Sarkozy n’aime pas les cyberdissidents

Demain, le 24 et 25 mai, aura lieu la nouvelle esbroufe présidentielle, paquet d’écume du jour sur le thème de l’internet et de l’éco-système numérique, fourre-tout vague que Nicolas Sarkozy entend (s)aborder dans une réunion formelle histoire de montrer qu’il est moderne et qu’il sait cliquer, lui. Manque de bol, c’est un peu du gros pipeau d’ensemble à vent, et ça se voit.

Comme noté à de nombreuses reprises ici même (je ne vais pas fournir des liens, la liste serait beaucoup trop longue), tout montre en effet que si le président Sarkozy et son gouvernement font quelque chose avec Internet, c’est plutôt pour assommer l’internaute et mettre des bâtons dans les roues des entreprises numériques — que ces bâtons soient légaux ou simplement fiscaux avec la fine pluie de taxes idiotes et répétitives qui s’abat sur elles régulièrement.

Entre l’introduction lamentable des lois LOPPSI, le parcours proprement consternant de la HADOPI, les merdages absolument historiques de la communication tant présidentielle que du parti de la majorité sur le médium internet, les actions navrantes et contre-productives dans le secteur des technologies de l’information, tout, absolument tout, montre la méconnaissance et, pour tout dire, l’agacement profond que ces technologies déclenchent chez le locataire actuel de l’Elysée.

Internet : Serious bizness

Je ne vais pas non plus lister ici chacune des “grandes” dates de l’Internet vu par les politiciens en France, ce serait une volée de facepalm si nombreux et si violents qu’une séance massive de chirurgie faciale esthétique reconstructrice s’avérerait nécessaire ensuite.

Et à l’occasion de ce e-G8, nous n’allons donc pas échapper aux mêmes séances ridicules à gober des petits-fours entre gens qui se connaissent déjà, pour pontifier de façon chuintée sur les prochaines mises en coupes réglées qu’on va bien pouvoir mettre en place sur Internet, tant il apparaît évident que ce moyen de communication provoque de l’urticaire à ceux qui ne veulent absolument pas laisser le bon peuple penser par lui-même.

e-g8Cliquez pour agrandir

On pourrait croire que j’exagère, mais, encore une fois, la réalité dépasse largement l’affliction, et de loin.

Et pour cela, il suffira de retrouver ce qui s’envisageait, il y a un an, selon la tribune vibrante (obligatoirement vibrante) de Bernard Kouchner dans Le Monde, que je ne porte pas dans mon coeur mais qui, pour une fois, disait un truc qui tenait la route au milieu du salmigondis habituel de bons sentiments gluants et de raccourcis baveux.

Comme quoi, le malentendu peut aussi jouer en faveur du citoyen (même si c’est, admettons-le, fort rare) puisque Bernie déclarait ainsi sa flamme pour “un Internet universel, ouvert, fondé sur la liberté d’expression et d’association, sur la tolérance et le respect de la vie privée“, qu’il opposait dans la foulée à l’Internet de “ceux qui voudraient [le] transformer en une multiplicité d’espaces fermés et verrouillés au service d’un régime, d’une propagande et de tous les fanatismes“.

Mais voilà, en un an, il s’en passe des choses.

Internet n’a pas été très très copain avec le patron de Kouchner à l’époque et a copieusement esquinté Woerth (au travers de nouveaux médias comme Mediapart qui ne s’est au passage pas trop embarrassé de la présomption d’innocence sur le coup). Wikileaks est passé par là, histoire de bien faire comprendre que la liberté d’expression permettait aussi d’enfoncer des tisons brûlants dans des orifices pas du tout prévus pour de certains politiciens, qui, objectivement, l’ont bien mérité.

Et rapidement, on n’a plus entendu parler de la Super-Liberté d’Expression que comptait offrir Kouchner aux dissidents en les aidant, officiellement et depuis la France, à accéder à Internet, en leur offrant une infrastructure leur permettant de s’exprimer et passer outre les régimes oppressifs dans lesquels ils se trouvent.

Raté, rideau, fini.

Le nouveau dada présidentiel, c’est l’Internet Civilisé, style “Terminé le far-west, le shérif Sarko est dans la ville et va faire parler la poudre, coyote !” … Moyennant quoi, le shérif a fermé le clapet de Kouchner, et on ne reparlera plus des lubies du ministre qui sera débarqué rapidement dans les mois qui suivent.

