Comment faire monter la crème à Champigny

Ce lundi, la République du Bisounoursland se réveille la bouche pâteuse et les cheveux douloureux d’une petite gueule de bois, à la suite d’un dimanche légèrement agité : certains de ses citoyens, un peu trop festifs, s’en sont pris aux brigades de clowns et de mimes d’un gentil Commissariat des Forces de l’Ordre Juste. La presse, encore tremblante du choc qui s’est emparée d’elle à cette information, nous relate les faits avec la pertinence qui la caractérise.

Et c’est dans cette production journalistique que les choses prennent une tournure croustillante.

À mesure que se sont égrainées les heures dimanche, les faits rapportés ont été habilement positionnés sur la réglette du politiquement correct, en déplaçant minutieusement le curseur d’outrage dans la bonne direction, celle du socialement supportable et du médiatiquement responsable.

Quelques articles déboulent autour de dimanche midi. La Croix rapidement suivie par France-Soir, n’y va pas par quatre chemins : samedi soir, un groupe de personnes armées de barres de fer et de mortiers ont attaqué le paisible commissariat de Champigny.

Lorsqu’on lit les articles, l’effroi s’empare du citoyen : ici, pas de kiss-in, pas de droits bafoués, pas de sans-papiers à protéger, juste de la violence brute. On notera tout de même l’utilisation de termes choisis pour éviter l’apoplexie du lecteur facilement effarouché : s’il s’agit bien d’une attaque, on parle aussi “d’adolescents” (de 15 à 20 ans, tout de même, l’adolescence pouvant s’étendre jusqu’à 25 ans de nos jours) qui “protestaient” contre la mise en place de patrouilles pour mettre fin aux “divers” trafics.

Ici, point de voyous. Point de petites frappes. Point de délinquants. Les trafics, on s’en doute, concernent l’import commercial de fruits et légumes primeurs, ainsi que de l’électronique grand public à des tarifs très concurrentiels ; on comprendra que les petits commerçants qui sommeillent dans ces adolescents soient frustrés de ne pouvoir se lancer dans un commerce juteux et honorable… Enfin, surtout juteux.

Pas de doute, on sent la mise en place de plein de …

Quelques heures plus tard, la presse affûte encore ses articles. Vers 16 heures, le quotidien des gagnants, 20 minutes, nous propose sa version des faits, polie comme un galet des côtes normandes.

On y parle de “jeunes gens” qui, là encore, “protestaient” et qui, “en mesure de représailles“, s’en sont “pris au commissariat local“. On est encore dans le domaine du fait divers un tantinet violent, avec un chouilla de testostérone, mais pas trop : ce ne sont que des jeunes, après tout, et leurs gonades ne sont pas encore tout à fait développées ; la puberté guette, mais on sent surtout de l’agacement.

D’ailleurs, à 17:07, Europe1 remet les pendules à l’heure : tout ceci est très exagéré. Il ne s’agit que d’un petit chahut.

On sort du bac, on a besoin de décompresser, on prend un petit Monaco (15 cl de bière légère, 1 cl de grenadine, 5 cl de limonade) au bistrot du coin et pouf, la tête tourne un peu, alors, comme on est un “gamin désœuvré” on fait une “connerie“. La Préfecture rassure tout le monde : l’attaque n’en était pas une puisqu’un petit groupe de jeunes gens se sera contenté de se rassembler devant le commissariat, de chanter une ou deux chansons paillardes, la tête un peu légère de tout cet alcool ingurgité sans y penser, alors que le soleil tape un peu, sur Champigny, ce samedi soir.

Et puis, “il n’y a pas eu de dégradation et il n’y a aucun blessé” . Tout ceci est donc parfaitement Bisounours Compatible : des citoyens, fort festifs, se sont contentés de faire participer à leurs réjouissance quelques aimables représentants de nos forces de l’Ordre Juste, auront échangé quelques blagues potaches et des numéros de GSM pour se retrouver, le dimanche après-midi, pour une bonne partie de pétanque amicale.

Voilà. Emballez, c’est pesé.

