Alain Dinin, le PDG de la société immobilière Nexity, commente l’adoption de la loi Alur (accès au logement et un urbanisme rénové) présentée par la ministre du Logement Cécile Duflot. Où il trouve davantage de points très négatifs que positifs.
Alain Dinin. Cécile Duflot fait de la politique ! La ministre a voulu favoriser les locataires au détriment des propriétaires pour montrer qu’elle est une femme de gauche et que les écologistes au gouvernement font bien leur travail. Mais la loi Alur, sur ses principaux composants, comme l’encadrement des loyers, la garantie universelle et la réglementation sur les administrations de biens, est un non-sens économique !
Vous dites cela parce que la loi lutte contre l’augmentation des loyers en les encadrant…
Cette loi va bloquer le marché et -décourager les investisseurs d’acheter des logements pour les mettre en location. Or les investisseurs sont indispensables, car le prix de revient d’un logement est incompatible aujourd’hui avec la capacité des ménages à devenir acquéreurs. Il fallait fabriquer, entre nous tous, un pacte républicain pour accroître l’offre de logement et non pas s’attaquer à une catégorie sociale, les propriétaires, qui sont, dit-on, les escrocs, les méchants, les bandits, tout simplement parce cela arrange le politique de les présenter ainsi.
Cette loi fera-t-elle baisser les loyers ?
Mais les loyers baissent déjà dans les zones périurbaines, où l’on a un peu trop construit ! Et dans les zones urbaines, ils ne montent plus, car les gens n’ont pas les moyens : un propriétaire aura beau vouloir 1 500 euros par mois pour un logement qui en vaut 1 200, il devra s’adapter à la réalité du marché. Ce que nous dit Clameur, l’observatoire mis en place par tous les acteurs du secteur, et qui couvre 97 % des locations sur notre territoire, c’est que les loyers n’ont même pas suivi l’inflation depuis trois ans.
Vous devriez être satisfait par l’autre grande innovation de la loi : la garantie universelle des impayés de loyers…
Pas du tout : seuls 2 % des locataires ne paient pas leur loyer. Or, pour ces 2 %, on va garantir 100 % des loyers et faire payer 2 % de plus aux propriétaires et aux locataires ! En outre, l’Etat va devoir dépenser entre 750 millions et 1,5 milliard d’euros pour installer la nouvelle machine administrative qui contrôlera les règles qu’elle a produites.
Il n’y a donc rien à retenir de cette loi Alur selon vous ?
Il y a quelques points positifs : elle crée la notion de plan local d’urbanisme intercommunal et traite les problèmes de recours et de droit de l’urbanisme. Mais elle n’agit pas sur l’essentiel, l’offre, en pesant sur les prix des terrains. En dix ans, en Ile-de-France, le prix des terrains a été multiplié par six. A Pantin, vous avez du terrain à 1 000 euros le mètre carré, ce qui permet de vendre un logement à 5 000 euros le mètre carré. Et aux Batignolles, à 5 kilomètres de là, le même terrain, vendu cette fois-ci par la ville de Paris, est à 5 000 euros du mètre carré ! Pourquoi ne pas réduire les prix de vente du terrain, pour que les prix des logements baissent ?
Cette loi ne suffira donc pas à résoudre le problème de manque de logements ?
Non, madame Duflot prévoit 500 000 constructions par an d’ici à la fin de la mandature. On en a réalisé 436 000 il y a deux ans, on va en faire au mieux 330 000 cette année. Et le nombre de permis de construire déposés baisse de 11 % sur un an. La ministre a raté le vrai problème, qui est de produire davantage de logements pour que les prix baissent. Elle a fait de la politique poli-ticienne, c’est ce que j’appelle de la mousse…
Propos recueillis par Eric Tréguier et Jean-Baptiste Diebold