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Le chroniqueur Mehdi Meklat rattrapé par ses tweets haineux

Des propos homophobes, antisémites, misogynes et injurieux tenus sous pseudonyme par l’ex-chroniqueur du « Bondy Blog » ont été exhumés et largement repris.

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Publié le 21 février 2017 à 12h21, modifié le 22 février 2017 à 07h00

Temps de Lecture 4 min.

Mehdi Meklat à la Courneuve (Seine-Saint-Denis), en 2015.

L’affaire alimente la polémique depuis quatre jours. Durant le week-end, Medhi Meklat, 24 ans, ex-chroniqueur du Bondy Blog (site créé en 2005 lors des émeutes dans les banlieues) et de France Inter, a été rattrapé par son double virtuel, Marcelin Deschamps, qu’il avait pourtant enterré il y a quelques mois.

Sur Twitter, le jeune homme avait repris son identité réelle, mais sans effacer les « propos ignobles » de son « personnage de fiction maléfique », « à l’opposé de ce que je suis », comme il l’explique dans une lettre d’excuses publiée sur Facebook, lundi 20 février.

« Faites entrer Hitler pour tuer les juifs » (24 février 2012) ; « Je crache des glaires sur la sale gueule de Charb et tous ceux de Charlie Hebdo » (30 décembre 2012) ; « Vive les PD Vive le Sida avec Hollande » (3 décembre 2013)…

Pendant près de cinq ans, sous son pseudonyme – qu’il avait dévoilé –, Mehdi Meklat a multiplié les messages homophobes, antisémites, misogynes, injurieux à l’égard de certaines personnalités ou faisant l’apologie du terrorisme. Sans jamais en répondre sérieusement. Jusqu’à son passage dans l’émission La Grande Librairie sur France 5, jeudi 16 février, où il faisait la promotion, avec son compère Badroudine Saïd Abdallah, dit Badrou, de leur second livre, Minute, aux éditions du Seuil.

Mehdi et Badrou, devenus des stars médiatiques

Au fil des ans, Mehdi et Badrou, surnommés « les Kids » à la radio, étaient devenus de véritables stars médiatiques (à l’honneur dans Libération, Télérama, Le Monde, Arte…) et culturelles (deux webséries pour la Fondation Cartier).

Le 1er février, le duo posait avec l’ancienne ministre de la justice Christiane Taubira en « une » des Inrockuptibles, qui le présentait comme le « porte-voix de la jeunesse des quartiers populaires », « à l’avant-garde d’une nouvelle génération venue de banlieue ». Mais la surexposition médiatique a ses revers.

@ADPCharb, « Féministe, athée, République laïque sociale, opposée à tous les extrémistes et intégristes (droite, gauche, religieux…) – Gauche républicaine » comme l’indique son compte Twitter, avait déjà tenté d’alerter les médias et les internautes sur la double vie de Mehdi Meklat, à cinq reprises depuis début 2016. En vain.

Lorsque cette enseignante de 46 ans, qui souhaite garder l’anonymat, le voit apparaître à l’écran, ce soir-là, elle lance, une nouvelle fois, plusieurs torpilles sur le site de microblogging. La troisième, détaillant quelques-uns des tweets nauséabonds de feu Marcelin Deschamps, déclenche l’avalanche.

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Dans les heures qui suivent, @TheCaroCaro45 dévoile un éventail plus complet, classé par « cibles » : « les homos », « les juifs », « Charlie », « les transsexuels », « les Français », « les lesbiennes », « les femmes ». L’ensemble est d’une efficacité redoutable. « C’était insupportable de voir que ce mec horrible allait encore être invité partout pour la promo de son livre », explique la jeune femme, qui se dit « féministe, laïque, de gauche et sans appartenance à un quelconque mouvement militant ».

« Effet de sidération »

Le lendemain matin, samedi 18 février, le dessinateur, romancier et réalisateur Joann Sfar rentre dans l’arène : « Je découvre tout ça ce matin. Il semble que c’est authentique. Je trouve ça inexcusable quand on se veut représentant de la jeunesse. » Les réseaux sociaux s’emballent. « Dès que Joann Sfar m’a retweetée, ça a pris une autre dimension », raconte @TheCaroCaro45.

Dans la foulée, la chanteuse Keren Ann s’indigne et les représentants du Printemps républicain (collectif citoyen créé en mars 2016 par des personnalités majoritairement de gauche autour de la défense de la laïcité et du pacte républicain) embrayent. Ainsi que la ministre des familles, Laurence Rossignol.

« L’effet de sidération a été général, commente Gilles Clavreul, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), qui a découvert l’étendue des tweets ce week-end. Mehdi Meklat a bénéficié d’une indulgence incompréhensible. Si on laisse faire, alors l’extrême droite pourra tranquillement s’engouffrer dans la brèche. »

« Leçons de morale »

La fachosphère n’a d’ailleurs pas tardé à exploiter le filon, twittant tous azimuts contre les islamo-gauchistes, les médias bobo complaisants… Ce que @TheCaroCaro45 s’est empressée de dénoncer sur son compte Twitter : « Je ne cautionne pas les récupérations de @f_filippot du FN ». « Si on peut faire en sorte de ne pas être étranglé entre le Front national et le Bondy Blog, ça me va », dit-elle.

Au-delà de Mehdi Meklat, c’est le Bondy Blog qui est mis en cause. Et ses supporteurs. Que @ADPCharb décrit ainsi : « Tout ce milieu militant qui gravite autour du “racisme d’Etat” traitant de “fils de pute”, de “raciste” et d’“islamophobe” tous ceux qui osent émettre une critique sur l’islam. »

« Ils se livrent à de véritables jeux de massacre sur les réseaux sociaux », renchérit Gilles Clavreul. « Tous ces gens derrière Mehdi Meklat donnent des leçons de morale à tout le monde tout en se permettant de dire des choses d’une extrême violence, souligne le politologue Laurent Bouvet, à l’origine du Printemps républicain. Il ne doit pas y avoir d’impunité ! »

Dans la nuit de samedi à dimanche, Mehdi Meklat a supprimé plus de 40 000 tweets. Le présentateur de La Grande Librairie, François Busnel, a condamné ses propos, comme la maison d’édition du Seuil.

Le Bondy Blog s’est désolidarisé. Le directeur de la rédaction des Inrocks s’est fendu d’un édito. Christiane Taubira a réagi sur Facebook. Tandis que la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) a indiqué, dans un communiqué publié lundi, « saisir immédiatement la justice, en transmettant l’ensemble de ces contenus au procureur de la République de Paris ».

Polémique sur Twitter : Mehdi Meklat s’explique dans « Télérama »

Dans un entretien à Télérama, Mehdi Meklat est revenu mardi 21 février sur la polémique entourant le compte Twitter qu’il a alimenté pendant plusieurs années avec des propos souvent homophobes, misogynes et antisémites, sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps.

« Marcelin Deschamps, c’était une part d’ombre, un personnage honteux, horrible. En même temps, il était ma part de liberté », explique le jeune homme, écrivain et journaliste, insistant sur la dimension fictionnelle de ce double.

C’était un travail littéraire, artistique, on peut parler de travail sur l’horreur en fait. Plus il allait loin, moins il voulait s’arrêter. Il m’a dépassé.

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