Yves Trévilly est lobbyiste ; le mot ne le gêne pas. Son métier consiste à promouvoir le tabac de façon détournée. Le directeur des relations institutionnelles de British American Tobacco (BAT) fournit en argumentaires les syndicats de buralistes qui courent les plateaux de télévision aussi bien que les députés et les ministres. Et il a beaucoup à faire, d'autant que le prix des cigarettes enregistrera une nouvelle augmentation de plus de 6 % au 1er octobre et que le gouvernement envisage de rendre les emballages neutres. "Je partage de l'information avec des personnes intéressées", explique cet homme de 48 ans qui déroule son plaidoyer avec le sens de la formule et le bon mot facile des gens habitués à séduire.
Les couloirs de l'Assemblée et les salons dorés des ministères sont un peu son jardin. Avant de travailler pour BAT, il a oeuvré pendant seize ans comme assistant parlementaire, puis comme chef de cabinet de Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique. Passé du côté obscur en 2005 après un dîner du Club des parlementaires amateurs de havanes – lieu de rencontre entre politiques et lobby du tabac – il assure que son job le "fait marrer". "J'ai même reçu des propositions de ministres du gouvernement Fillon pour devenir leur conseiller", dit-il. Difficile de tourner le dos à un homme qui fournit en nicotine 14 millions d'électeurs potentiels et rapporte à l'Etat 15 milliards d'euros par an.
CAUTION PARLEMENTAIRE
Yves Trévilly a aussi des ennemis : les associations de lutte antitabac. Selon le professeur de santé publique à la faculté de médecine d'Amiens, Gérard Dubois, "son rôle est de livrer aux buralistes des arguments faux, formatés pour les sujets des JT. Cette industrie méprise la vie humaine". Lapidaire, l'intéressé répond qu'il n'éprouve "aucun respect pour ces associations qui bouffent à tous les râteliers et sont financées par les laboratoires pharmaceutiques". "Je travaille de façon plus honnête qu'elles", assure-t-il. Ce brun aux lunettes carrées préfère la caution parlementaire à celle des scientifiques.
Il fait son miel avec le rapport du député UMP Thierry Lazaro publié en octobre 2011 sur les risques de développement de la contrebande aux frontières imputable à l'augmentation des taxes sur le tabac et le manque à gagner pour les finances publiques qui en résulterait. Le député Lazaro est lui aussi membre du Club des parlementaires amateurs de havanes... Bon père de famille, Yves Trévilly a milité contre la commercialisation des cigarettes aux moins de 19 ans. Il ne fume qu'occasionnellement. "Contrairement à ce qu'on dit, la cigarette ne rend pas forcément dépendant", affirme-t-il dans un énième sophisme.
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