Bond des dépenses de fonctionnement, hausse des impôts… dans son livre « Comptes et légendes de Paris »*, le journaliste Dominique Foing démonte, au fil de 8 chapitres (fiscalité, politique culturelle, transports, logement...), le bilan du maire de Paris.


Capital.fr : Votre livre* s’attaque à la gestion de Bertrand Delanoë à la tête de la ville de Paris. Sur quels documents vous appuyez-vous ?
Dominique Foing : A force de l’entendre claironner que le budget de la culture avait doublé, de s’enorgueillir que les parisiens étaient faiblement imposés… j’ai voulu savoir si ce discours tenait la route. Mon analyse s’appuie exclusivement sur des documents officiels : budgets prévisionnels et comptes administratifs de la ville, rapports de la Chambre régionale des comptes et de l’Inspection générale de la Ville de Paris, délibérations, communiqués de presse… Les belles déclarations de Bertrand Delanoë ne résistent pas aux chiffres, le bilan de ses mandats est très éloigné de celui qu’il dépeint.

Capital.fr : Comment expliquez-vous la forte hausse des dépenses de fonctionnement de la Ville de Paris ?
Dominique Foing : Entre 2000 et 2011, les dépenses de la ville ont bondi de 44,45 %, selon les chiffres des budgets prévisionnels. Principale explication : la hausse de 42% de la masse salariale. Depuis l’arrivée de Bertrand Delanoë, la Mairie de Paris a augmenté ses effectifs de près de 10.000 postes. Désormais, 50.000 personnes travaillent pour la ville. Pour expliquer cette inflation, l’équipe Delanoë met en avant l’accord sur les 35 heures, la titularisation d’emplois précaires et les embauches rendues nécessaires par les nouveaux services créés : établissements, crèches… Sauf que même après cet effort louable de contractualisation des précaires, il existe encore l’équivalent de 1.976 emplois équivalents temps plein de vacataires. Quant à l’accord sur les 35 heures, c’est le plus généreux jamais signé. Grâce à lui, les agents de la ville bénéficient de 58 jours de vacances par an. Soit près de 12 semaines !

Capital.fr : Malgré tout, vous soulignez que le climat social est dégradé au sein de la Mairie. Pourquoi ?…
Dominique Foing : La meilleure illustration de ce malaise social est le fort taux d’absentéisme. En 2007, les agents étaient absents, en moyenne, 20 jours par an, selon un rapport de l’Inspection générale de la Ville de Paris. Les grèves à répétition écornent aussi l’image de Bertrand Delanoë. Ce mécontentement s’explique notamment par la politique salariale. La Mairie de Paris est surtout généreuse avec les cadres sup, tandis que les petits salaires ne bénéficient pas de franche évolution. De nombreux postes de directeurs adjoints ou de « délégués » ont été spécialement créés – il existe par exemple un « délégué au design » -, avec des salaires dignes d’un préfet de région, qui peuvent atteindre 179.000 euros brut par an.

Capital.fr : Dans votre livre, vous rappelez que Bertrand Delanoë met régulièrement en avant sa politique fiscale. A tort ou à raison ?
Dominique Foing : Pendant le premier mandat, taxe d’habitation et taxe foncière n’ont pas évolué. Malgré cela, les impôts collectés ont augmenté de 41% en 7 ans. Ce petit miracle s’explique notamment par la forte progression du montant des droits de mutation, consécutive à l’explosion des prix de l’immobilier, et par la hausse d’autres impôts : + 18% pour la taxe d’enlèvement des ordures, + 11 % pour celle de balayage. Parallèlement, les tarifs de nombreux services ont flambé. Ainsi, le montant total des redevances (culture, sport, services funéraires…) a bondi de 54 % au cours de la première mandature. Et la note s’est encore corsée par la suite. A la fin de son premier mandat, Bertrand Delanoë a eu le courage politique d’annoncer qu’il relèverait les impôts s’il était réélu. Mais il s’était bien gardé de dire que les impôts locaux grimperaient de 36% en deux ans. Le maire de Paris ne s’est pas contenté de rehausser les taux de la taxe d’habitation et de la taxe foncière, il a aussi créé une nouvelle taxe foncière départementale. Au total, entre 2001 et 2010, le montant des impôts perçus (hors impôts sur les sociétés) a progressé de 78%. Pas mal, pour un Maire qui aime répéter que les parisiens sont bien lotis.

Propos recueillis par Frédéric Cazenave

*Comptes et Légendes de Paris, bilan de la gestion Delanoë, ed. Denoël.