Aider les cyberdissidents ? Et puis quoi encore ? Comme on s’en souviendra, il est plutôt question d’aider les gouvernements en place à matraquer l’opposition, ce que propose d’ailleurs avec beaucoup d’entregent la remplaçante de Kouchner, Michèle Alliot-Marie, lorsque les manifestations se déclenchent en Tunisie, et avec le succès et le résultat que l’on connaît.

Dès lors, il est à présent particulièrement savoureux de constater que notre honorable président tente de se racheter une virginité en prétendant, la bouche en coeur, vouloir travailler au travers de ce e-G8 pour un internet plus serein, apaisé, avec plus de duvet et de molletons ici et là pour éviter les petits angles qui font mal et qui cognent un peu l’internaute quand il trottine joyeusement sur les autoroutes de l’information avec ses petits petons nus.

En réalité, Sarkozy comme à peu près tous les autres politiciens ne rêve que d’une chose concernant le réseau des réseaux : pouvoir contrôler complètement Internet, comme le montre la récente affaire du firewall européen pour un Schengen virtuel ; le happening rigolo qu’il nous propose avec son e-G8 n’est qu’une façade commode pour occuper la galerie, son objectif étant toujours bel et bien de s’assurer que Internet ne sera jamais plus qu’un de ces médias qu’on contrôle moyennant les bonnes alliances et les connaissances des bonnes personnes.

Pour lui, internet n’est qu’un médium de communication dont le sens est clairement descendant, de ceux qui ont l’information vers ceux qui la demandent et dans lesquels on retrouve les citoyens et les contribuables qu’il s’agira de ne pas brusquer avec des informations non préalablement mâchées et digérées…

Non, un internet civilisé ne peut être un internet où l’information peut aussi remonter (plus ou moins violemment) de ces mêmes citoyens et contribuables vers ces mêmes dirigeants, avec la force de millions de “non, on n’en veut pas” fermes, définitifs et sans ambiguïté.

Ce qui se passe donc à cet e-G8 sera à la fois sans portée, puisque tout, en réalité, est déjà joué d’avance, et parfaitement éclairant sur la sauce d’accompagnement qui viendra pour manger les internautes français, à condition de décrypter ce qui se trouve derrière les discours mielleux.

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Commentaires21

  1. Laetitia

    Je me permets de signaler une faute d’inattention dans le texte du G8 FORUM: “ils se sont vus imposER”.
    🙂

  2. Malifaz

    Il est impossible de censurer l’internet, ni même d’y contrôler réellement quoi que ce soit à leur niveau. Sauf en coupant tout accès au web comme cela a été le cas en Libye.

      1. gem

        +1
        C’est pas compliqué, il suffit de refaire le coup du mammouth : tu offres un “accès universel et gratuit” à un pseudo-internet gouvernemental, tu nationalise les ressources que les méchants privés font rienka utiliser pour exploiter le bon peuple faire un odieux profit (bouh les affreux…) sur ce bien essentiel, et le tour est joué… Tu obtient un “internat national” qui est à internet ce que l’éducation nationale est à l’éducation…

    1. Nord

      Reste les communications par satellite … mais ça va pas être jojo de planquer la soucoupe hein 🙂

      Encore que … faudrait pouvoir disposer de satés privés, pas des cocottes contrôlées par bigue brozeur …

  3. Guillaume

    Le problème n’est pas ce qu’il est possible ou non de faire techniquement. Effectivement il y a toujours un moyen de “contourner” les murs virtuels. On se rappelle des proxys HTTP mis par les entreprise au début des 2000 pour ne pas que les employés fassent autre chose que du surf (FTP, IRC…). Résultat des courses, aujourd’hui tous les protocoles sont au dessus d’http (même pour faire du transfert de fichiers, de la VoIP comme skype…). On a le cas d’un contournement pour des raisons légales.

