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Quand les hausses d'impôt font exploser le travail au noir

Crédits photo: ARNAUD ROBIN/Le Figaro Magazine

FIGAROVOX/ANALYSE - La facture explose pour les impôts locaux en 2015. Jean-Yves Archer dénonce les méfaits d'une politique qui entraîne une croissance exponentielle de l'économie informelle.


Jean-Yves Archer est économiste. Il dirige le Cabinet Archer et anime le think tank de recherche économique Archer 58 Research. Il est diplômé de l'E.N.A, promotion de 1985, et est titulaire d'un doctorat en Economie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. En savoir plus sur son site.


Bien des Français avaient eu un doute lorsqu'ils avaient appris, il y a six mois, que l'État allait réduire de 3,7 milliards en 2015 et de 11 milliards (sur la période 2015-2017) les dotations aux collectivités locales.

De manière instinctive, la perspective de voir cet effort se traduire en pression fiscale locale accrue taraudait plus d'un esprit. Désormais, les faits sont devant la collectivité nationale. L'ascenseur social connait de sérieuses ratées pas l'ascenseur fiscal qui s'arrête à tous les étages. Tels ceux des grands magasins, la ponction est universelle.

L'ascenseur social connait de sérieuses ratées pas l'ascenseur fiscal qui s'arrête à tous les étages. Tels ceux des grands magasins, la ponction est universelle.

Certains chiffres sont impressionnants: sous prétexte d'alternance -comme à Toulouse- et dans la plupart des cas, il s'agira de hausses de la fiscalité locale située entre 5 à 10 points tandis que le pays est dans une phase d'inflation quasi-nulle. Et si le total de toutes ces augmentations locales dépassaient en valeur le montant de 3,7 milliards, ne serions-nous pas alors dans une politique stérile?

Parlant de stérilité, cette ponction locale fait suite à une hausse continue de l'impôt national depuis début 2012 qui a été sérieusement renforcée par la nouvelle majorité qui a sorti une massue fiscale face à une croissance chétive. Tout a déjà été démontré sur le caractère néfaste de cette politique économique pro-cyclique qui mériterait que le nom d'une impasse fût un jour donné en souvenir de l'action de Pierre Moscovici dont les certitudes économiques auront fait entrer notre pays dans une véritable ornière. N'est-ce-pas dans sa famille politique qu'un Premier ministre a accepté de reconnaître récemment que «l'impôt étouffe le pays»?

Tout a déjà été démontré sur le caractère néfaste de cette politique économique pro-cyclique qui mériterait que le nom d'une impasse fût un jour donné en souvenir de l'action de Pierre Moscovici.

Effectivement, la France de ces dernières années donne raison à Antony Downs qui écrivait dès 1957 (An economic theory of Democracy): «Les partis définissent des politiques pour gagner des élections plutôt qu'ils ne gagnent les élections pour définir des politiques». Sur le terrain municipal, la vague bleue et les élites roses vont devoir faire leurs preuves en matière de gestion publique alors que les besoins ne cessent de s'accroître. Refonte des réseaux et «utilities» ( eau, numérique, etc ), aide sociale, logement, sécurité et vidéosurveillance sont autant de sujets qui sont à l'ordre du jour des délibérations municipales.

Or, comme l'a indiqué l'empirique courbe de Laffer «trop d'impôt tue l'impôt» ce qui vise le tassement du rendement des divers impôts. Les stratégies de contournement des taxés répondent aux politiques désaxées. Ainsi, à chaque échelon de notre société s'est diffusé un esprit de rébellion et de préservation.

En date du 18 février, la Commission européenne a entamé une action contre l'évasion fiscale et contre ce que l'on nomme la planification fiscale agressive, autrement dit la quête effrénée d'optimisation fiscale que conduisent les grands groupes. A l'échelle de l'Union, le chiffre minimal de 1000 milliards de fraude fiscale est régulièrement évoqué.

L'économie formelle est en grand essor, c'est un fait. La Cour des comptes situe entre 20 à 25 milliards la fraude aux cotisations sociales.

Au plan national, l'économie informelle se développe et il n'est pas rare de rencontrer des travailleurs qui «bricolent», qui exécutent un travail non déclaré en complément de la perception de leurs indemnités de chômage voire de RSA. Les contrôles URSSAF dans la restauration et le bâtiment (pour ne citer que les secteurs en pointe) rapportent une augmentation du travail au noir. L'économie formelle est en grand essor, c'est un fait. La Cour des comptes situe entre 20 à 25 milliards la fraude aux cotisations sociales.

Au demeurant, un indicateur est pertinent pour qui veut approcher les contours diffus de cette économie informelle. Il est fourni par la Banque de France qui indique, dans une étude du 18 décembre 2013, que les émissions nettes de billets sont passées d'un total de 79,3 milliards en janvier 2011 à 99,1 en novembre 2013. Croissance de 20 milliards à comparer à la quasi-stabilité des émissions de pièces: de 2,67 à 2,95 milliards.

Pour un pays comme le nôtre, il faut garder en mémoire que 20 milliards cela correspond à 1 point de PIB. Oui, un point de PIB d'essor des espèces en ciruclation. Autrement dit, la croissance de ce volume de cash a une explication occulte bien davantage qu'une explication à visée technique. Pour payer l'artisan qui complète son chiffre d'affaires avec des paiements en espèces, pour éviter à l'auto-entrepreneur de dépasser son seuil d'imposition, etc, il faut du liquide et du non-déclaré.

Plus tard, avec le recul, il faudra tenter de croiser deux courbes: celle de la médiocre croissance des années 2012 et 2013 décrite par l'Insee et celle, en progression, de l'économie informelle qui ne se limite pas à quelques heures non déclarées d'un jeune professeur de musique. Le cash n'est plus en lisière de l'économie, il se parcourt en filières. La Direction des activités fiduciaires de la Banque de France précise d'ailleurs qu'il ne s'agit pas d'un réflexe «de thésaurisation» mais bien de la croissance de «coupures de transaction», autrement dit de ce qui circule. Or, une économie qui «réclame» plus de 20 milliards de liquidités est une économie qui masque probablement 3 à 4 fois cette somme car ces 20 milliards sont destinés à être échangés et à alimenter les flux souterrains.

En ayant notamment décidé d'aligner la fiscalité de l'épargne (qui a déjà préalablement subi l'impôt sur le revenu, etc) sur celle des revenus du travail, l'État a ouvert une boite de Pandore d'autant plus dangereuse qu'en période de taux d'intérêt ultra-bas, il n'est pas absurde de détenir des espèces. Autrement dit, il est ici avéré que «L'impôt sur le revenu agit comme le mors et l'impôt sur le capital comme l'éperon». ( Emile de Girardin, Le socialisme et l'impôt, 1850 ).

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