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Les BRICS ont lancé leur banque de développement

Basée à Shanghaï, cette institution se veut une alternative aux organismes tels que le FMI ou la Banque mondiale.

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Publié le 16 juillet 2014 à 12h23, modifié le 16 juillet 2014 à 12h47

Temps de Lecture 4 min.

Les présidents russe, indien, brésilien, chinois et sud-africain au sommet des BRICS le 15 juillet.

Cette fois, ça y est. Réunis pour leur sixième sommet annuel à Fortaleza, au Brésil, les cinq grands pays émergents, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (les « BRICS »), ont signé, mardi 15 juillet, un accord actant la création d'une banque de développement et d'une réserve de change commune. « C'est une contribution importante pour la reconfiguration de la gouvernance économique mondiale », s'est félicitée la présidente brésilienne, Dilma Rousseff.

« Ces pays cherchent à créer un système alternatif aux institutions dominées par les nations occidentales, Fonds monétaire international (FMI) et Banque mondiale», confirme Yves Zlotowski, économiste en chef de Coface.

La banque de développement, qui sera basée à Shanghaï, aura pour objectif de financer de grands projets d'infrastructures dans les pays concernés et, à terme, dans d'autres émergents. Sa capitalisation de départ sera de 50 milliards de dollars, apportés par les cinq participants. A terme, sa force de frappe pourra atteindre les 100 milliards de dollars.

Surtout, elle n'assortira pas ses prêts de conditionnalités contraignantes. « En cela, elle différerait du FMI, qui exige des réformes structurelles et une ingérence politique intolérable en échange de son aide », a expliqué Anton Silouanov, le ministre des finances russe. Une option qui pourrait séduire nombre de pays émergents qui, comme l'Argentine, estiment que les conditionnalités du FMI ont causé de sérieux dommages à leurs économies.

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SE PROTÉGER EN CAS DE NOUVELLE TEMPÊTE

Les BRICS ont également signé un « accord-cadre » instaurant une réserve de change commune. Doté de 100 milliards de dollars, dont 41 milliards versés par la Chine, 18 milliards par l'Inde, le Brésil et la Russie, et 5 milliards par l'Afrique du Sud, ce fonds pourrait être opérationnel dès 2015.

Objectif : permettre à ses membres de se protéger en cas de nouvelle tempête sur leurs devises, comme celle déclenchée mi-2013 après l'annonce du changement de cap de la politique monétaire américaine. Les BRICS avaient alors dû affronter de violentes sorties de capitaux. « Ce fonds est un outil très puissant pour prévenir de nouvelles difficultés économiques », a salué le président russe, Vladimir Poutine. Son homologue chinois, Xi Jinping, a quant à lui évoqué une « association solide », réaffirmant la nécessité « d'augmenter la représentativité et la voix des pays en développement ».

Certains experts doutent néanmoins que 100 milliards de dollars suffisent à contrer de telles attaques. « L'efficacité du fonds serait préventive et symbolique : c'est déjà beaucoup », juge M. Zlotowski.

La création de ces deux institutions, destinées à faire contrepoids aux organisations de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale), est un objectif de longue date des BRICS. Non seulement ces derniers s'estiment sous-représentés au sein de ces instances, notamment au regard du poids qu'ils ont pris dans l'économie mondiale, mais en plus, la réforme du FMI, censée leur donner plus de poids, est bloquée au Congrès américain depuis des mois.

MANQUE DE CIMENT

Déjà évoqué en mars 2013 au sommet de Durban, en Afrique du Sud, le lancement du fonds de réserve et de la banque des BRICS achoppait jusqu'ici sur plusieurs différends entre les membres, à propos du financement et de la structure de direction. Ils sont désormais résolus.

L'objectif sera-t-il pour autant atteint ? Les économistes balancent entre optimisme et prudence. « Pour le juger, il faudra d'abord que ces deux institutions passent l'épreuve des faits », commente Jean-Pierre Lehmann, spécialiste de politique économique internationale à l'IMD, l'école de commerce de Lausanne.

Les inconnues sont nombreuses. Les pays aidés accepteront-ils de se mettre sous la tutelle officieuse de la Chine, qui sera le principal contributeur financier ? Comment se situera la banque de développement des BRICS face aux institutions similaires, notamment la nouvelle banque asiatique d'investissements en infrastructures que Pékin lance en parallèle ? La cohésion entre les pays membres sera-t-elle suffisante pour mener ces projets à bien ? « J'en doute : tous poursuivent des objectifs politiques et économiques très différents », assène M. Lehmann. Avant d'ajouter, non sans ironie : « Entre les BRICS, il a toujours manqué le ciment. »

LA POLITIQUE INVITÉE DU SOMMET DE FORTALEZA

L'activisme de la Russie en la matière relève en effet pour beaucoup de la réaction politique aux sanctions infligées par les puissances occidentales après l'annexion de la Crimée. « Pour elle, la banque de développement et le fonds doivent être des outils de lutte contre la domination du dollar, quand le Brésil ou l'Inde y voient l'opportunité de développer les infrastructures dont ils ont cruellement besoin », commente ainsi Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque.

La politique s'est d'ailleurs invitée au sommet de Fortaleza. Dans la déclaration finale, les pays émergents ont exprimé leur « profonde préoccupation » à propos de la crise ukrainienne, et ont lancé un appel pour un « dialogue mutuel » et la « désescalade du conflit ». Selon Mme Rousseff, ils ont aussi déploré le « manque de progrès concrets » au Moyen-Orient.

Après Fortaleza, les dirigeants des BRICS se sont rendus mercredi 15 juillet à Brasilia, la capitale du Brésil, pour des rencontres avec des chefs d'état sud-américains. Elles seront suivies jeudi d'un sommet entre la Chine et l'Amérique latine, signe de l'intérêt de Pékin, qui a consacré à cette région près de 20% de ses investissements l'an dernier.

Lire aussi (en édition abonnés) : Les BRICS sont-ils aussi unis qu’ils le prétendent ?

 

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