    Le problème que l’on encourt, c’est surtout le risque juridique. Avec des lois mal ficelées, des interdits aux contours flous, la responsabilisation des intérmédiaires… tout le monde pourra tomber sous le coup d’une loi, sans forcément comprendre pourquoi (Hadopi et son histoire de défaut de sécurisation en est un bon exemple). On le voit dans le domaine de la sécurité, ces lois font courir les plus grands risque, non pas à ceux qui font de mauvais usages de la technologie pour de mauvaises raisons, mais à ceux qui “réflechissent trop”. L’exemple typique est l’affaire Humpich.

    1. David Brabant

      Le flou dans la loi, c’est le sport national en Belgique. Six gouvernements, chacun y allant de ses directives, mesurettes et lois diverses, généralement contradictoires entre-elles. Un système merveilleux où le quidam qui protesterait contre l’une ou l’autre mesure sera à coup sûr broyé dans la machine, la protestation se terminant généralement par un ping pong interminable entre les différents niveaux de pouvoir se rejetant la responsabilité des décisions. Merveilleux, je dis. Le système totalement infaillible pour à la fois emmerder les moutontribuables et avoir une armée de fonctionnaires zélés, tous intéressés au système et ne voulant pas le changer d’un iota.

  4. Stéphane

    L’internet à la française: faire ses courses sur laredoute.fr, cool, hype, branché, bilan carbone plus mieux bien, vivre dans l’air du temps.

    S’informer sur les dernières lubies de nos princes, les scandales politico-financiers et, en règle générale, tout ce qui déplait: pas bon, dangereux, à proscrire absolument, par la force si besoin.

    Regardez rien que la pseudo-polémique autour des photos d’un DSK menottes aux poignets…

  5. Pierre

    Pourquoi taper gratuitement sur mediapart, et le fait qu’un journal se soit assis sur la présomption d’innocence ? Encore une fois, et tu l’as déjà dit, la présomption d’innocence c’est pour l’Etat, par pour ses citoyens – et encore moins pour les media, qui doivent informer et donner aux citoyens les clés pour comprendre.

    (sinon je valide le reste)

    1. C’était simplement pour remarquer leur silence actuel alors que pour Woerth, par exemple, ils n’étaient pas silencieux. 2P2M, c’est tout 🙂

    1. Winston (l’autre)

      ouais et quand le non-scientifique délirant A£ Gor€ assène que “science is settled” personne ne songe à le faire taire… Etonnez-vous après ça d’avoir une crédibilité en berne.

      1. kelevra

        si ce prochain site est aussi au point que le fameux france.fr, on risque d avoir des chiffres surprenant. mais on voit surtout comment l etat jette l argent par la fenetre pour faire plaisir a ces copains. vivement une bonne guerre mondiale ou une bonne catastrophe naturelle pour remettre les compteurs a zero.

    2. Ieremenko

      Bon il a l’air gentil quand même :

      “Il y a un climato-scepticisme légitime et un climato-scepticisme délirant”, explique le journaliste scientifique, Yves Sciama, un des principaux concepteurs de Climobs.fr

      Par contre pour le site, il a l’air d’être sponsorisé par le CNRS INSU, Meteofrance, une université de et… le CEA.

  6. kwak chung seok

    Imbéciles enivrés de pouvoir
    qui avez perdu tout vêtement d’humanité
    et qui finirez dans les même fosses
    que les plus misérables crevotant
    sous le joug qui vous abuse

    vous n’avez toujours pas compris
    quelle hydre merveilleuse
    est l’internet

    l’hydre aux mille bouches
    qui seront toujours là
    pour dire vos saloperies bien fort

    vous n’aurez jamais un bâillon
    assez large pour les faire taire

    il n’y a pas assez de sabres pour couper toutes ces têtes

    coupez une bouche
    il en reviendra 100

    (mais si on coupe la connexion???)

  7. channy

    ah… talonnette 1er et l’internet, celui qui l’avait si justement surnommé “trou du cul du web” il y a quelques années avait tout bien résumé

  8. v7v9

    il faudra aller chercher au forceps la liberté dans le virtuel par le biais d’une protestation réelle ou sur l’internet.
    ou alors par le biais de technologies:
    – soit innovantes qui hébergeront les derniers bastions malgré la régulation étouffante (nouveaux protocoles –jeu du chat et de la souris–, sites de rencontre tournés vers le partage d’information au lieu/en plus des raisons “galantes”)
    – soit classiques par le biais de discussions réelles comme au bon vieux temps au café du coin

    tout reste à (ré)inventer…

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