Oubliez le Brexit, le vrai risque pour l'UE pourrait venir d'Italie...

Matteo Renzi doit faire face à deux crises : le besoin de capitaux des banques et un référendum à haut risque en octobre sur ses réformes constitutionnelles. Sa position est très fragile sur les deux fronts qui sont un défi pour l'UE.
Matteo Renzi a fait un tel vide autour de lui au sein de son propre parti, le Parti démocratique, qu'il sera impossible de le remplacer par un autre homme à la présidence du Conseil.

Le Brexit n'est peut-être pas le seul défi de grande ampleur auquel l'Union européenne va devoir faire face cette année. En octobre - la date exacte n'est pas encore fixée - les Italiens seront appelés aux urnes pour se prononcer par référendum sur la réforme constitutionnelle proposée par Matteo Renzi. Un vote crucial, car le président du Conseil en a fait un véritable vote de confiance de la population envers son action. C'est un point important, car il convient de rappeler que l'ancien maire de Florence est arrivé au pouvoir en décembre 2013 à la suite d'un « putsch » interne contre le chef de gouvernement d'alors, Enrico Letta, lui-même nommé après d'âpres discussions parlementaires au printemps 2013. Matteo Renzi n'a jamais été « choisi » par les Italiens. En cas de défaite, il sera difficile pour l'hôte actuel du Palais Chigi, le Matignon italien de faire comme si de rien n'était.

Vers de nouvelles élections ?

Or, Matteo Renzi a fait un tel vide autour de lui au sein de son propre parti, le Parti démocratique, qu'il sera impossible de le remplacer par un autre homme à la présidence du Conseil. Dans ce cas, la dissolution du parlement devrait apparaître comme la seule issue possible. C'est d'ailleurs ce qu'il a indiqué : en cas de « non », il y aura de nouvelles élections législatives qui seront à très haut risque. Les derniers sondages révèlent ainsi que la formation eurosceptique du Mouvement 5 Etoiles (M5S), créée par Beppe Grillo, a pleinement profité de ses deux victoires fracassantes aux municipales de Rome et Turin. Pour la première fois, elle est ainsi donnée en tête des enquêtes avec plus de 30 %. Le sondage réalisé par EMG Acqua pour La7 lui donne 30,7 % des intentions de vote contre 30,2 % au Parti démocratique (PD) de Matteo Renzi. En cas de victoire aux législatives, le M5S risque de secouer l'Union européenne, notamment avec sa promesse de référendum sur le maintien du pays dans l'euro.

Le « non » en tête dans les sondages

Ce scénario est loin d'être impossible. Euromedia a réalisé un sondage sur le référendum constitutionnel. Il indique une forte proportion d'indécis (19,4 % ignorent ce qu'ils voteront ; 17,7 % ignorent s'ils iront voter), mais, pour le moment, le « non » au projet Renzi est en tête avec 54,1 % de ceux qui savent ce qu'ils voteront. Le « non » est en tête depuis la mi-avril et son avance semble se creuser à mesure que les indécis reculent. Bref, Matteo Renzi a de quoi trembler avant ce vote. Lui qui avait voulu faire de ce référendum un plébiscite sur son nom et sur son « action réformatrice » a sans doute, comme David Cameron au Royaume-Uni, un peu préjugé de ses forces. Les municipales de juin ont été un coup de semonce, le référendum pourrait être un coup de grâce.

Le projet de réforme constitutionnelle

Quel est le contenu de cette réforme constitutionnelle ? Elle est fort riche, mais elle tient en une ligne forte. Il s'agit de mettre fin au « bicamérisme parfait », autrement dit à l'égalité des deux chambres, la chambre des députés et le Sénat. Désormais, seule la première assemblée pourra renverser le gouvernement. Comme elle sera élue selon un  système électoral défini par une loi accordant la majorité soit au parti ayant plus de 40 % des voix au second tour, soit ayant gagné un second tour de ballottage, le gouvernement italien devrait être plus stable. Le Sénat sera réduit à une chambre composé de 100 membres (contre 351 aujourd'hui), principalement nommés par les conseils régionaux, et ne sera compétent que pour les réformes constitutionnelles et les lois territoriales.

