Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Sortie repoussée pour le film « Made in France »

« La menace vient de l’intérieur », disait l’accroche de ce long-métrage de Nicolas Boukhrief consacré aux milieux intégristes de la banlieue parisienne.

Par 

Publié le 15 novembre 2015 à 21h57, modifié le 16 novembre 2015 à 15h52

Temps de Lecture 4 min.

Affiche du film

Made in France, le nouveau film de Nicolas Boukhrief, devait sortir mercredi 18 novembre sur les écrans. A la suite des attentats du 13 novembre, et en raison du sujet sensible abordé par le réalisateur français, les milieux intégristes de la banlieue parisienne vus à travers le regard d’un journaliste de culture musulmane infiltrant une cellule djihadiste, son distributeur, Pretty Pictures, a décidé de repousser sa sortie, possiblement en janvier 2016. Dans Made in France, la cellule prévoit un attentat sur les Champs-Elysées, en coordination avec d’autres opérations simultanées dans la capitale. A peu de choses près, le mode opératoire du 13 novembre. « Nous sommes sous le choc, explique James Velaise, le président de Pretty Pictures. L’idée est de faire profil bas. Les salles n’ont fait aucune pression pour retirer le film. C’est une décision que j’ai prise avec les producteurs pour éviter toute provocation. »

Une chose est certaine : lorsque Made in France sortira, ce ne sera plus avec son affiche d’origine – une kalachnikov posée à la verticale, accolée à la tour Eiffel, avec comme accroche : « La menace vient de l’intérieur. » – qui avait commencé à apparaître sur les murs du métro parisien le 12 novembre.

La déprogrammation de Made in France constitue le dernier avatar d’un film contraint, conçu avec le vent de face, pas vraiment désiré et qui, à la lumière des événements du 13 novembre, possède désormais la force de l’évidence.

Idée du scénario après la mort de Khaled Kelkal

Nicolas Boukhrief, qui n’a pas souhaité s’exprimer pour cet article, avait rédigé en 2013 une note d’intention (reproduite dans le dossier de presse du film) à l’intention des différentes structures d’aides pour les convaincre d’investir dans un scénario écrit lors des deux années précédentes. Selon le réalisateur, « les structures de financement public sollicitées ont botté le film en touche dès les premières strates de décision, en trouvant le sujet du film bien trop anecdotique ou marginal ».

Finalement, le groupe M6, à travers sa filiale de distribution SND, décide de présider à la destinée du film dont le tournage s’achève en octobre 2014. A la suite des attentats du 7 janvier contre Charlie Hebdo, et de la prise d’otages du 9 janvier au supermarché Hyper Cacher, le groupe M6 décide de se retirer de Made in France. Le film mettra de longs mois avant de trouver, avec Pretty Pictures, un nouveau distributeur.

« Après les événements de Charlie Hebdo, explique James Velaise, les gens ont pris peur, et nous avons acheté le film. Nous sommes devenus coproducteurs après réalisation. » Nicolas Boukhrief avait eu l’idée d’un scénario sur le terrorisme après la mort de Khaled Kelkal, principal responsable de la vague d’attentats commise en France en 1995.

De gauche à droite, François Civil (Christophe), Dimitri Storoge (Hassan), Malik Zidi (Sam) et Nassim Si Ahmed (Driss).

Le réalisateur, né d’un père algérien et d’une mère française, se sentait concerné par ces questions avec la légitimité pour les traiter. Les tueries de 2012 à Montauban et Toulouse par Mohamed Merah le convainquent d’aborder la question de l’intégrisme islamiste. « Aujourd’hui, écrit le réalisateur dans sa note d’intention, des jeunes gens accrochent dans leur studio des portraits de Ben Laden ou de Mohamed Merah, comme d’autres mettent sur leurs murs des posters de Michael Jackson ou Justin Bieber. Des voyous continuent de dealer du shit… mais pour la “bonne cause”. Et, surtout, de jeunes imams intégristes s’adaptent à ces nouvelles générations avec une habileté très éloignée des clichés qu’on leur prête. Ces hommes-là n’abordent par leurs proies en les invectivant ou en les menaçant pour les contraindre à vivre selon la charia. Non : ils vont tranquillement jouer au foot avec elles en leur demandant incidemment de “passer à la skeum” (mosquée en verlan). Comme ça, juste pour voir… Alcool, drogue, échec scolaire, télévision, porno, chômage, sentiment de solitude. Ils savent aborder tous les thèmes actuels avec une intelligence discursive et un sens de la manipulation digne des plus grands chefs de secte. Si bien que chacun de leurs nouveaux fidèles vit sa radicalisation non pas comme un embrigadement, mais bien au contraire comme une renaissance. »

Anticipation d’un attentat terroriste

Ce n’est pas la première fois qu’un film, par un effort de documentation et d’enquête rigoureux, anticipe de manière crédible un attentat terroriste. En 1998, Couvre-feu, un film d’action américain d’Edward Zwick, avec Denzel Washington et Bruce Willis, mettait en scène un groupe de terroristes islamistes attaquant le quartier général du FBI à New York, des bus et un théâtre de Broadway. Couvre-feu restait un film à part, passé inaperçu lors de sa sortie, anticipant si bien le chaos du 11-Septembre, qu’il allait connaître une nouvelle carrière après l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center.

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
Découvrir

Dimitri Storoge, qui incarne le leader de la cellule djihadiste du film de Nicolas Boukhrief, avait l’impression durant le tournage que la menace mise en scène par le film était latente, même si, d’évidence secoué par l’actualité récente, il tient à éviter toute récupération. « Le simple fait de réunir ces informations et de les agréger nous faisait dire que la menace était présente. Je suis beaucoup allé sur Internet regarder les sites salafistes. La violence, la détermination, la négation de l’humanité, la facilité dérisoire de l’accès de ses images sont impressionnantes. Mon personnage est un ange de la mort. Il possède cette détermination froide, déshumanisée, totale, absolue. » Précisément celle qui vient de frapper Paris.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.