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Principe de précaution : dix ans de blocages

Forage d'études sur un gisement potentiel de gaz de schiste en Moselle en 2011. BROCARD Pascal/PHOTOPQR/LE REPUBLICAIN LORRAIN

La Fondation Concorde fait des propositions pour éviter que la Constitution ne soit un frein à l'innovation.

Le principe de précaution, promulgué dans la Constitution française il y a tout juste dix ans, le 1er mars 2005, est-il vraiment responsable des blocages français dans de nombreux domaines, des OGM au gaz de schiste ? Faut-il, comme le demandent de nombreux députés UMP menés par Éric Woerth, le retirer de la Constitution pour le remplacer par un principe «d'innovation responsable » ?

Selon l'étude «Principe de précaution : oser le risque », publiée cette semaine par le groupe de réflexion indépendant et libéral Fondation Concorde, le problème n'est pas tant dans le texte qui a été intégré à la Constitution mais dans «l'interprétation maximaliste qui en est faite depuis sa mise en application ». Les rapporteurs, sous la direction de Christian Marmain, rappellent que le premier texte de loi énonçant ce désormais célèbre «principe de précaution », la loi Barnier de 1995, n'avait provoqué aucune controverse lors de son adoption. Mais dix ans plus tard, le texte intégré à la Constitution à l'initiative du président Jacques Chirac sous le nom de charte de l'environnement comportait une différence importante avec la loi de 1995, en oubliant de préciser que les mesures prises pour «prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement » doivent avoir «un coût économique acceptable ».

Invoqué à tort et à travers

Malgré cet oubli, le principe de précaution devrait être compris comme «un principe d'action » conçu pour aider à gérer «un risque incertain » en se servant de la recherche scientifique pour réduire les incertitudes, explique le rapport. Mais c'est tout le contraire qui s'est produit. Sous la pression d'une opinion publique devenue défiante vis-à-vis de l'innovation et des autorités après les graves crises sanitaires que furent le sang contaminé et la vache folle, les politiques se sont réfugiés derrière le texte pour bloquer toute avancée, et parfois même mettre fin aux recherches, comme ce fut le cas pour les OGM et le gaz de schiste. «Il en a été fait un principe de gestion de crise fondé sur l'émotion » regrettent les rapporteurs.

Le principe de précaution, qui ne concerne au départ que la protection de l'environnement, a ensuite été invoqué à tort et à travers, même pour des domaines relevant de la santé comme lors des recours contre des lignes à haute tension et des antennes-relais de téléphonie mobile, avec le soutien de nombreux juges qui ont renforcé cette interprétation.

Malgré ce constat d'un «principe de précaution » érigé comme symbole de l'immobilisme et de frein à l'innovation, le rapport de la Fondation Concorde ne recommande pas de le retirer de la Constitution, ce qui semble de toute façon impossible à court terme vue la majorité parlementaire actuelle. Les rapporteurs conseillent plutôt «de renverser la tendance »: le doute devrait inciter les décideurs à intensifier les recherches, plutôt que de les pousser à s'abstenir.

Il faudrait aussi, selon le rapport, amender la loi Barnier sur le Code de l'environnement en précisant que «l'adoption des mesures doit être précédée d'une analyse bénéfice/risque détaillée afin de ne pas freiner l'innovation ».

Principe de précaution : dix ans de blocages

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13 commentaires
  • a volpe

    le

    Si on avait appliqué le principe de précaution nous n'aurions pas cette équipe de rigolos au sommet de l'Etat.

  • laveugle

    le

    Je pense qu'il faudrait plutôt étendre le principe de précaution !!
    Je m'explique :
    Que l'on pèse avec prudence les conséquences d'une action me semble tout à fait justifié mais il faudrait y adjoindre une étude tout aussi intense des conséquences d'une absence d'action qui peut parfaitement être tout aussi préjudiciable Un exemple concret concernant les vaccins : on a parfaitement le droit de s'interroger sur les risques que présente éventuellement la vaccination contre l'hépatite virale mais il est impératif de comptabiliser le nombre de morts (par cancer du foi) évités par cette vaccination !
    Bref un vrai et banal calcul bénéfice/ risque !

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