“Plug gate” : Paul McCarthy renonce à regonfler son sapin géant

Installée place Vendôme, à Paris, la sculpture géante de sapin qui ressemblait à un sex-toy défrayait la chronique. Après l'agression de l'artiste, Paul McCarthy, c'est l'oeuvre elle-même qui a été vandalisée.

Par Joséphine Bindé

Publié le 20 octobre 2014 à 10h21

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h20

Mise à jour : L'affaire McCarthy, surnommée « Plug Gate » par les internautes, a connu de nouveaux rebondissements. Dans la nuit de vendredi à samedi, c'est à l'œuvre elle-même que des inconnus se sont attaqués en débranchant l'alimentation de la soufflerie et en sectionnant plusieurs sangles qui maintenaient la structure en place. Déséquilibré par ces dégradations, « The Tree » a dû être dégonflé puis replié.
L'artiste, malgré le soutien de la maire de Paris Anne Hidalgo et de la ministre de la Culture Fleur Pellerin, a renoncé à réinstaller le sapin, déclarant samedi soir dans un communiqué de la FIAC qu'il ne souhaitait plus « faire prendre des risques à cette oeuvre » ni « être mêlé à ce type de confrontation ». Ainsi s'achève la saga qui, relayée par de nombreux médias étrangers, ouvre un nouveau débat sur les limites de la liberté artistique.

Un sapin… A moins qu'il ne s'agisse d'un plug anal ? Hier jeudi 16 octobre matin, une surprise de taille attendait les Parisiens place Vendôme avec cette gigantesque sculpture gonflable de couleur verte, signée de l'Américain Paul McCarthy, érigée là avec la complicité de la FIAC et du Comité Vendôme (une association vouée à la défense et à la promotion du quartier). Accusé par le mouvement catholique traditionaliste Le Printemps français d'avoir « défiguré » le lieu et « humilié » Paris, puis par d'autres d'avoir détourné un symbole chrétien, l'artiste s'est fait agresser dans l'après-midi par un inconnu qui, après l'avoir frappé au visage, a pris la fuite.

Cette œuvre gonflée n'est pourtant pas tombée du ciel : elle annonce « Chocolate Factory », l'exposition inaugurale du nouvel espace culturel de la Monnaie de Paris, pour laquelle McCarthy investira toutes les salles de l'établissement. Les visiteurs y découvriront d'autres conifères, mais aussi des vidéos réparties dans les différents salons. Sans oublier le clou du spectacle : une usine à chocolat qui produira des centaines de figurines autour du Père Noël et de son arbre. L'installation fera écho à la spécialité du lieu : la fabrication en série des pièces de monnaie.

Né en 1945 à Salt Lake City, ce trublion de l'art contemporain, dont la provocation est la marque de fabrique, s'est fait connaître à travers ses performances, vidéos et installations (disciplines qu'il enseigne désormais à l'Université de Californie à Los Angeles) inspirées par le pop art, le cinéma expérimental (Bergman, Godard, Warhol...) et des artistes comme Yoko Ono et Robert Rauschenberg.

C'est avec sa vidéo Painting, Wall Whip (1974) que ses œuvres se font plus crues et sexuellement explicites. Le plasticien s'y enduit le corps de mayonnaise, de ketchup et d'excréments, interrogeant le corps humain dans ce qu'il peut avoir de plus obscène et dérisoire. Cette tendance atteint son apogée en 2005 lors d'une soirée à Beaubourg, où, dans des vidéos hardcore, McCarthy va jusqu'à se sodomiser avec une Barbie.

Comparé à ces performances, notre sapin (assez ambigu pour ne pas troubler les enfants) apparaît bien sage. Mais il relève toujours de cette volonté de l'artiste de rendre dérangeants les objets du quotidien, tout en sapant l'autorité et le caractère sacré des lieux via des œuvres pensées en fonction de l'endroit où elles sont exposées. A l'image de ces sculptures figurant des têtes de Pinocchio, où McCarthy joue avec le célèbre pantin et la forme équivoque du nez de ce dernier, le sapin-toupie de la Place Vendôme renvoie autant à la sexualité qu'au monde de l'enfance. Récurrents chez ce grand agitateur, ces thèmes participent d'une volonté d'interpeller, voire d'interloquer, en introduisant une confusion des codes et des registres. Car « à quoi sert l'art si ce n'est de troubler ? ». C'est avec cette question piquante que la directrice de la FIAC Jennifer Flay, attristée par les attaques d'hier, a répondu aux détracteurs de McCarthy.

A voir 

Paul McCarthy, « Chocolate Factory », du 25 octobre au 4 janvier à la Monnaie de Paris, 11 Quai de Conti, 6e. De 11h à 19h, le jeudi jusqu'à 22h.

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