D’ailleurs, la presse emboîte le pas et pèse, à fond les ballons et la question mérite donc d’être posée : “Attaque ou chahut ?” C’est vrai, ça, quoi, à la fin : il est indispensable de savoir s’il s’agissait d’une petite attaque ou d’un gros chahut pour déterminer si l’action entreprise était bien légale ou pas. C’est Metro — le quotidien des gens pressés — qui s’y colle, et qui retranscrit scrupuleusement la conclusion du directeur du cabinet du préfet : “il s’agit plutôt d’actes de provocations perpétrés par des jeunes qui avaient envie de s’amuser à leur façon“.

Ouf, tout va bien.

À leur façon, les jeunes à peine pubère, après un Monaco bu trop vite en plein soleil, ont donc chanté deux chansons paillardes devant un commissariat pour réclamer le droit de vendre des fruits et légumes primeurs à tarifs concurrentiels. Les policiers ont dispersé l’amusante petite troupe après avoir brandi la menace de hausser le ton, et tout est rentré dans l’ordre à temps pour voir Vivement Dimanche dans des conditions de stress minimales.

Eh bien à ma façon, je dois dire que je suis un peu stupéfait de constater qu’aucun de ces torchons de presse n’a simplement pensé à se demander comment, en France, de nos jours, on peut avoir un attroupement de canailles et de crapules devant un commissariat qui non seulement peuvent hausser le ton, directement devant la police, mais s’en prendre physiquement à elle (aussi légères soient les attaques).

Ce qui est consternant n’est même pas la légèreté avec laquelle les forces de l’ordre ont réagi ; pour assurer l’ordre, une provocation, aussi légère soit-elle, ne peut être laissée sans réponse et celle qui fut donnée surprend par sa mollesse ; à ce tarif, on comprend que les policiers avaient surtout peur de prendre des coups non de ces morveux, mais de leur hiérarchie dont ils ne peuvent attendre aucun soutien.

Non, ce qui est consternant est que l’esprit laxiste soit parvenu au plus haut niveau : la Préfecture a elle-même choisi d’ignorer le message pourtant parfaitement clair envoyé à la fois par la police de terrain et par les jeunes branleurs auteurs des troubles. La Préfecture a choisi, délibérément, de considérer comme normaux, à peine un peu déplacés, les hurlements et les exactions de cette brochette de crétins.

Personne, dans la presse ni dans les forces de l’ordre, ne semble trouver ahurissant qu’un groupe puisse ainsi s’attaquer à un commissariat … parce que celui-ci entendait vaguement faire son travail et empêcher par leurs patrouilles les trafics de drogue. Ainsi, on ne trouve pas un mot de la Préfecture pour expliquer que non seulement, ces patrouilles seront mises en place, mais qu’on va aussi bouter les trafiquants et les voyous hors du territoire, et que ce genre de manifestations de mauvaise humeur, pour un motif à ce point illégitime, seront réprimées avec de bons gros coups de pieds au derche.

Pas un mot pour expliquer que la République n’entend pas céder devant de petites gouapes qui ne comprennent pas où est leur place et que si d’aventure ils continuent leur cirque, ils vont s’y faire remettre avec les nécessaires tartes qu’une palanquée de parents irresponsables ont trop longtemps oublié de flanquer.

Non, décidément, la République préfère s’allonger, platement, et abaisser son estime de soi suffisamment bas pour qu’on puisse lui danser dessus. C’est bien plus bisous.

Egalité, Taxes, Bisous : République du Bisounoursland

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Commentaires37

  1. David Brabant

    “pas sans-papiers à protéger”
    un “de” escamoté.

    “mise en place de patrouille” s à patrouilles, sans doute.
    -> corrigé

  2. Jesrad

    Jusqu’au jour où les policiers ouvriront le feu, après les sommations répétées d’usage.

    En attendant, je note qu’à peu près toutes les armées du monde et de l’Histoire entière étaient surtout composées et même dirigées par des “jeunes”. Alexandre le Grand avait démoli l’empire perse et bien avancé dans la conquête du monde avant ses 21 ans.

    1. XAVIER

      erreur …ds les années 60 La police lambda ne s’en était pris aux membres du fln qu’apres des dizaines de meurtres ou d’attaques de policiers…et encore .

  3. Daniel

    On avait promis aux forces de l’ordre des karchers, on ne leur à livré que des pistolets à eau, alors, ils préfèrent les utiliser pour arroser les pastis.

