droite. »

En l’état actuel des choses en France, je ne pense pas qu’un tel événement (des tirs sur une foule) se produira prochainement ; la grogne est molle, quoi qu’on en dise en ce jour riant de grève générale des fonctionnaires et assimilés sur le dos des autres. Les ventres ne sont pas vides, l’avenir est plus opaque que sombre, et les revendications sont si parfaitement déconnectées de la réalité qu’un danger de débordement est, soyons clair, bien faible.

Sur le plus long terme, cependant, rien n’est joué. Les problèmes existent bel et bien, et ce n’est pas les petites bidouilles auxquelles on assiste actuellement – de la part du gouvernement, de la part des syndicalistes, de l’opposition ou des grévistes – qui vont permettre de les résoudre : la situation, je l’ai déjà dit, ne pourra qu’aller empirant avant d’aller mieux.

Et lorsqu’elle sera pire, on peut parfaitement envisager cette petite période délicate où, malgré tout ce qu’on peut croire, dire et faire actuellement, il faudra bien en arriver à choisir entre l’effondrement de l’état, ou l’option sanglante.

On comprend alors très bien la phrase suivante de Harbulot :

« Je plains très sincèrement ceux qui sont actuellement dans l’opposition et font la morale parce que le jour où ils sont aux affaires et ils ont à cautionner des tirs sur la foule, … ce sera très intéressant d’écouter ce qu’ils auront à dire ce jour là. »

En aparté, on peut même se demander si le sabotage clownesque de toute politique cohérente de la part de Sarkozy actuellement n'est pas une habile manoeuvre pour sécuriser le succès de la gauche en 2012, qui deviendrait de fait une victoire à la Pyrrhus.

Et malheureusement, il suffit de voir l’actualité, fugace, éphémère, mais cliniquement précise, pour s’en rendre compte. Tout continue sur sa lancée, dans la même direction, celle d’une lente décomposition :
Aubry mènera la bataille des retraites «jusqu’au bout»
Le Conseil d’Etat annule encore les municipales de Corbeil-Essonnes
Coups de feu devant le lycée Apollinaire de Thiais
Un prof de maths frappé par un élève pendant son cours
UMP : la guerre “Fillon, Copé, Bertrand”

Toujours les mêmes discours, toujours les mêmes “solutions”, toujours les mêmes affrontements, et, en toile de fond, toujours les mêmes problèmes, une gangrène bien avancée dans de nombreux domaines…

Je ne sais pas si, dans les prochains mois, les prochaines années, la situation va se dégrader au point d’en arriver à ce que Harbulot décrit dans ces quelques minutes d’interviews. Je ne le souhaite pas, mais, tout comme lui, je ne vois pas d’autre issue.

Ce pays est foutu.

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Commentaires20

  1. Gaël

    “En aparté, on peut même se demander si le sabotage clownesque de toute politique cohérente de la part de Sarkozy actuellement n’est pas une habile manoeuvre pour sécuriser le succès de la gauche en 2012, qui deviendrait de fait une victoire à la Pyrrhus.”

    Ça me parait trop subtil quand je vois les égos qui s’affichent à droite (et à gauche d’ailleurs). N’attribuons pas à la malice, ce que la bêtise suffit à expliquer 😉

    1. JulesXR52

      Alors là, entièrement d’accord: la bêtise explique pas mal de choses. Par exemple: pourquoi s’entêter sur la retraite à 62 ans quand une simple augmentation de la durée de cotisation – comme cela avait été fait dans la réforme précédente – serait passée bien plus facilement, avec en prime l’avantage de ne pas pénaliser ceux qui ont commencé à travailler tôt ?

      1. Ca n’aurait, en réalité, fait que repousser (un peu) le problème, qui n’est même pas une question d’âge mais aussi une question de quantité cotisée et de nombre de cotisant / nombre de retraités. La solution, elle est claire et individuelle. Mais ça, personne ne veut en entendre parler au gouvernement et dans les syndicats…

        1. Gaël

          Peut-être y a-t-il un espoir du côté de Chérèque, qui a dit sur RMC jeudi matin qu’il était pour une solution individuelle, justement 🙂

  2. Flo

    Un espoir peut-être : Mr Chérèque est libéral!

