Le siège de la Banque centrale européenne à Francfort, le 3 décembre 2015

Le siège de la Banque centrale européenne à Francfort, le 3 décembre 2015

afp.com/DANIEL ROLAND

Ce marché, appelé "high yield" ("haut rendement" en anglais) par les spécialistes, rassemble des obligations d'entreprises lourdement endettées ou en situation délicate et par conséquent inscrites dans les plus mauvaises catégories, dites spéculatives, par les agences de notation.

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Son essor ces dernières années a été favorisé par la générosité des banques centrales qui en arrosant de liquidités les marchés ont fait baisser les taux d'emprunt pour les entreprises, parfois même jusqu'en territoire négatif pour les plus solides comme le suisse Nestlé par exemple.

Désireux d'obtenir une meilleure rémunération, les investisseurs se sont du coup massivement intéressés aux moins bons élèves, qui présentaient certes plus de risques mais offraient des rendements bien plus lucratifs.

Au passage, ce marché a gagné ses titres de noblesse et s'est débarrassé du qualificatif peu flatteur de "junk bonds" ou "obligations pourries" pour devenir plus standardisé avec à la clé des montants records d'émissions de dette et des conditions d'emprunt inespérées pour les entreprises plus fragiles.

2015 a aussi été une année de records, en terme d'emprunts émis, en Europe avec 71 milliards d'euros levés (contre 63 milliards en 2014). Aux États-Unis par contre les montants ont baissé avec 260 milliards de dollars levés (contre 314 en 2014), selon des chiffres de Société Générale et Dealogic.

Toutefois, en dépit d'un bilan globalement positif, la deuxième moitié de 2015 a réservé des mauvaises surprises.

Un "environnement anxiogène, la Chine, les prix du pétrole, les tensions géopolitiques en Corée du Nord et entre l'Iran et l'Arabie saoudite ainsi que la dichotomie entre la Réserve fédérale américaine" qui a commencé à remonter ses taux directeurs "et la Banque centrale européenne toujours accommodante", énumère Christophe Quesnel, responsable du trading de Oddo Securities, spécialiste de la dette d'entreprise.

La toute fin d'année a aussi été marquée par les premières liquidations depuis la crise de 2008 de fonds qui avaient investi sur le high yield aux États-Unis, à savoir Third Avenue, Stone Lion et Lucidus.

Pour 2016, ces risques restent prégnants et laissent augurer d'une année moins étincelante.

"Mais, poursuit M. Quesnel, au-delà de tous ces facteurs, ce qu'il faut surtout redouter c'est une sortie massive et simultanée des investisseurs" réalisant que leurs actifs auront du mal à trouver preneur.

Pour autant "la fenêtre n'est pas fermée pour le moment", tempère-t-il.

- Plus d'appétit en Europe -

Et, comme lui, la majorité des experts se gardent bien de sombrer dans le pessimisme, affiché par un des gourous de Wall Street, Carl Icahn, qui prédisait mi-décembre que la chute du high yield ne faisait que commencer.

"2015 a été une année en deux temps, mais cela reste une bonne année qui a permis de confirmer la place du high yield comme une vraie classe d'actifs en Europe", souligne Florent Cassabois, responsable des financements, acquisitions et rachats par endettement de HSBC.

En 2016, "la tendance reste bonne" et "le nombre d'émetteurs se préparant à lancer des opérations est déjà assez important", ajoute-t-il en prévoyant globalement une "stabilité ou un léger déclin".

"La recherche de rendement devrait se poursuivre" en 2016, anticipent également Peter Firth et Mario Santangelo, directeurs adjoints pour le financement d'entreprise par la dette, au sein de l'agence de notation Moody's.

Sur un marché qui s'annonce "plus volatil", la différence se jouera dans une approche "plus exigeante" avec des investisseurs "plus regardant sur la qualité", développent-ils.

Et le risque de défaillances d'entreprises devrait rester limité, selon les deux experts qui jugent en outre, comme leurs confrères, que "l'Europe et les États-Unis suivent deux voies différentes" avec "toujours de l'appétit en Europe pour les entreprises".

Le risque lié à l'érosion des cours du brut est en effet nettement plus prononcé aux États-Unis, pays producteur de pétrole.

Et surtout, comme le souligne, M. Quesnel, "la situation est sans commune mesure en Europe, puisque la BCE continue à être très accommodante".

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