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Thomas Piketty refuse la Légion d'honneur

Après sa nomination, jeudi, au grade de chevalier, l'auteur du « Capital au XXIe siècle » a fait savoir à l'Agence France-presse son intention de refuser la distinction.

Le Monde.fr avec AFP

Publié le 01 janvier 2015 à 15h11, modifié le 02 janvier 2015 à 06h08

Temps de Lecture 3 min.

L'économiste français Thomas Piketty, auteur du livre à succès Le Capital au XXIe siècle, a fait savoir à l'Agence France-presse qu'il refusait sa nomination au grade de chevalier de la Légion d'honneur, officialisée jeudi 1er janvier.

« Je refuse cette nomination, car je ne pense pas que ce soit le rôle d'un gouvernement de décider qui est honorable », a-t-il expliqué, ajoutant que l'Etat « ferait bien de se consacrer à la relance de la croissance en France et en Europe » plutôt que de distribuer ces distinctions. 

« RENDRE HOMMAGE AU TRAVAIL DE RECHERCHE D'EXCELLENCE »

La secrétaire d'Etat chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, était à l'origine de la proposition du nom de Thomas Piketty pour la Légion d'honneur — en effet, la distinction ne se demande pas, mais est proposée par un tiers. La Rue de Grenelle a d'ailleurs souligné jeudi que « Thomas Piketty n'a[vait] pas été prévenu avant la publication au Journal Officiel » de cette nomination.

En proposant à la grande Chancellerie la distinction de chevalier de la Légion d'honneur, la secrétaire d'Etat avait souhaité « rendre hommage au travail de recherche d'excellence mené par Thomas Piketty au sein de l'Ecole d'économie de Paris ». « Ce travail qui bénéficie d'une renommée internationale méritait d'être distingué par la République française », a-t-elle ajouté. L'économiste avait « la liberté d'accepter ou non cette distinction », et « il a choisi de la refuser, ce dont nous prenons acte », a réagi Mme Fioraso, soulignant que « l'excellence et la visibilité de son travail demeurent ».

CRITIQUE DE LA POLITIQUE DU GOUVERNEMENT

M. Piketty refuse l'hommage au moment où son essai Le Capital au XXIe siècle, qui entend démontrer la tendance spontanée à une toujours plus grande concentration de la richesse entre quelques mains, s'est vendu à 1,5 million d'exemplaires. Traduit en plusieurs langues, l'ouvrage est en particulier un phénomène d'édition aux Etats-Unis, où M. Piketty, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, a été reçu par des conseillers du président Barack Obama.

Malgré de très fortes ventes en France, l'accueil réservé au livre y a été plus tiède, notamment de la part du gouvernement. Un temps proche du Parti socialiste, l'économiste critique régulièrement la politique menée par François Hollande. Il regrette notamment que ce dernier ait enterré sa promesse de campagne d'une profonde réforme fiscale, dans le sens d'une plus grande progressivité de l'impôt, un projet ardemment défendu par l'économiste.

En juin, il commentait ainsi dans un entretien au Monde la politique du chef de l'Etat :

« Je pense qu'il y a un degré d'improvisation dans la politique fiscale et la politique économique de François Hollande qui est effectivement assez consternant. »

« LE FATAL INSIGNE QUI NE PARDONNE PAS »

Thomas Piketty s'inscrit ainsi dans la longue liste des personnalités ayant refusé leur nomination à un grade de la Légion d'honneur, que ce soit par refus d'un mérite dont ils s'estimaient indignes, par souci d'indépendance ou par esprit frondeur. Avant l'économiste français, l'ancien secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) Edmond Maire la refusa avec des propos semblables, estimant que « ce n'est pas à l'Etat de décider ce qui est honorable ou pas ».

Léo Ferré et Georges Brassens avaient préféré prendre les devants avant même d'être nommés ; le premier brocardant « ce ruban malheureux et rouge comme la honte », le second signant une chanson satirique où il dénonce « le fatal insigne qui ne pardonne pas ». Pierre Curie avait pour sa part refusé la distinction d'un simple « je n'en vois pas la nécessité », tandis que George Sand, qui eût été la première écrivaine à arborer l'insigne, objecta qu'elle ne voulait « pas avoir l'air d'une vieille cantinière ! ».

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Claude Monet, Georges Bernanos, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Albert Camus, s'inscrivent également dans cette longue liste. En 2013, c'était l'auteur et dessinateur de bande dessinée Jacques Tardi qui avait refusé la Légion d'honneur. En août 2012, la chercheuse Annie Thébaud-Mony, spécialiste des cancers professionnels, avait refusé cette distinction pour dénoncer « l'impunité » de responsables de groupes industriels, responsables de « crimes industriels ».

Le Monde.fr avec AFP

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