    Si si allez écouter son interview chez Bourdin ce matin.

    Posant comme postulat (sans l’expliquer) que la réforme est injuste, il commence par démontrer brillamment que les salaires augmentent plus vite que l’inflation (donc que le pouvoir d’achat si cher aux syndicats augmente (certes “à crédit” de notre point de vue), contrairement à ce qu’ils clament sans cesse), puis il conclut tout à la fin suite à une question de bourdin sur son âge de départ en retraite si la réforme est adoptée:

    “62 ans et j’aurai côtisé 43 ans c’est à dire deux ans pour rien (et la fraternité, et la répartition dans tout ça?). Mais je ne suis pas pour que tout le monde parte au même âge. On devrait pouvoir choisir en fonction de son parcours et des ses aspirations. Cela devrait résulter de choix INDIVIDUELS”.

    On dirait un plagiat de H16 mais on aimerait le pousser jusqu’au bout du raisonnement et le faire admettre qu’en toute bonne justice ces choix doivent nécessairement avoir des conséquences INDIVIDUELLES!

    1. JulesXR52

      Décidément, les Suédois donnent leurs prix Nobel à n’importe qui… Pauvre Stiglitz, complètement à côté de la plaque !

        1. JulesXR52

          En tout cas, si j’en juge d’après le nombre d’exemplaires des livres de ce type disponibles à la bibliothèque municipale de Lyon, il a un sacré succès pour un prétendu économiste… tout au moins parmi les bibliothécaires municipaux lyonnais !

  3. spitfire

    http://www.lepoint.fr/insolite/fievre-de-l-or-dans-un-village-grec-autour-du-butin-d-ali-pacha-16-09-2010-1237230_48.php

    Une fièvre de l’or s’est emparée d’un village grec, où un chasseur de trésor greco-australien a reçu l’autorisation d’entamer des fouilles pour chercher le butin d’un célèbre dirigeant ottoman du 19e siècle, Ali Pacha, a-t-on appris jeudi auprès du maire du village.

    S’il était trouvé, le trésor à lui seul suffirait pour éponger la dette publique grecque, estime le Greco-australien qui refuse de dévoiler son identité, a déclaré à l’AFP le maire de Vassiliki, Vaios Ziakas, joint par téléphone jeudi.

    Pathétique non l’état grec place tout ces espoirs dans la découverte d’un trésor,pour pouvoir renflouer ses caisses.

    1. Winston (l’autre)

      Tiens, je vais m’empresser d’aller leur vendre le secret de la Pierre Philosophale à un bon prix. 😀

  4. Mr T

    Ecole de guerre économique, c’est vraiment pas sexy comme nom :/ même si ça résume assez bien le fond derrière les outils de l’économiste et du politicien moderne.

  5. daredevil2009

    C’est amusant, Hash, vous et moi avons la même analyse sur cette vidéo 😉 Cela étant, c’est une des premières du genre en ces temps de disette intellectuelle – à mon sens, c’est même la première qui ose dire les choses de façon aussi claire et précise dans notre gentil monde de bisounours plein de calins… et rien que cet aspect me paraît intéressant ; cela tend à prouver qu’il y a une certaine évolution qui suit son chemin même si cela ne représente, j’en conviens, qu’un petit frémissement.
    Quoi qu’il en soit ce point de vue “musclé” rejoint les propos de Bernard Lugan sur la période que nous vivons ; l’avenir nous dira s’ils avaient raison ou non…

  6. scaletrans

    En exergue à ce que dit l’interviewé, je pense à ce que quelqu’un écrivait il y a un certain temps:
    “La France est comme une monture dominée par un cavalier qui ne travaille qu’à l’exténuer.”
    L’aspect guerre culturelle est à mon avis aussi important que la guerre économique, d’ailleurs les deux sont liés; et ce qui se passe à Versailles sous l’égide de M. “Aillakoons” est la pointe émergée de l’iceberg; une association se bat sur ce plan: http://coordination-defense-de-versailles.info/

