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La définition controversée du proxénétisme, au cœur de l'affaire du Carlton

Quatorze personnes, dont Dominique Strauss-Kahn, étaient jugées pour proxénétisme. Un délit aux contours peu précis.

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Publié le 02 février 2015 à 12h38, modifié le 12 juin 2015 à 09h36

Temps de Lecture 3 min.

Le parquet avait requis la relaxe de Dominique Strauss-Kahn dans l'affaire du Carlton.

C'est la fin du procès du Carlton. L'affaire, qui implique notamment Dominique Strauss-Kahn, connaîtra sa conclusion vendredi 12 juin avec le rendu du jugement par le tribunal de Lille. Accusé de proxénétisme, l'ancien directeur du Fonds monétaire international et figure du Parti socialiste risque gros : le proxénétisme aggravé en réunion est puni jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende quand il est commis à l'égard de plusieurs personnes ; sept ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende quand il n'y en a qu'une seule.

Mais encore faut-il établir s'il s'agissait bien de proxénétisme, un délit aux contours peu précis.

Prostituées ou libertines ?

Selon la loi, alors même que la prostitution n'est pas interdite en France, le proxénétisme est un délit qui suppose que l'intéressé a conscience que les femmes dont il profite des services ou favorise l'activité se prostituent.

L'article 225-5 du code pénal définit le proxénétisme ainsi :

« Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit : 1° D'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ; 2° De tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution ; 3° D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire. »

DSK a-t-il « aidé », « assisté », « protégé », « tiré profit » de la prostitution d'autrui ? L'enquête a révélé l'existence de dix-sept soirées, dont trois séjours à Washington et New York, pour un coût total, supporté par ses amis, de l'ordre de 100 000 euros. Pour les juges d'instruction, celui qu'ils appellent « le roi de la fête », « ne pouvait ignorer la qualité de prostituées des filles ».

Problème, DSK jure qu'il ignorait que les sept femmes avec lesquelles il a eu des relations entre le 29 mars 2008 et le 4 octobre 2011 faisaient commerce de leur corps. Un démenti couvert par les autres prévenus.

« Abattage », « boucherie »

En outre, ce démenti ne semblait pas très cohérent avec les déclarations des jeunes femmes : ses besoins et pratiques sexuelles « hors norme » détaillés dans les dépositions des jeunes femmes – « abattage », « boucherie », disaient-elles – occupent d'ailleurs les deux tiers de l'ordonnance des juges (la décision qui a mis fin à l'instruction, l'affaire étant prête à être jugée).

Ces derniers voient en DSK « le pivot central et le principal bénéficiaire, parfois exclusif, des rencontres sexuelles », même s'il ne « payait pas ». Le fait de payer n'entre pas obligatoirement dans la définiton du proxénétisme, comme le rappelle le professeur de droit d'Assas, Didier Rebut :

Dans leur ordonnance, les juges accordent une importance particulière aux scènes de sodomie décrites pour fonder leur conviction que DSK ne pouvait ignorer qu'il avait affaire à des prostituées :

« Indépendamment de tout jugement de valeur morale sur ce type de pratique sexuelle qui, lorsqu'elle est consentie librement, n'intéresse pas le droit pénal, force est de constater que ce type de pénétration sexuelle est même parfois refusé par des prostituées. Un tel comportement pouvait donc a fortiori nécessiter de recourir à des professionnelles rémunérées. » 

Une définition dépassée ?

Ces considérations ont été au centre du procès. Pour Hubert Delarue, avocat de René Kojfer, l'entremetteur présumé qui se chargeait de trouver des filles pour les soirées, interrogé par France Info, l'article du code pénal qui définit le proxénétisme n'est plus adapté à notre société :

« Aujourd'hui, on essaie de faire rentrer cette affaire au forceps dans un article du code pénal qui a terriblement vieilli et qui ne correspond plus à l'état des mœurs. C'est un article qui a presque 25 ans d'âge et, en vingt-cinq ans, notre société a terriblement évolué. »

Mais comment expliquer qu'« il y avait parfois huit femmes pour lui, si c'était une soirée échangiste », demandent les deux escort girls qui se sont constituées parties civiles, ainsi que l'association Equipes d'action contre le proxénétisme.

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