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Tir à vue sur l'Institut de France

L'Académie française, une des cinq académies constitutives de l'institut de France. Sébastien SORIANO/Le Figaro

Un livre à charge pointe surtout le chancelier Gabriel de Broglie. Les griefs ? Une mauvaise gestion de l'institution.

Finances publiques: le magot de l'Académie française», annonce Le Parisien magazine, avec un photomontage où l'on voit un académicien tenir des liasses de billets de banque. Ce dossier a été composé à partir d'un livre de Daniel Garcia, Coupole et dépendances, enquête sur l'Académie française (Éditions du Moment), à paraître la semaine prochaine. Le Figaro a pu le consulter.

Premier constat: en dépit de son titre alléchant, cet ouvrage ne parle pas de l'Académie française, mais principalement de l'Institut. L'Académie fran­çaise n'est que l'une des cinq académies qui composent l'Institut de France (avec les Inscriptions et belles-lettres, les Sciences morales et politiques, les Beaux-arts et les Sciences).

Deux affaires sont épluchées en détail par Garcia: le «conflit de voisinage» entre l'Institut et l'hôtel de la Monnaie. En 2007, après une longue procédure et une implication personnelle du chancelier (harcèlement et manœuvres dilatoires, selon l'auteur), l'hôtel de la Monnaie a mis à la disposition de l'Institut «la parcelle de l'an IV» (un ensemble immobilier domanial de près de 1500 m2 afin de permettre à celui-ci de construire un auditorium moderne qui porterait le nom d'André Bettencourt. L'auteur de l'enquête dénonce l'intervention de Nicolas Sarkozy et d'Éric Woerth dans le dossier.

Gabriel de Broglie, chancelier de l'Institut et membre de l'Académie, est également montré du doigt pour son rôle dans la vente d'un immeuble de l'avenue Gabriel (venu du legs Del Duca) à l'académicien Pierre Cardin. L'Institut en a tiré 35 millions d'euros ; mais aurait pu profiter davantage d'une vente dont la décision, précisons-le, fut prise collégialement.

Attaques ad hominem

Un autre chapitre concerne «la gestion inadaptée» de l'institution ; on lui reproche d'avoir perdu de l'argent en achetant des actions France Télécom.

La Cour des comptes s'est penchée sur l'Institut en octobre 2013. D'après nos informations, l'Institut est serein, d'autant qu'il a externalisé une partie de la gestion à des sociétés spécialisées et reconnues. Suspicieux, Daniel Garcia forme un vœu: «La virulence d'un rapport de la Cour des comptes dépend, en partie, de la personnalité des enquêteurs. Certains rongent tous les os qu'ils peuvent trouver jusqu'à la moelle. D'autres sont moins voraces. Espérons que le contrôle de 2013 sera tombé sous les mâchoires de pitbulls…»

Sur la vie de l'Institut, ses rites, Garcia ne manque pas d'informations sérieuses, mais son livre souffre d'un grave écueil: les attaques ad hominem. Sous les détails, les anecdotes, pointe vite sa véritable cible: Gabriel de Broglie. L'auteur prévient dès les premières pages: le chancelier «règne en autocrate et considère qu'il n'a pas de comptes à rendre à la presse. Il n'a pas fait exception pour ce livre. Qu'il en assume la responsabilité» ! Selon Garcia, Gabriel de Broglie se serait contenté de descendre de son arbre généalogique pour goûter au prestige de l'habit vert. «Historien qui ne passera pas à l'his­toire, etc., etc.» Il lui reproche encore l'utilisation d'un employé de l'Institut à des fins personnelles.

Hasard du calendrier? Le poste de chancelier sera renouvelé dans les mois qui viennent et le prince de Broglie sera sans doute candidat à sa propre succession. Tous les coups sont donc permis. Les jugements personnels et souvent excessifs sont exprimés sur un ton badin qui tranche avec la violence de certaines mises en cause. Ils ternissent un bon travail de recherche documen­taire: même si on les a déjà lues, les échos savoureux, les coulisses du Service du dictionnaire, «la fièvre ­verte» qui pousse à postuler composent un bel ensemble.

L'ouvrage contient des révélations qui expliquent surtout comment fonctionne et vit l'Institut de France, riche de dons et d'héritages importants - toutes les fondations rêveraient d'en bénéficier. C'est le prestige d'une «marque», l'Institut de France, qui attire ces dons et qui lui a permis de détenir ce «patrimoine pharaonique».

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