Ce projet, qui consacre une certaine recentralisation du pouvoir (les compétences des régions sont réduites) a des raisons de mécontenter bien des Italiens, mais l'implication de Matteo Renzi dans la campagne a clairement fait basculer le projet lui-même au second rang. Or, le président du Conseil italien peine de plus en plus à rassembler en dehors de son propre camp qui, par ailleurs, se réduit comme peau de chagrin. C'est la leçon principale des élections municipales de juin : le PD a souffert de cette incapacité de réunir au deuxième tour des majorités. Du coup, dans le cadre d'un plébiscite sur le nom de Matteo Renzi, cette incapacité peut coûter fort cher.

Révolte interne au PD

L'atmosphère commence donc à devenir irrespirable au sein du PD où l'opposition interne à Matteo Renzi relève la tête. Son chef de file, Gianni Cuperlo, a estimé que « l'expérience du premier ministre a échoué ». Et de haranguer le président du conseil : « aujourd'hui, tu es vu comme un ennemi par une partie de la droite, et c'est bien ainsi, mais aussi par une partie de la gauche et, là c'est un drame. Sans changement de stratégie, la gauche va à la défaite ». Ceci est préoccupant pour Matteo Renzi à plus d'un titre. D'abord, parce que le parti, qu'il avait voulu discipliner commence à se diviser et ceci n'augure rien de bon pour la campagne référendaire. Ensuite, parce que, en cas de « non », un renversement de Matteo Renzi n'est pas à exclure. Déjà, ses adversaires évoquent le nom de Dario Franceschini, ministre de la Culture, et un des artisans du « putsch » de Matteo Renzi en 2013, comme éventuel successeur de ce dernier...

L'échec des « réformes »

L'hôte du palais Chigi, coqueluche d'une partie des « réformateurs » européens, est donc dans une position très difficile avec peu de marge de manœuvre. Car, malgré une activité législative intense et un sens inné de la communication, les Italiens ne voient pas d'amélioration notable de leur sort. L'économie italienne est fragile, sa croissance, déjà faible, semble encore s'affaiblir ces derniers mois. Le « Job Acts » tant vanté, jusqu'en France, par Matteo Renzi, a certes permis de réduire le taux de chômage, mais ce dernier demeure supérieur à 11,5 % de la population active, loin des niveaux d'avant-crise et alors même que la précarisation a encore progressé. Globalement, l'Italie reste en queue de peloton de la reprise et n'a pas vraiment profité de son entrée dans la zone euro (le PIB par habitant a stagné depuis 1999). Les Italiens semblent lassés du discours sur l'avenir radieux grâce aux « réformes », alors qu'ils font des « efforts » depuis cinq ans et que les résultats sont faibles. Le discours triomphant de Matteo Renzi se heurte à une réalité contraire et devient donc inopérant. A l'inverse, le discours de critique de l'Union européenne et de l'euro prend naturellement de l'ampleur.

Le nœud de la crise bancaire

L'ultime étape du drame italien pourrait évidemment être la crise bancaire dont est menacé le pays. Les banques italiennes sont grevées par 360 milliards d'euros de créances douteuses, fruits de la dure récession de 2011-2013 et de la faible reprise qui a suivi. Ceci conduit à un besoin de capitaux de l'ordre de 40 milliards d'euros. Or, nul ne veut prêter aux banques italiennes dans la mesure où ces besoins de capitaux pourraient augmenter en cas de nouveau ralentissement conjoncturel. La plupart des établissements de la Péninsule se dirigent donc vers une inévitable faillite (avec 20 % de pertes, une seule Unicredit serait encore solvable) et, selon les règles de résolution de l'union bancaire, créanciers, actionnaires et déposants seront mis à contribution. Mais en Italie, les créanciers des banques sont souvent des particuliers. En novembre, la restructuration de quatre petites banques avaient produit une levée de boucliers après le suicide d'un épargnant retraité. Matteo Renzi ne peut à aucun prix se lancer dans une telle opération, cela scellerait la fin de sa carrière politique.

La faible marge de manœuvre de Matteo Renzi

Aussi négocie-t-il le droit d'aider directement les banques par un soutien étatique, ce qui est désormais absolument prohibé en zone euro. Au niveau européen, et particulièrement en Allemagne, on refuse cette option qui réduirait à néant toute crédibilité d'une union bancaire déjà bien fragile. Surtout, une telle aide conduirait à une augmentation de la dette italienne, déjà à 132,7 % du PIB et conduirait à réclamer de nouvelles coupes budgétaires à l'Italie. Bref, Matteo Renzi ne dispose non seulement pas de réelles solutions, mais toutes les solutions qui se présentent semblent mauvaises et destinées à l'affaiblir. Car, sans assainissement du système bancaire italien, la croissance ne repartira pas, car la distribution de crédit restera toujours trop faible.