  4. Flo

    Et la “presse” audiovisuelle était exactement sur le même mode ce matin alors même qu’une nouvelle attaque a eu lieu à 5h15.
    “De jeunes gens entendaient protester contre la mise en place de patrouilles censées empêcher certains trafics”
    On met policiers et trafiquants sur un pied d’égalité.
    Vous (chargé de faire respecter la Loi) me contariez dans mes activités (illégales) donc je proteste.
    Hallucinant et écoeurant!

  5. simin

    Purée! A force de vivre au bord du marécage socialiste, tout n’est plus que grenouilles et crapauds…

    La paix civile, l’ordre, l’Etat de droit,…vieux concepts de “puceaux” (comme dirait Céline).

  6. Higgins

    J’ai eu les mêmes interrogations hier quand j’ai pris connaissance de ce “fait divers” et que j’ai vu l’évolution des titres sur ce sujet.

    L’avis pertinent de Philippe Bilger: http://www.philippebilger.com/blog/2011/07/des-gamins-font-la-loi-.html
    Même si j’aime bien quand l’Etat se fait renvoyer dans ses buts quand il s’aventure sur les plate-bandes d’autrui, je crois qu’il a raison (P. Bilger pas l’Etat) lorsqu’il déclare: “Je ne crois pas qu’il faille minimiser le sens de cet épisode alors que ce dernier représente un degré de plus dans la contestation ostensible ou trop ordinaire de l’Etat, de son rôle, de ses missions. Il n’y a rien de dérisoire dans cette émergence caricaturale d’une contre-loi comme il y a une contre-culture.”
    Quant aux journaleux, ils sont fidèles à leur c… et à leur médiocrité.

  7. Nord

    Exercice de style: “Faut les comprendre: ces jeunes sont déçus, alors ils s’indignent. Ne stigmatisons pas une partie de la population.”

    ‘tain ça fait mal d’écrire cette phrase …

    (je souligne au passage que j’en veux infiniment à qui de droit et à M. Hessel en particulier de ne plus utiliser les verbes ‘s’indigner’ et ‘stigmatiser’ sans avoir à subir une poussée de bile de bonne facture. Vilains!)

  8. daredevil2007

    Excellent comme toujours, Hash! Et que dire de l’attaque de la caserne peu de temps auparavant… Tout ne présage vraiment rien de bon!

    Tiens, petite remarque en passant 😉
    “aucun soutien” sans “t”

    1. Pascale

      Et le maire de je ne sais plus quelle ville qui fait appel aux casques bleus pour ramener l’ordre …

  9. Pascale

    Vu sur le site de TF1 ce matin : “une version à laquelle ne croit pas la préfecture, pour qui il s’agissait d’une “simple provocation de gamins”, sans lien avec les brigades spécialisées de terrain. Ces gamins n’auraient utilisé que des pétards et des feux d’artifice pour les services du préfet.”

    MDR

    P.S. Je vous garantis que ce genre de “plaisanterie” n’aurait jamais pu se produire dans les 50s’ les 60s’ ou les 70s’, alors qu’à cette époque l’État était bien loin d’avoir envahi la vie du Français moyen comme il le fait aujourd’hui. Le Français moyen éduquait bien ses mômes et je vous dis pas la dérouillée que ces derniers se seraient prise après voir osé, même en rêve, attaqué un commissariat de police ….

  10. kelevra

    ceux sont 3 policiers : 1 francais, 1 anglais, 1 americain

    chacun croise des djeuns agressifs dans la rue de sa ville qui l insulte et essaye de le tabasser

    REACTION

    le francais : il essaye de dialoguer car il se dit qu il vaut mieux qu il se fasse casser la gueule sinon s il se defend en sortant son arme, il sera condamne pour violence, il hesite, il finit a l hopital dans le coma. dans le journal de 20 heures sur tf1 : “un policier agresse des jeunes”

    l anglais : il sort son arme et tire en l air pour effrayer les djeuns, ah ben non il est pas armer, il s enfuit en courant en esperant que les cameras de surveillance auront pu filmer la scene

    l americain: il sort son glock pan pan pan tire les 10 balles cric cric remet un chargeur pan pan pan 10 balles de plus

      1. poum

        en plus c’est une caricature grossiere
        par contre c’est vrai que si on avait des flics russes en service dans les Cites De La Diversite ca se calmerait vite…

  11. Pere Collateur

    Ca devient récurent ces derniers mois… Pardon années… Pardon dizaines d’années?

