C'est le petit suisse qui fait du bruit dans le landerneau. Début juillet, les 34 plans de reconquête industrielle lancés par Arnaud Montebourg et visant à créer autant de nouvelles filières françaises (TGV du futur, voiture électrique…) étaient bouclés. L'une d'entre elles concerne la gestion des données informatiques, le "big data", et la traçabilité des produits. L'objectif consiste à mettre en place un marquage pour authentifier n'importe quel objet et les distinguer des contrefaçons. Une quinzaine de sociétés françaises dont La Poste, Capgemini ou Orange sont sélectionnées. Pourtant, l'une d'entre elles, Sicpa, bat pavillon suisse. Le leader mondial des encres infalsifiables pour les billets de banque fait un lobbying d'enfer depuis plusieurs années pour débarquer en France.
Son arrivée dans cette nouvelle équipe de France de la traçabilité fait grincer des dents. "C'est vrai que ce plan visait à "booster" les entreprises françaises", remarque, gêné, un dirigeant de CoSMo Company, autre PME de la filière. Comme la start-up PopimsCode, qui négociait depuis un an avec La Poste pour commercialiser sa technologie.
Une entreprise "bien connectée"
"Tout se passait bien jusqu'au jour de la signature, mi-juin, quand nous avons été écartés au profit de Sicpa, assure son patron, Franck Guigan, qui accuse l'État d'avoir joué les entremetteurs. La Poste nous avait choisis, mais Arnaud Montebourg lui a imposé cette société suisse." L'entourage du ministre du Redressement productif réfute être intervenu, renvoyant la balle à l'entreprise publique. Pourtant, il y a un an, le chantre du made in France avait recommandé le projet de la société suisse. Dans un courrier à Pierre Moscovici, alors ministre de l'Économie, il louait ce projet qui "permettrait à La Poste de développer de substantiels revenus".
De son côté, l'enseigne postale reconnaît avoir été "à deux doigts de signer" avec la start-up française. "Nous n'avons pas réussi à nous entendre avec PopimsCode, dont la technologie n'était pas aussi complète que celle de Sicpa", explique Alain Roset, le responsable du projet "traçabilité". Franck Guigan avait pourtant reçu tous les feux verts de l'entreprise publique, qu'il vient d'assigner pour "rupture de négociation abusive". Il évoque une réunion à l'Élysée début mars entre le secrétaire général de l'époque, Pierre-René Lemas, un représentant de Sicpa et le PDG de La Poste, ce que les intéressés démentent. Un ancien conseiller de François Hollande reconnaît toutefois que l'entreprise helvétique est "bien connectée".
La société promet la construction d'usines
Elle fait notamment beaucoup d'efforts pour s'imposer aussi sur le marché du tabac. Le gouvernement doit mettre en place un système de traçabilité pour réduire la contrebande des paquets de cigarettes. Depuis six ans, Sicpa développe un lobbying qualifié d'"hyperoffensif" à Bercy. L'an passé, Pierre Moscovici, avait envoyé au Premier ministre un projet de décret sur mesure pour Sicpa, dont le JDD a obtenu une copie. Il vantait "l'apposition d'un timbre" sur les paquets, comme le propose le suisse. Par deux fois en un an, le sénateur de Dordogne Claude Bérit-Débat a proposé des amendements pour favoriser la société, qui promet la construction d'usines dans son département et celui de Moscovici…
Mais cette fois, elle risque de perdre la partie. En face, la puissante industrie du tabac dispose du soutien de l'administration des Douanes. Le ministère du Budget assure ne favoriser "ni les fabricants ni Sicpa", même si le ministre Christian Eckert a bataillé ferme pendant un mois contre des amendements favorisant un système indépendant. Pendant ce temps, le leader Philip Morris avance ses pions. L'ensemble de ses paquets de Marlboro seront tous "marqués" de son propre code d'ici à la fin de l'année, suivi de près par son concurrent Japan Tobacco (Camel).
Posté le 31/07/2014 à 16h33 - (Signaler un abus) SICPA veut dire: Société Industrielle & Commerciale pour les Produits Alimentaires. En vérité sa première activité était la production de graisse lubrifiante pour les mains des paysans Suisses avant la traite des vaches !!! Plus sérieusement, j'ai réalisé pour eux il y quelques années un système électronique pour la reconnaissance et l'identification des tampons encreurs ! Répondre
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