Moralisation de la vie publique: "Supprimer la réserve parlementaire c'est scandaleux et démagogique"

Julien Aubert, député Les Républicains du Vaucluse, auteur de Salaud d'élu (éd. Cent mille milliards).

"Vouloir supprimer la réserve parlementaire, c'est scandaleux et démagogique. Ce sont des milliers d'associations qui risquent de disparaître demain parce qu'on estime qu'un élu, par définition, fait du clientélisme dès qu'on lui met de l'argent entre les mains. Il faut alors aller au bout de la logique et supprimer toutes les subventions des conseils généraux et régionaux parce que ce sont des volumes beaucoup plus importants, avec des risques de clientélisme encore plus grand!

La réserve parlementaire, c'est le dernier maillon qui permet à des milliers de petites associations de survivre alors qu'on a baissé les ressources des collectivités ces dernières années. Dès qu'elles demandent des montants peu importants, notamment en milieu rural, elles ne peuvent s'adresser qu'à leur député. J'appelle les milliers de présidents d'associations de ce pays à protester contre cette mesure. Je réagis en tant que député rural. Mon club de handball qui viendra me réclamer 1.000 euros pour acheter le mini-van du club, demain je leur dirai non sous prétexte qu'il y a une moralisation de la vie politique? C'est ridicule.

"Un député a autre chose à faire que de garder toutes ses factures"

L'autre mesure scandaleuse, c'est de demander aux parlementaires de fournir des preuves de leurs dépenses. Lorsqu'on est un vrai député et qu'on travaille, on a d'autres choses à faire que de garder toutes les factures et de les envoyer. Ça va être un bazar innommable! Certes, il y a des frais qui se répètent, comme les frais de voiture ou de permanence. Mais chaque fois qu'on fait un repas, un dépôt de gerbes, qu'on achète des stylos pour la permanence on va devoir donner des justificatifs? Ça va provoquer un engorgement des services de l'Assemblée, c'est une fausse bonne idée.

Il y avait d'autres mesures beaucoup plus intelligentes à prendre et je regrette que cela se fasse sans la moindre réflexion sur le bon niveau de rémunération d'un parlementaire. Notre indemnité professionnelle a déjà été amputée de 10%, et le traitement des parlementaires n'a pas été revalorisé depuis 15 ans. A force de considérer qu'en démocratie il faut payer le plus mal possible, et que c'est un gros mot de dire qu'on doit rémunérer au juste niveau des efforts fournis, on attirera les moins bons et ceux qui font ça pour de mauvaises raisons.

"On va attirer les moins bons"

On ne peut pas d'un côté regretter qu'on ait de moins en moins de gens du secteur privé qui se lancent dans la politique et en même temps vouloir absolument tout contrôler et fliquer. La moralisation pour moi, c'est punir ceux qui abusent de la confiance des gens. Mais entretenir l'idée qu'il devrait y avoir par définition une suspicion dès qu'on croise le mot élu avec le mot argent, ça alimente le moteur de la défiance française. M. Bayrou ne fait que surfer sur les peurs alimentées par le Front national."