    Pour optimiser votre travail de blogueur, je vous conseil de plutôt faire un article, à chaque fois qu’une journée se passera sans évènement liés à de jeunes decus.

    1. Et on appellera ça “Calmtable : petites chroniques pépères d’un pays en lent endormissement” ? 🙂

  12. Melkion

    Enorme. Le plus grave dans cette histoire c’est de constater le vocabulaire utilisé par nos journaleux : “représailles”, “protestation”… C’est une parfaite inversion de la réalité, comme si le jeune déçu était en fin de compte la victime qui exercerait son droit de légitime défense face à un agresseur.

    En fin de compte, se servir de sa raison la plus élémentaire revient à constater que le monde autour de soi marche au plafond, et que l’on est très peu nombreux à ne pas observer les faits avec une paire de binocles déformantes labellisée demaerd (c).

    1. Et puis c’est surtout pas fini : d’une part, les “jeunes” ont retenté le coup et ont à nouveau “protesté” sur le commissariat.
      Et d’autre part, d’autres “jeunes” ont aussi protesté contre une caserne de militaires : http://www.ladepeche.fr/article/2011/07/01/1119672-une-bande-de-jeunes-armes-attaque-la-caserne.html
      Rappelons que des militaires, ce sont des gens entraînés au départ pour protéger la population et éventuellement pour lui faire des trous dedans. Là, on a eu droit ni à l’un, ni à l’autre.

      Ah, elle est vigoureuse, cette “jeunesse” là.

      1. Higgins

        Pour l’attaque de la caserne, c’est peut-être un peu plus simple. Dans ces villes de garnison, il y a toujours eu des antagonismes forts entre d’un côté quelques soldats et de l’autre quelques bandes de djeuns désœuvrés. C’est ce que laisse entendre l’article cité. Ceci dit, de là à attaquer la caserne! En règle général, ce genre de différend se résolvait, il n’y a encore pas si longtemps, discrètement dans un terrain vague et en dehors de tout témoin.
        L’Hérétique dans son dernier billet, où il apparait assez désabusé (http://heresie.hautetfort.com/archive/2011/07/04/rapport-sur-les-rythmes-scolaires-rapport-a-la-c.html#comments), commente parfaitement ce naufrage:
        “En revanche, de l’éducation citoyenne complètement inopérante, ça on a : inopérante ? Ça, c’est clair, au moins ! Violences et incivilités n’ont cessé de croître à mesure qu’on demandait aux écoliers et collégiens de prendre leurs baskets et d’être citoyens.”

        Par ailleurs, notons qu’il est assez difficile de trouver d’autres infos sur ce sujet mais il est vrai que l’attaque d’une caserne ou d’un commissariat est devenue d’un banal de nos jours.

    2. Théo31

      C’est Marine qui doit être contente : les sacs à merde de la presse lui servent la soupe dans une assiette en or.

      Pour rappel, les grandes saillies les poings bien serrés de
      Brice, il y a deux ans, histoire de rigoler un bon coup :

      “J’agis selon un principe simple : il n’y aura ni territoire oublié, ni catégorie négligée, ni forme de délinquance tolérée.”

      “La sécurité est le premier droit de nos concitoyens, cela est donc notre premier devoir. Le cap fixé par le président de la ­République est clair : assurer la sécurité partout et pour tous, dans le respect des libertés individuelles.”

  13. Pas Convaincu

    Chahut je dirais (au sens du 19e), voire charivari. c’est quand même les jeunes qui sont sensés faire respecté l’ordre, pas la police!!! Si celle-ci entend mettre fin aux activités commerciales de ceux-là, les conséquences sont prévisible…

  14. Gilles

    Bonjour,

    J’habite à Champigny et j’ai eu à faire à la police en tant que témoin “d’incivilité” (avec des mineurs et un majeurs qui les “leadait” mais se gardait bien de faire lui-même quoique ce soit).

    Malheureusement, c’est comme d’habitude : les policiers savent très bien quels jeunes foutent le bordel car ce sont bien svt les mêmes.

    Sauf qu’ensuite ils ne se passent jamais rien. Après un passage éventuel au commissariat, les jeunes repartent chez eux.

    Il faut bien reconnaitre le travail déprimant des policiers.

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