  7. simple citoyen

    Merci H pour cette vidéo.
    Au delà de tes propos, j’ai retenu deux idées qui me semblent essentielles:
    . il n’y a plus de perception d’un destin commun au sens de la nation, ce sentiment ayant été remplacé par le statut de tributaire de l’état providence (ce qui explique pourquoi les sondages donnent comme première reconnaissance du modèle français notre régime de sécurité sociale). Il évoque ce drame et l’incapacité de nos politiques à faire émerger une nouvelle ambition commune. Mais est-ce si facile? Quel pourrait être ce projet commun? Il serait intéressant de voir, par exemple, si la petite communauté de tes aficionados que nous sommes (me plaît bien ça! lol) est capable de s’entendre sur un tel projet et de l’énoncer simplement et clairement.
    . malgré la qualité de son discours, Christian Harbulot n’ose aborder frontalement la seconde alternative qui est celle de la disparition de la nation, et lui substitue assez habilement le scénario de résilience de l’état, au sens où l’état utilisera tous les moyens pour conserver son pouvoir car lui seul est source des prérogatives chères à nos élites. Mais il ne semble pas considérer l’option d’une démission telle de nos élites qu’elles ont déjà consciemment ou inconsciemment choisi la disparition de l’état nation plutôt que le courage d’affronter les conséquences de leurs politiques funestes. Que se passerait-il alors? Le pouvoir européen bientôt doté de forces de l’ordre autonomes s’y substituerait-il?

    1. Pour le premier point, je ne sais pas. Mobiliser les Français sur autre chose que des merguez-parties, actuellement, ça me paraît dur.
      Pour le second, oui, Harbulot n’évoque pas – car il ne la pense probablement pas possible – la disparition pure et simple de l’état ; c’est tellement ancré dans l’esprit français que l’état est indépassable et impérissable que ça ne lui vient même pas à l’esprit. Mais oui, effectivement, c’est une possibilité. Et cette possibilité se traduirait par l’arrivée au pouvoir, pour remettre de l’ordre, de types dont rien ne présage qu’ils seront démocrates et gentils…

  8. Alex6

    Bof, tirer sur la foule c’est depasse. Serieusement, ce gouvernement n’a meme pas les c****** de tirer sur les voyous, comment pourrait-il ouvrir le feu sur le peuple qui croit etre protege par le meme etat?
    Les gens dans la rue, les revoltes ne viendront que si l’etat tombe en faillite, parcequ’a ce moment il y aura toute une armee de nantis et privilegies qui vont se retrouver sans rien.
    Mais plus ca va, plus je me dis que c’est un long calvaire qui attend le pays et non une rupture brutale, les generations recentes ont ete elevees dans l’esprit 68, peace and love et ne savent pas se battre.
    La conclusion restant la meme, cela va mal finir et il y a de fortes chances que nous vivions cette chute. Un moment d’histoire en somme…

  9. David

    Analyse de l’interview plutôt intéressante. Pour ma part, j’aime bien regarder ce qui se passe ailleurs. Je ne prendrai qu’un seul exemple : la Suède. Au début des années 2000, le pays était franchement en mauvaise santé économique (pas très loin de la Grèce je crois, j’ai pas vérifié je répète bêtement ce que j’ai entendu).
    Et puis un 1er ministre est arrivé au pouvoir et a tout réformé, dans le sang et la douleur (retraite, hausse d’impôts…) : il est devenu l’homme le plus détesté de Suède.
    Aujourd’hui, même si tout n’est pas parfait, on peut dire que le pays revient de loin, et économiquement, il tient la route.
    Or, quand on sait qu’en France, le seul objectif d’un homme politique est de durer, verra-t-on un jour un super “réformateur” capable de sauver le pays ? Je l’espère mais j’en doute. Et si les gens descendent dans la rue, tant pis : le peuple n’a pas toujours raison, surtout lorsqu’il n’est pas capable de se responsabiliser (facile de gueuler quand tu n’es pas aux commandes).

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