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Comprendre l'affaire Ferrand en cinq questions

INFOGRAPHIE - Trois mois après la décision de classement sans suite du parquet de Brest, un juge d'instruction financier va mener de nouvelles investigations dans l'affaire qui avait coûté à l'actuel patron des députés LREM sa place au gouvernement.

Classé sans suite à Brest, le dossier Richard Ferrand rebondit à Paris. Un juge d'instruction financier va mener les investigations dans l'affaire immobilière qui avait coûté à l'actuel patron des députés LREM sa place au gouvernement. Le 13 octobre dernier, le procureur de Brest annonçait le classement sans suite de l'affaire. L'ex-ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand, est depuis le printemps dernier au cœur d'une vive polémique. «C'est agaçant, pas très agréable», a réagi l'intéressé sur BFMTV «Je sais que je n'ai rien commis qui soit répréhensible mais je sais aussi que nous sommes dans un État de droit et (...) je suis un républicain qui fait confiance à la justice de son pays», a-t-il ajouté, critiquant la démarche d'une association «qui a souhaité poursuivre et s'acharner» contre lui.

Retour sur une affaire aux innombrables rebondissements.

• Pourquoi l'affaire est-elle relancée?

Le juge d'instruction du pôle financier de Paris, Renaud Van Ruymbeke, a ouvert le 12 janvier 2018 une information judiciaire pour «prise illégale d'intérêts», recel et complicité de ce délit. Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée par l'association Anticor . Cette démarche visait justement à obtenir la désignation d'un magistrat . L'association expliquait au moment du dépôt de plainte s'être tournée vers le pôle financier de Paris car celui-ci dispose d'une compétence nationale sur les affaires «d'une grande complexité». «Il était important que dans ce dossier une réponse judiciaire soit donnée aux faits reprochés à Richard Ferrand, et un juge indépendant va pouvoir étudier les suites à donner à l'affaire», a indiqué à l'AFP Jérôme Karsenti, avocat d'Anticor. Richard Ferrand déplore de son côté qu'«une association ait souhaité poursuivre et s'acharner».

• Quelles raisons avaient poussé le parquet de Brest à classer l'enquête?

Le procureur de Brest a motivé le classement sans suite de l'enquête en invoquant notamment la prescription de l'action publique, s'agissant d'un éventuel délit de prise illégale d'intérêts. «Les infractions d'abus de confiance et d'escroquerie» ne sont, elles, «pas constituées, faute d'un préjudice avéré», justifiait par ailleurs Jean-Philippe Récappé. S'agissant d'un éventuel délit de prise illégale d'intérêts, «la question est apparue complexe» et «le parquet de Brest aurait pu envisager l'ouverture d'une information judiciaire», a encore expliqué le magistrat. «Il convenait toutefois de vérifier au préalable si l'infraction éventuelle (...) n'était pas prescrite», ce qui est le cas depuis le 19 juin 2015 au vu des règles de prescription alors en vigueur (trois ans pour les délits), a-t-il souligné. De plus, selon le magistrat, la jurisprudence ne permettait pas d'affirmer que les Mutuelles de Bretagne effectuaient une mission de service public au sens du droit pénal. Deux points que conteste Anticor.

• Qu'est-il reproché à Richard Ferrand?

Les faits remontent à 2011, quand le député du Finistère était directeur général des Mutuelles de Bretagne. À l'époque, l'organisme à but non lucratif recherchait des locaux commerciaux à Brest pour ouvrir un centre de soins. Parmi trois propositions, l'établissement opte pour une société civile immobilière, la Saca, qui propose un loyer annuel de 42.000 euros. Seulement, celle-ci est détenue par la compagne de Richard Ferrand, Sandrine Doucen.

La SCI aurait été montée dans l'urgence, pour l'occasion. D'après Le Parisien , Richard Ferrand s'est lui-même occupé quelque mois plus tôt de l'achat des locaux sis au 2, rue George-Sand dans le centre de Brest. Il aurait notamment signé en décembre 2010 une promesse de vente qui, selon l'avocat à l'origine de l'opération immobilière, était conditionnée à la conclusion d'un bail commercial entre une SCI, devant se substituer à lui, et les Mutuelles de Bretagne. Par ailleurs, la promesse de location aurait permis à sa compagne d'obtenir un prêt bancaire pour ce bien d'une valeur de 586.000 euros.

«Les investigations ont confirmé que le montant du loyer, ainsi que celui des investissements ne dépassaient pas le prix du marché», a toutefois estimé le parquet, précisant que les Mutuelles avaient considéré que cette offre «était conforme à leur intérêt et à leur politique immobilière habituelle».

• Pourquoi le député est aussi accusé de «mélange des genres»?

Au début de l'affaire, Le Monde s'est en parallèle intéressé à ce qu'il qualifie de «mélange des genres» entre politique et affaires. En effet, Richard Ferrand aurait été remplacé à la tête du mutualiste par une proche collaboratrice, dont il a recruté le compagnon comme assistant parlementaire. Il aurait également conservé un poste de chargé de mission après avoir quitté la direction des mutuelles. Au même moment, relève le quotidien du soir, il déposait à l'Assemblée un projet de loi avec d'autres socialistes sur les activités des mutuelles. «Cet article fait des amalgames et laisse place à tous les sous-entendus sans jamais rien démontrer», a réagi l'intéressé.

« Aucune infraction au code de la mutualité n'a été établie. »

Le procureur de Brest, Jean-Philippe Récappé

De son côté, Le Canard enchaîné a révélé que Richard Ferrand a accordé plusieurs faveurs à sa compagne. Ainsi, Sandrine Doucen, alors âgée de 25 ans et étudiante en droit, a été, dès 2000, embauchée aux Mutuelles de Bretagne en tant que directrice du personnel. La même année, elle occupe un «petit job» au château de Trévarez, domaine appartenant au département du Finistère et géré par un comité d'animation présidé par Richard Ferrand. Elle continuera d'être salariée par les Mutuelles de Bretagne jusqu'à sa prestation de serment d'avocat en septembre 2004. Sur ce point, le parquet de Brest a toutefois souligné que «l'enquête avait établi le caractère réel des prestations et activités de Richard Ferrand et de Sandrine Doucen». «Aucune infraction au code de la mutualité n'a été établie», selon le procureur.

L'ancien député socialiste du Finistère a également embauché son fils pendant plusieurs mois, en 2014, comme collaborateur parlementaire.

• Quelle est la ligne de défense de Richard Ferrand?

L'ex-ministre a vigoureusement nié tout conflit d'intérêts, soulignant n'être «ni marié, ni pacsé» avec sa compagne, avec qui il n'a «pas de patrimoine commun». Le député avait été entendu début juillet à Rennes par la police judiciaire. Dans cette affaire, il a aussi pu compter sur le soutien de son ex-employeur. Dans un communiqué, les Mutuelles assuraient que Richard Ferrand a agi en «parfaite conformité avec les mandats tenus par le conseil d'administration». Elles indiquent avoir «fait le choix de gestion de privilégier l'investissement dans l'outil de travail plutôt que dans l'immobilier», justifiant ainsi leur choix de louer les locaux brestois plutôt que d'acheter les murs.

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