L'encadrement des loyers, mesure phare de la loi ALUR sur le logement, qui entrera en vigueur le 1er août à Paris, voit son décret d'application publié vendredi 12 juin. Né dans la douleur, ce dispositif est limité pour l'heure à la capitale, alors qu'il devait à l'origine concerner 28 zones « tendues ». Il est très contestée par les professionnels de l'immobilier.
Ces derniers ont fait remonter de nombreux problèmes engendrés par ces mesures, qui compliquent la construction par plusieurs aspects. Le nombre de logements en construction a diminué de plus de 15 % entre juin 2013 et juin 2014, selon le ministère de l'écologie. Et le nombre de logements autorisés – les permis signés – n'est pas non plus en hausse, ne présageant pas une reprise de la construction.
Dans son observatoire de l'immobilier, la Fédération des professionnels de l'immobilier (FPI) réclame la « suppression des rigidités et des entraves diverses à la construction, y compris celles instaurées par la loi ALUR ». Mais ces mauvais chiffres dans la construction ont commencé avant la mise en application de la loi.
« L'encadrement des loyers est un engagement de campagne », rappelait Cécile Duflot au Monde. Un décret en ce sens avait d'ailleurs été pris dès l'été 2012 pour les agglomérations en tension en matière de logement, en attendant la loi ALUR. L'ancienne ministre ajoutait que le problème était « le prix de l'immobilier, très élevé par rapport aux revenus des habitants ».
C'est également le sens de l'argumentaire d'Ingrid Nappi-Choulet, chercheuse à l'Essec. Se basant sur une enquête européenne du cabinet Deloitte, elle pointe le fait que la France figure parmi les pays où l'immobilier coûte le plus cher. C'est également l'un des pays où le pouvoir d'achat est le plus faible.
Dans le même argumentaire, la chercheuse relativise également les arguments des fédérations professionnelles, puisque le cabinet Deloitte montre que l'immobilier français reste parmi les plus dynamiques d'Europe.
Un bon rapport coût-bénéfice pour l'Etat ?
François Hollande l'avait promis pendant sa campagne, il « agira pour que soient construits au cours du quinquennat 2,5 millions de logements ». Pour ce faire, Cécile Duflot, alors ministre du logement, annonçait en 2012 un « plan pluriannuel en faveur de la production de logements » pour atteindre un rythme de construction de 500 000 logements neufs par an.
Au 1er janvier 2013, pour succéder au dispositif « Scellier », est mis en place un nouveau dispositif, dit « Duflot », pour encourager la construction. Il s'agit d'un crédit d'impôt accordé aux investisseurs, c'est-à-dire les personnes construisant des logements neufs dans l'optique de les louer. Cette subvention ne concerne pas tous les logements neufs, mais est ciblée en fonction de deux critères principaux :
- Elle concerne les zones où la demande en logement est forte
- Le propriétaire doit louer le logement pendant au moins neuf ans.
La part des investisseurs locatifs dans les ventes de logements neufs s'établit entre 40 % et 60 % depuis 1995. En 2011, 70 000 logements ont été construits à l'aide du dispositif Scellier. C'est l'objectif que l'on aurait dû atteindre en investissement locatif pour construire 500 000 logements par an sous le quinquennat Hollande, selon Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment, cité par Mediapart. Il n'a pas dépassé 40 000 en 2013, alors que sa rentabilité est comparable ou supérieure au dispositif « Scellier ».
Un échec que certains associent à l'image de l'ancienne ministre. « Le nom ou l'image du ministre associé à un dispositif fiscal ne devraient pas avoir d'impact sur la perception du dispositif. Mais, force est de constater qu'on peut observer ce phénomène pour le “Duflot” », déclarait en 2013 Daniel Znaty, directeur immobilier de l'Union financière de France (UFF). A l'époque, une étude de l'IFOP pour la banque UFF estimait que 68 % des potentiels investisseurs connaissaient mal le dispositif « Duflot ».
Et ces avantages fiscaux coûtent cher. Le dispositif Scellier, éteint depuis la fin 2012, pèsera jusqu'en 2027 sur le budget de l'Etat. L'ensemble des dispositifs locatifs coûtent 1,6 milliard par an depuis 2013, dont 930 millions pour le seul dispositif « Scellier », selon un article de trois économistes de l'OFCE publié en 2013.
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