A Londres comme à New York, les cours du pétrole sont en chute libre. Mercredi à la clôture, le baril de WTI pour livraison en novembre a perdu 6 cents, à 81,78 dollars, sur le New York Mercantile Exchange, tombant à son plus bas niveau depuis le 28 juin 2012.
A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour la même échéance a terminé à 83,78 dollars sur l'Intercontinental Exchange, en baisse de 1,26 dollar. Il s'agit de son plus bas prix en clôture depuis novembre 2010. Aymeric de Villaret, expert pétrolier indépendant, ancien responsable sectoriel Energie à la Société Générale, analyse les raisons de cette baisse spectaculaire.
Les cours du pétrole dévissent depuis plusieurs semaines. Comment l’expliquez-vous ?
Les cours du pétrole ont été remarquablement stables depuis décembre 2010, évoluant dans une fourchette allant de 100 à 120 dollars. Cet été, ils ont connu une pointe de fièvre liée à à la situation en Irak et les avancées du groupe Daesh que l’on voyait aux portes de Bagdad. Depuis cette date, les cours ont entamé une longue descente. Cette baisse résulte d’une combinaison de facteurs. Les premiers tiennent à l’offre. La situation en Irak est moins préoccupante, la Libye recommence à produire, la production russe n’est pas affectée par la crise ukrainienne et l’offre américaine d’huile de schiste monte en puissance. Face à cette offre abondante, la demande elle n’est pas au rendez-vous car l’économie mondiale n’est pas florissante : l’Europe patine et la vigueur du dynamisme chinois suscite des interrogations.
Par le passé les pays de l'OPEP, principalement l'Arabie Saoudite, ont démontré leur capacité à moduler leur offre pour réguler le marché, d’autant que pour nombre d’entre eux ils ont construit leurs budgets sur la base d’un prix du baril à 100 dollars. Cela ne semble pas le cas aujourd’hui. Pourquoi ?
Les signaux envoyés par l’Opep ne sont pas unanimes. certains pays plaident pour une baisse de la production, c’est le cas par exemple du Venezuela, d’autres ne paraissent guère enclins à refermer les vannes. Et c’est notamment le cas de l’Arabie Saoudite, membre le plus influent de l’Opep. En septembre, Ryad a même augmenté sa production et réduit les prix pratiqués vis-à-vis de ses clients en Asie. L’Arabie Saoudite détient les clés du jeu…
Justement à quoi joue l’Arabie Saoudite ?
Il y a plusieurs hypothèses. L’Arabie Saoudite, confrontée à la montée en puissance de la production américaine qui était l’un de ses principaux clients, ne veut plus perdre de parts de marché et donc joue sur les volumes. Elle serait donc engagée dans un bras de fer avec les États-Unis : avec un prix du baril sous pression la rentabilité des sites de production américains d’huile de schiste est dégradée car les coûts d’exploitation y sont beaucoup plus élevés que pour le pétrole conventionnel. Nombre de projets d’investissements ne verront pas le jour si le prix de vente du baril n'est pas à la hauteur des coûts de production. Une deuxième hypothèse, contraire à celle du bras de fer, serait celle d’une alliance entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite. Pour des raisons géopolitiques, ils joueraient la carte de la baisse du prix du pétrole pour nuire à la Russie et à l’Iran.
Ce mouvement à la baisse peut-il se poursuivre ?
En la matière il est difficile de faire des prédictions. Cette situation gêne beaucoup de pays producteurs. Fin novembre, l’Opep doit tenir une réunion importante. mais si l’Arabie Saoudite campe sur ses positions, il est certains que les marchés vont tester pour voir jusqu’où peut aller cette chute des prix.
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