L’abaissement de 90 à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur le réseau secondaire sera expérimenté en 2015 sur un nombre limité de routes. Le ministère de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, l’a confirmé, mercredi 3 décembre, à des membres du Conseil national de la sécurité routière (CNSR), à la veille d’une réunion de cette instance consultative prévue lundi 8 décembre.
L’exécutif hésite depuis des mois à mettre en oeuvre cette mesure, explosive car très impopulaire, qui permettrait selon des experts d'épargner « de l'ordre de 350 à 400 vies par an ». Mais la hausse récente de la mortalité sur les routes a accru la pression.
Officiellement, la septième séance plénière du CNSR, lundi, ne portera pas sur la mortalité de l'année 2014, les chiffres définitifs ne devant être connus qu'au début du mois de janvier 2015. Mais ils seront dans toutes les têtes, car « chacun sait qu'ils seront mauvais », assure Armand Jung, le président de cette assemblée consultative, et député (PS) du Bas-Rhin.
Hausse de la mortalité routière en 2014
Pour la première fois depuis douze ans, la tendance à la baisse va s'inverser. Au 18 novembre, on dénombrait en effet 2 815 morts, soit déjà 112 de plus que sur les dix premiers mois de l'année 2013. Après des années de baisse continue, l’année 2014 devrait donc marquer une hausse de la mortalité routière, même si le bilan reste meilleur que celui de 2012 et des années précédentes.
Seule ou presque, l'association 40 Millions d'automobilistes tente une lecture optimiste de ce bilan : « On va connaître la deuxième meilleure année de l'histoire des statistiques routières, après 2013 », affirme Pierre Chasseray, son délégué général, qui craint que de mauvais chiffres ne « servent de prétexte pour renforcer la répression ».
Les membres du bureau du CNSR ont donc rencontré le ministre de l'intérieur, Bernard Cazeneuve, mercredi 3 décembre, pour évoquer ces mauvais résultats. « Le ministre en est conscient, et il annoncera une batterie de mesures au mois de janvier 2015 », indique M. Jung. Il devrait notamment expliquer la manière dont sera conduite l'expérimentation de la baisse de la vitesse sur les routes bidirectionnelles sans séparateur médian, dont il avait approuvé le principe le 16 juin.
Lors de cette réunion avec le ministre, Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière, et le docteur Philippe Lauwick, président de la commission « alcool, stupéfiants vitesse » du CNSR, ont à nouveau déploré que le gouvernement n'ait pas suivi l'avis du CNSR, qui préconisait une baisse généralisée de la vitesse sur l’ensemble de ce réseau.
Mesures pour les cyclistes
Lundi, loin de ces sujets polémiques, le CNSR devrait se focaliser sur les mesures à prendre pour les cyclistes. Il recommandera le port du casque, sans toutefois l'exiger, les études montrant qu'il protège des traumatismes crâniens, mais qu'il dissuade les cyclistes de prendre leur vélo. Il recommandera une expérimentation de la minoration de leurs amendes, comme c'est déjà le cas à Strasbourg, ainsi qu'un partage de certains espaces restreints avec les piétons.
M.Lauwick estime que se préoccuper de tels sujets, censés permettre de gagner des vies à long terme, c'est comme « c'est comme si, en face d'une victime d'infarctus, on soignait d'abord sa verrue ». Comme Mme Perrichon, il demande désormais ouvertement « à quoi sert le CNSR ». M. Jung adressera donc au ministre une synthèse des recommandations qu'il a faites depuis deux ans, et l'interrogera sur leur suivi. Il évoquera notamment le développement des éthylotests anti-démarrage, recommandé le 29 novembre 2013. L'autorité judiciaire peut théoriquement conditionner le droit à la conduite à l'installation de ces systèmes sur les véhicules. Mais en pratique, elle ne le fait pas, faute d'installations agréées dans le ressort de chaque juridiction.
Le manque de suivi des recommandations du CNSR est en partie imputable à l'éclatement de la politique de la sécurité routière entre différents ministères. Cet éclatement a été dénoncé au mois de juillet dans un rapport, resté confidentiel, de l'inspection générale de l'administration, rédigé sous la direction de Marianne Bondaz. « Le dispositif est dispersé entre de très nombreux acteurs », écrit-elle. « Lorsque le pilotage ne se situe pas au plus haut niveau de l'Etat, la responsabilité est diluée et la délégation à la sécurité et à la circulation routières peine à imposer ses priorités ». Elle déplore l'absence de comité interministériel « depuis trois ans ». Elle estime qu'il en faut « au moins une fois par an ».
La France derrière ses voisins européens
Ce rapport sur l'évaluation de la politique de sécurité routière indique qu'« au regard des résultats de nos voisins, des progrès (en termes de mortalité routière) sont encore possibles, la France se situant derrière le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Allemagne ou la Suisse ». D'ailleurs, les statistiques ne permettent pas de comptabiliser correctement le nombre des blessés graves, souligne-t-il.
Il propose des « pistes d'optimisation » en matière de « constatation des infractions » comme la vérification que les véhicules flashés par les radars sont bien assurés (possible en connectant le système d'immatriculation et les fichiers des assurances). Il préconise aussi plus de verbalisations à la volée ou par vidéo.
Il ajoute que « l'acceptabilité de la politique de sécurité routière doit s'accompagner d'une information claire et argumentée corrigeant les informations erronées répandues notamment via Internet ». Parmi ces idées communément colportées, celle que « les radars seraient la pompe à fric de l'Etat ». Or les recettes du contrôle sanction automatisé (0,8 milliard d'euros) sont très inférieures au coût de la politique de sécurité routière (8 milliards d'euros) et au coût de l'insécurité routière (20 milliards d'euros au minimum).
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