Dans ce labyrinthe, l'avenir politique de Matteo Renzi s'annonce très sombre. Pour reprendre la main, osera-t-il défier l'UE et l'Allemagne en imposant une recapitalisation étatique des banques en dépit des règles européennes ? Osera-t-il aussi, lors du conseil européen de septembre à Bratislava défendre contre Berlin une réforme de la zone euro allant vers davantage de solidarité ? Et cela suffira-t-il ? Rien n'est moins sûr.

Les deux crises à venir

En tout cas, dix jours après le Brexit, l'Italie est en passe de devenir un problème majeur pour l'Union européenne qui va devoir faire face à deux crises majeures qu'elle a contribué à former. La première a déjà commencé avec l'effondrement des titres bancaires en Bourse après le Brexit, c'est celle de l'union bancaire qui n'est depuis le début qu'une construction bancale, fruit d'un compromis laborieux avec l'Allemagne qui n'a jamais pris en compte la réalité italienne.

La deuxième crise à venir est celle de l'émergence d'un gouvernement eurosceptique en Italie, désormais clairement possible. Là encore, la violence du traitement de ce pays par l'Union européenne n'est pas étrangère à ce risque. Depuis le renversement du gouvernement Berlusconi en 2011 sous la pression de la BCE jusqu'aux politiques toujours renouvelées de « réformes » source d'une récession sévère et peu concluantes sous les applaudissements européens, l'UE a souvent joué le mauvais rôle pour les Italiens. Que l'on se souvienne de l'écart entre les louanges de Mario Monti avant les élections de février 2013 et le résultat du parti de ce président du conseil (8,30 %). Cette incompréhension devait déboucher sur une révolte à moins d'un changement de cap. Matteo Renzi a tenté une voie moyenne, mais il a échoué. Les Italiens sont donc désormais tentés par d'autres alternatives. Le Brexit pourrait donc n'être qu'un amuse-gueule, car l'Italie, troisième économie de la zone euro, est un gros morceau avec sa dette de 2.300 milliards d'euros...

Commentaires 24
à écrit le 08/07/2016 à 6:07
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le grand copain de notre flenbi démontre, si il en était besoin , l'incompétence des gauchistes à gouverner un pays ; ils rejoignent les Zapatéro , Socratés , Papandréou etc...etc..Seule l'instruction des peuples permettra l'éradication de cette idé...

à écrit le 07/07/2016 à 10:57
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En Italie, P.D. = D.C. + P.C.I.+ Italia Bene Comune + NCD-SC-UdC Le mariage des "carpes et des lapins".

à écrit le 06/07/2016 à 16:04
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C est vrai je ne suis pas économiste ,juste certificat d étude en 62 ,mais un conseil ..planquez vos sous car ça vas faire très mal dans les banques et assurances..!!

à écrit le 06/07/2016 à 11:31
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LE CHATEAU DE CARTES EN OR DES FINANCIERS EUROPEEN VAS S ECROULEZ? CELA VAS T ENGUEZ DANS LES BANQUES? SEUL LES PEUPLES SERON GAGNENT ILS FALLEZ Y PENSER AVANT? QUAND ONT VOIE LES MILLIONS QUE SE DISTRIBUENT LES GRAND CADRES DIRIGENT LES GRANDES ENTR...

à écrit le 06/07/2016 à 10:15
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La situation européenne commence véritablement à devenir explosive, l'oligarchie croule sous le poids de sa propre bêtise démesurée. Soros, face à l’égoïsme des dirigeants allemands qui sont contents de guider la politique européenne mais ne veule...

le 08/07/2016 à 22:59
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Concernant les médias et la désinformation, les citoyens n'ont qu'à s'en prendre qu'à eux-mêmes. Internet ne sert pas uniquement à jouer et à s'astiquer la nouille !

le 10/10/2016 à 16:10
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"Internet ne sert pas uniquement à jouer et à s'astiquer la nouille ! " Parce que vous pensez sérieusement que tous les gens ont le temps à gaspiller comme vous et moi sur internet ? Quel mépris, quelle arrogance éloquente du faible.

