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«Cartocrise» ou la cartographie d'un monde culturel qui se meurt

Capture d'écran de la «cartocrise» d'Emeline Jersol, où sont recensés les festivals, structures et associations culturelles supprimés ou annulés depuis mai 2014.

Festivals annulés, structures qui mettent la clé sous la porte, associations qui disparaissent faute de renouvellement de subventions... Une carte recense la réalité d'un secteur français en grande difficulté.

Les points s'accumulent. En vert pour la musique, en jaune pour le théâtre, en rose pour la danse, en bleu clair pour les arts de rue... Hébergée sur la plateforme libre OpenStreetMap depuis le 23 janvier, une «cartocrise» fait le point sur un secteur culturel en berne. Elle recense les festivals, structures et associations culturelles annulés ou supprimés depuis les élections municipales de mars 2014.

Une infographie née de l'imagination d'Émeline Jersol, médiatrice culturelle au Boulon, centre national des arts de la rue situé en périphérie de Valenciennes. Sur son temps libre, elle a élaboré cet «outil» après s'être rendue compte de la «cadence impressionnante à laquelle les festivals ou les salles ferment depuis quelques temps». «C'est monnaie courante d'entendre des personnes annoncer qu'elle cessent ou annulent leur activité culturelle», constate-t-elle avec amertume.

Plus la liste s'allongeait, plus elle se disait qu'il fallait compiler ces événements ou structures en difficulté à l'échelle de la France. Un moyen de «prendre de la hauteur et de se rendre vraiment compte de ce qui se passe». Après avoir fait appel à un ami webmaster, elle a constitué elle-même sa cartographie. Sur celle-ci, Émeline Jersol a accumulé les marqueurs, n'oubliant aucun domaine artistique.

Pour assumer ce travail de longue haleine, elle n'est pas seule. Car sa «cartocrise» se veut non seulement interactive - avec des informations toutes sourcées - mais également participative. Via une adresse mail (cartocrise@openmailbox.org), elle a pu recueillir des informations supplémentaires envoyées par des structures et aficionados de la culture.

Lors de sa première publication, le 23 janvier, sa carte comprenait 48 entrées. Une semaine plus tard, 71 points s'y accumulent. Et les courriels s'entassent dans la boîte de réception d'Émeline... «Il devrait y avoir une centaine de lieux d'ici la fin du week-end», annonce-t-elle. Jusqu'où cela ira-t-il?

D'après les premières constatations, les secteurs de la musique et des arts de rue sont les plus touchés. Au 30 janvier, ils sont respectivement orphelins de 19 et 27 festivals, structures ou associations supprimés ou annulés: festival Polyfollia à Saint-Lô, Fort en Jazz à Francheville (69), Les Voix du Gaou à Six-Fours (83), les Estivales de Perpignan...

Le résultat de choix politiques

«Je souhaite mettre en avant la situation des petites comme des grandes structures. Le but de cette carte est d'être le point de départ de questionnements multiples: la place de la culture dans la société, les choix politique en matière culturelle... Chacun est à même de l'analyser comme il le souhaite», explique Émeline Jersol.

Son ambition n'est pas d'expliquer elle-même ces changements à la lumière de la politique. La couleur des mairies n'est d'ailleurs pas indiquée. Mais elle l'assure, «les annulations et suppressions sont des choix politiques. La culture est toujours la première à être remise en question lors de coupes budgétaires.» Des choix assumés aussi bien «par la droite que par la gauche», affirme-t-elle. «Lors d'un changement de bord politique, la volonté est de faire table rase du passé et d'apporter des changements. Et la culture, ça se voit», précise-t-elle.

Pour la médiatrice culturelle, sa carte ne met en valeur que la «partie visible de l'iceberg». Derrière tout cela, il y a des emplois supprimés, tant dans l'administration, la technique ou l'artistique. Émeline Jersol n'en est qu'au début, son outil étant «évolutif». Dès qu'elle le pourra, elle ajoutera à sa «cartocrise» des informations supplémentaires sur les coupes budgétaires ou encore les déménagements forcés que subissent certaines associations. Et elle compte bien faire son travail au jour le jour pour «expliquer les bienfaits de la culture» lors de ses activités de médiation.

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