CHRONIQUE. Depuis qu’en 2002, date de la création de l’UMP, François Bayrou est entré en dissidence, il imagine volontiers ne devoir qu’à lui-même le destin qu’il s’est forgé. Libre, mais au prix d’une grande solitude, il a gardé des habitudes de vieux garçon reclus et ronchon dans sa tanière et un orgueil incommensurable.
C’est ce que d’aucuns appellent « le melon de Bayrou ». Il ne croit qu’en son étoile, qui l’a maintenu politiquement en vie quand, autour de lui, ses amis s’éloignaient et que son parti se réduisait comme peau de chagrin. Devenu garde des sceaux en récompense de son soutien déterminant à Emmanuel Macron – vingt ans après avoir quitté le gouvernement d’Alain Juppé –, il passe désormais pour un visionnaire après avoir représenté longtemps un sympathique loser.
Pourtant, ses quarante ans de carrière, ses manières abruptes, son goût pour la tactique, auraient dû symboliser le monde ancien englouti le 7 mai à 20 heures tapantes. C’est tout le contraire qui s’est produit, comme si le président du MoDem, ministre et parlementaire chenu, miraculé du « dégagisme », avait été galvanisé par sa traversée du désert. Le mot n’est pas neutre. En chimie, la galvanisation consiste à recouvrir l’acier d’une fine couche de zinc afin de le protéger contre la corrosion.
Calcul
C’est sans doute à cette aune qu’il faut apprécier la séquence entre le premier ministre Edouard Philippe et l’ancien maire de Pau, chacun dans son rôle. Le premier lui rappelle, un peu tardivement, qu’il est ministre comme les autres, et qu’à ce titre, il ne peut appeler une rédaction pour se plaindre du traitement de l’affaire des attachés parlementaires du Modem ; le second maintient que sa « liberté de parole » lui est aussi indispensable que l’air de son Bordères (Pyrénées Atlantiques) natal.
Dans son esprit, il est bien plus qu’un ministre de la justice porteur de « la loi sur la confiance dans la vie démocratique », donc tenu à une obligation de réserve et d’exemplarité ; il est celui qui a fait le sacrifice de son ambition pour aider celle d’un autre à se réaliser. Il ne se prend peut-être pas pour de la gnognotte, mais il n’est pas sorti, lui, de la cuisse de Jupiter comme le reste du gouvernement.
Cette singularité entre pour beaucoup dans la relation que le bouillant Béarnais entretient avec le froid Macron. Il est possible que s’y mêle un peu de calcul. La mise en scène du différend entre le premier ministre et le garde des sceaux a eu pour effet de relativiser le risque des pleins pouvoirs dont jouirait le président de la République après le second tour des législatives qui s’annonce triomphal pour La République en marche.
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