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Coup de tonnerre sur l’aide sociale en Essonne

Le président LR du département a annoncé que sa collectivité ne peut pas régler ses dettes.

Par  et

Publié le 12 janvier 2016 à 23h25, modifié le 13 janvier 2016 à 10h58

Temps de Lecture 4 min.

François Durovray, président du Conseil Départemental d'Essonne, à Evry le 31 mars 2015.

Est-ce le signe d’une détresse financière ou le résultat d’un coup politique ? Le département de l’Essonne assure être dans l’impossibilité de procéder au paiement de l’aide sociale légale pour une partie de l’année 2015. Dans un courrier, adressé fin décembre aux associations de protection de l’enfance et aux établissements médico-sociaux pour les personnes âgées ou les adultes handicapés, François Durovray (LR), le président du conseil départemental, annonce que sa collectivité ne sera pas en mesure de régler ses factures et propose d’étaler les versements sur les six prochaines années, avec les intérêts. D’après les informations du Monde, ces coupes concerneraient également le secteur des services à domicile, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap.

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« C’est totalement ubuesque et inédit en France, on touche aux publics les plus fragiles », s’insurge Guillaume Quercy, directeur en Ile-de-France de l’Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uriopss), qui regroupe les principales associations du secteur. « C’est une dépense obligatoire, il doit la payer », rappelle-t-il. Plusieurs établissements et associations ne disposant d’aucune trésorerie pourraient se retrouver en situation très précaire en cas de report des paiements.

Selon M. Durovray, qui a enlevé l’Essonne à la gauche en mars 2015, la situation financière laissée par ses prédécesseurs, avec une dette d’un milliard d’euros et une affaire d’emprunt toxique au niveau du service départemental d’incendie et de secours, ne permet pas de régler ces factures. Il se refuse en outre à augmenter les impôts, ayant fait de leur stabilité l’un des axes majeurs de sa campagne, ou à faire d’autres économies. Un audit indépendant, réalisé par le cabinet Michel Klopfer en septembre 2015, aurait par ailleurs révélé « une dette cachée, non recensée dans les comptes, de 108 millions d’euros de factures impayées vis-à-vis de quelque 600 établissements ». C’est cette créance que le département se propose de rééchelonner. « C’est un déficit caché interdit pour les collectivités locales : mon prédécesseur faisait de la cavalerie », accuse-t-il.

« Une stratégie de gestion »

Pour appuyer son propos, le président du conseil départemental brandit la menace de « la mise sous tutelle » et assure dans son courrier aux associations que la « solution » du report du remboursement « vient d’être validée, dans son principe, par la chambre régionale des comptes et par le contrôle de légalité », exercé par la préfecture. Une façon de dissuader d’éventuels recours pour obtenir le versement de ces aides qui est en principe obligatoire.

Mais la version est un peu différente du côté de ces institutions. « Le contrôle de sincérité que nous devons effectuer n’a décelé aucune anomalie majeure dans le phénomène de report de charge, explique au Monde le préfet de l’Essonne, Bernard Schmeltz. A partir des éléments, je ne suis donc pas du tout en mesure de confirmer le diagnostic fait par l’audit ni de l’infirmer d’ailleurs. » Le haut fonctionnaire s’était contenté d’indiquer, lors d’une discussion informelle, que le rééchelonnement de la dette ne soulevait pas nécessairement un problème de légalité.

Même son de cloche à la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France où on s’étonne d’être utilisé comme caution par le conseil départemental, alors qu’aucun examen sur pièces de la gestion de la collectivité n’a été demandé par cette dernière. Une rencontre a été organisée en décembre pour tenter de démêler le problème. Le président de la chambre régionale des comptes, Gérard Terrien, explique qu’« aucun des organismes représentant l’Etat n’a indiqué disposer, au moment de la réunion, et en l’absence d’audit approfondi qu’ils auraient pu eux-mêmes réaliser, d’éléments suffisants pour confirmer l’existence ou non de non-rattachements de charges au budget du département pour un montant de 110 millions d’euros ».

Le magistrat n’a pas davantage donné son assentiment à un rééchelonnement des paiements :

« Lors de cette réunion, pas plus que dans le courrier joint, la chambre régionale des comptes d’Ile-de-France n’a validé dans son principe la mise en place d’un protocole étalant sur six ans les sommes dues par le conseil départemental à certains de ses créanciers. »

Pour lui, cette décision qui relève de la « stratégie de gestion » est une prérogative du conseil départemental.

Un règlement de compte

Directement mis en cause par son successeur, Jérôme Guedj, l’ancien patron PS du conseil général, assure de son côté que cette « dette cachée » envers les établissements à caractère social n’existe pas, et qu’il ne s’agit que de classiques décalages de trésorerie de fin d’année. Pourtant, plusieurs associations ont des factures impayées importantes, même si les chiffres brandis par le conseil départemental semblent parfois surévalués. Attaqué sur sa gestion du département, dont la dette a quintuplé entre 1998 et 2015, M. Guedj assure que les finances sont saines. « C’est de l’enfumage généralisé, quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage », rétorque-t-il. Selon lui, François Durovray fait « un choix politique » en reportant le paiement de l’aide sociale légale :

« En juin, il a fait voter 22 millions d’euros supplémentaires pour l’aide aux communes, il faut financer cette décision. »

Tous les connaisseurs du dossier s’accordent à y voir, sur les terres de Manuel Valls, un jeu politique entre la nouvelle majorité de droite et l’ancienne de gauche. M. Quercy, le patron de l’Uriopss, qui a saisi le préfet dans un courrier, mardi 12 janvier, fulmine : « Tout ça n’est qu’une histoire de règlement de comptes et c’est l’aide sociale qui est prise en otage. »

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