Les frondeurs ne sont pas seulement à l’Assemblée nationale, ils sont aussi sur les bancs des 101 conseils généraux de France. Agacé, Claudy Lebreton, président socialiste des Côtes-d’Armor et président de l’Assemblée des départements de France (ADF) a solennellement averti le gouvernement, mardi 7 octobre : « Nous sommes en profond désaccord avec François Hollande et Manuel Valls sur la réforme territoriale. » L’acte trois de la décentralisation promis par François Hollande candidat, n’est plus qu’une « loi de simplification dont l’objectif est seulement de faire des économies. Loin de l’esprit originel de la loi de 1982 », juge l’élu socialiste.
Les conseils généraux sont en effet les perdants des arbitrages du gouvernement dans sa volonté d’allégement du millefeuille territorial. L’objectif de Matignon : renforcer les régions et l’intercommunalité et se débarrasser d’un département bicentenaire. Après deux années d’atermoiement de l’exécutif dans la rédaction d’un projet de réforme territoriale, François Hollande déclarait le 6 mai : « Les conseils généraux ont vécu », précisant même : « Il n’y a plus de temps à perdre. »
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Une guérilla parlementaire, c’est ce que promettent, à mi-mots, les conseillers généraux au gouvernement. Alors que la gauche à perdu la majorité au Sénat et qu’elle se fragilise à l’Assemblée nationale, les élus des départements pèsent au sein des deux assemblées. Les conseillers généraux comptent parmi eux 115 sénateurs, auxquels s’ajoutent 105 députés (dont 51 socialistes). Une force parlementaire qui pourrait faire échec au projet du gouvernement et sauver, même provisoirement, l’existence de leur collectivité au-delà du quinquennat de François Hollande.
Repousser l’adoption de la réforme territoriale
Le projet de loi nouvelle organisation territoriale de la République (NOTR) prévoit une première étape de l’enterrement des conseils généraux : le transfert de leurs compétences à d’autres collectivités et l’étude « des modalités de la suppression des conseils départementaux à l’horizon 2020 ».
Pour repousser cette échéance, les présidents de conseils généraux exigent un décalage de l’examen du projet de loi par le Sénat de « quelques mois ». Les élections départementales sont programmées pour mars 2015 et « il serait incompréhensible et antirépublicain que s’engage la campagne… alors que les compétences des conseils généraux seront encore en discussion », estiment-ils. Un report de l’examen du projet au printemps 2015, repousserait son adoption à 2016, à moins d’un an de la présidentielle de 2017.
Il faut gagner du temps donc. Dans un entretien accordé au Monde, le président de la République déclarait, le 20 août : « Un délai de cinq ans a été laissé pour imaginer des solutions adaptées aux départements ruraux. » Un laps de temps « utile pour préparer l’avenir des territoires », assurent les présidents de conseils généraux dans une motion commune.
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Un recul de l’exécutif qui assure une mandature supplémentaire aux 101 assemblées départementales. D’ici à 2020, « nous n’allons pas nous faire des nœuds dans la tête », déclare Claudy Lebreton. « Qui sera le président de la République en 2017 ? Si c’est Valls, nous pouvons imaginer qu’il ira jusqu’au bout. » Quant au programme de l’opposition en cas d’alternance à la présidence de la République « la droite prônait, avant 2012, la fusion de la région et du département ». « Pourquoi elle n’y serait pas encore favorable ? », interroge le président des Côtes-d’Armor.
Proposition d’une alternative
La pérennité des élus départementaux pourrait donc dépendre d’une victoire de la droite lors des prochains scrutins, or, « quand le président de la République est à 20 % d’opinions favorables, je ne vois pas comment la gauche peut gagner une élection », tacle encore l’élu socialiste.
Soucieux de ne pas être taxés de conservatisme, les présidents de conseils généraux proposent une alternative au projet du gouvernement : une intégration des 13 388 syndicats intercommunaux et départementaux (en charge de la gestion de l’eau, l’assainissement, l’électricité, etc., le plus souvent à l’échelle intercommunale), qui représentent « 16,5 milliards d’euros de dépenses » selon l’ADF. « Repensons leurs compétences, supprimons-les, en les intégrant dans les administrations intercommunales ou départementales », propose Claudy Lebreton. Selon lui, cela permettrait « au moins 3 à 4,5 milliards d’économies ».
La bronca des présidents de conseils généraux, de droite comme de gauche, devrait être exposée de vive voix par les élus locaux à Manuel Valls. En effet, l’ADF tiendra son congrès annuel les 6 et 7 novembre à Pau et a reçu « l’assurance de la venue du premier ministre pour la clôture des travaux ».
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