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Économie

Taxe sur les transactions financières : pourquoi la France n'en parle plus

ENQUETE Alors que l'Allemagne a révélé que cet impôt pourrait lui rapporter au moins 18 milliards, le sujet semble désormais tabou côté français. Pour ne pas dire clos.
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Pierre Moscovici
Pierre Moscovici
SIPA / ISOP / Frederic Sierakowski

Les déficits français ne constitueront pas le seul boulet que Pierre Moscovici avait laissé à Bercy et qu’il retrouvera à Bruxelles. Nommé Commissaire à la tête d’un portefeuille comprenant les finances, l’économie mais aussi la fiscalité, il devrait être en charge, à ce titre, de la mise en place de la taxation des transactions financières. Un sujet qu’il partagera avec son collègue britannique Jonathan Hill, commissaire aux services financiers. Deux commissaires européens ne seront pas de trop pour désamorcer ce dossier piégé. Les 11 pays de l’Union européenne qui ont marqué leur intention de mettre en place cette taxe d’ici 2016 peinent à en définir la structure et les conditions précises d’application. 

Ne pas polluer le débat budgétaire

Signe des crispations que continue de susciter ce projet: Bercy se refuse à toute communication sur les montants que pourraient rapporter une telle taxe, après la révélation par challenges.fr, lundi 8 septembre, des estimations pour l’Allemagne. Pas question pour le ministre des Finances Michel Sapin de voir ce sujet politiquement sensible s’inviter dans des débats budgétaires en cours, déjà si compliqués… Le pactole serait loin d’être négligeable – et donc susceptible de décupler l’appétit pour cette descendante de la Taxe Tobin au sein de la gauche du PS.

Dans le cas de l’Allemagne, selon l’étude d’impact réalisée par l'institut Copenhagen Economics pour les pouvoirs publics, l'introduction d’une telle taxe européenne sur les transactions financière enrichirait au minimum de 17,6 milliards d'euros les finances publiques outre-Rhin. Le document évoque même un maximum de 28,2 milliards d'euros, dans les meilleures hypothèses. C’est bien au-delà des 2 milliards initialement prévus par Berlin. Et dans ces conditions les revenus de 30 à 35 milliards calculés par Bruxelles dans sa propre étude d’impact pour les 11 pays engagés dans la mise en place de cet projet semblent bien timides.

Impensable que Bercy n'ait rien évalué 

Combien rapporterait une telle taxe aux finances publiques françaises ? Mystère… Le ministère des finances affirme qu’il n’a lancé aucune étude d’impact sur ce sujet. "Il est simplement impensable que Bercy n’ait pas concocté sa propre évaluation", estime pourtant un spécialiste du secteur financier. Faute de communication officielle, une extrapolation rapide de l’étude du Copenhagen Economics porterait les revenus potentiels au-delà de la dizaine de milliard d’euros. De quoi faire rêver le Trésor…

Ces montants ne sont toutefois pas encore dans les caisses de l’Etat. Sérieuse, l’étude publiée en Allemagne n’en est pas moins sujette à débat. "Elle est bien plus précise que les calculs qu’avait effectué la Commission européenne", relève Anatole de La Brosse, directeur général adjoint du cabinet Sia partners et spécialiste de l’industrie financière. L’institut Copenhagen Economics se fonde sur une imposition à hauteur de 0,1% des actions et obligations et à 0,01% les produits dérivés.

Elle intègre le principe d’une taxation qui doit toucher à la fois l’achat et la vente de produits financiers. Sont également pris en compte les gardes fous établis dans le projet européen : pour éviter que les transactions échappent à la future taxe du simple fait qu’elles sont réalisées à Londres, les Etats ont décidé que le lieu d’émission de la transaction et le lieu d’implantation de l’établissement à l’origine de l’opération seront pris en compte.

Un surcoût pour le financement de la dette ?

"En revanche, l’étude repose sur certaines hypothèses difficiles à vérifier, modère Anatole de La Brosse. Ainsi, elle intègre, ainsi que le veulent les Etats, les transactions «over the counter (OTC)» c’est-à-dire celles qui ne passent pas par les chambres de compensations. Par définition, les volumes de ces dernières sont difficiles à mesurer… et à taxer".

Autre élément que les banques et opérateurs financiers ne manqueront pas d’attaquer : l’étude publiée en Allemagne assure que la baisse d’activité due à la nouvelle taxe ne serait que très limitée, de l’ordre de quelques centaines de millions d'euros. Au pire, il atteindrait 2 milliards d'euros soit 0,09% du PIB. Loin des risques mis en valeur par exemple dans une étude d’Oliver Wyman et qui juge que les Etats seraient parmi les principales victimes de la taxation qu’ils proposent. Le surcoût pour l’émission de dette souveraine des 11 pays concernés se monterait, selon le cabinet de conseil, à 15-20 milliards d’euros par an.

Etienne Goetz et Grégoire Pinson

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