à écrit le 05/07/2016 à 23:48
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Parmi les catastrophes qui menacent l'Europe, il faut aussi aller voir du côté du marché immobilier suédois : totalement surévalué, et soutenu à bout de bras par les taux d'intérêts négatifs en Suède, alors que la croissance est forte...Mais basée su...

à écrit le 05/07/2016 à 22:03
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Avec tous les articles foireux et dogmatiques désavoués par les faits (le succès anoncé de Podemos soit disant premier parti d'opposition espagnole, la Grèce de tsipras / syriza devant faire rendre gorge à l'Europe anti démocratique, etc..etc....) du...

le 05/07/2016 à 23:53
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Prétendre que ces réformes sont un succès alors qu'on se prend une débâcle électorale montre que vous êtes coupés de la réalité... Et qu'on sait que les emplois créés sont quasiment entièrement subventionnés par l'Etat, ce qui explique que le défici...

le 06/07/2016 à 0:27
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Bof, l'Italie est le maillon faible de l'Euro et de l'EU, toute les statistiques le démontre (PIB par habitant encore à ce jour sous le niveau de l'an 2000 !)

le 07/07/2016 à 16:42
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Je pense surtout que la réalité ne vous fait pas plaisir... Par pure idéologie.... Mais vous faites certainement parti de ceux qui sont pour le libéralisme, mais pour les autres.. Par exemple, cela ne vous dérange pas de renflouer des banques avec...

le 14/07/2016 à 21:27
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Ah la la, rené monti, le mec qui se permet de commenter alors qu'il n'y comprend rien. Pour info, le contribuable n'a JAMAIS renfloué les banques. L'état s'est porté caution pour ces dernières

à écrit le 05/07/2016 à 21:25
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@ patrickb: les fonds de garantie pour les dépôts sont infiniment plus faibles que les dépôts à garantir. Alors ?

à écrit le 05/07/2016 à 18:32
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le mal est déja d actualité dans l union européenne de par son comportement avec la GRECE

à écrit le 05/07/2016 à 18:19
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Renzi n'était qu'une bulle médiatique, un Lehman Brothers médiatique, un Enron médiatique, un Dexia médiatique, etc ... Quant aux Allemands, le jour où la Deutsche Bank sera en crise grave, leur sévérité et leur intransigeance donneront lieu, comme...

le 05/07/2016 à 20:29
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Je me permets de vous renvoyer vers un article récent paru ici même en janvier et du même auteur. http://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/de-quoi-la-deutsche-bank-est-elle-le-nom-550364.html Si l'Allemagne est aussi crispée c'est que ...

à écrit le 05/07/2016 à 17:03
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C'est une folie de refuser la recapitalisation des banques Italiennes: c'est tout le secteur entier des banques Européennes qui va bientôt s'effondrer, et toutes les économies avec. Actuellement ma banque Mutualiste, adresse des courriers d'avertisse...

le 05/07/2016 à 18:07
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vous y croyez à vos inepties ?

le 05/07/2016 à 19:46
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@Sandra: les dépôts sont assurés jusqu'à 100 000 euros (http://droit-finances.commentcamarche.net/contents/975-la-garantie-des-depots-bancaires-en-cas-de-faillite). Bon, si t'as plusieurs millions, on se marie et j'arrange tout :-)

le 05/07/2016 à 22:22
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Sandra , avez-vous abusé de ce délicieux chianti que nos amis transalpins portent aux cieux ..? Sandra j' ai le sentiment marqué que vous n' y entravez que pouic ..!

le 06/07/2016 à 11:21
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LA PEUR EST MAUVAISE CONSELLIERE? LE BANQUIERS ONT TROP PROFITE DE L EUROPE ET LE PEUPLE NE VEUT PLUS DE CETTE EUROPE DE LA FINANCE? SI L ITALIE QUITTE LE MARCHE COMMUN LE CHATEAU EN OR POUR L ALLEMAGNE VAS S ECROULEZ? EN ECONONOMIE LA ROUE TOURNE TR...

à écrit le 05/07/2016 à 16:32
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Oui et applaudissements. je pensais que la zone euro ne connaitrait pas de nouveau une crise grave (mettant en cause son existence) avant plusieurs années, mais j'étais peut-être dans la sous-estimation de certains problèmes. Comment l'oligarchie po...

le 05/07/2016 à 19:52
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"Il ne faut pas compter sur ceux qui ont crée les problèmes pour les résoudre." @ Albert Einstein

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