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La France se penche sur la régulation des algorithmes

La secrétaire d'État chargée du numérique Axelle Lemaire défend la loyauté des plateformes. BERTRAND GUAY/AFP

Axelle Lemaire a annoncé les premières mesures entreprises par Bercy pour faire face à la montée en puissance des algorithmes.

L'admission Post Bac des lycéens français dans l'école de leurs choix, l'itinéraire d'un chauffeur Uber, les amis suggérés sur Facebook ou encore, les recommandations de films sur Netflix... Les algorithmes au cœur de ces décisions publiques ou privées ont pour la première fois fait l'objet d'un rapport, commenté jeudi par la secrétaire d'État chargée du numérique Axelle Lemaire. Deux chantiers ont été lancés à cette occasion. Le Conseil national du numérique (CNNum) a été saisi pour réfléchir à un outil grand public capable de renseigner les mauvaises expériences rencontrées par des utilisateurs avec des algorithmes, tandis que l'INRIA coordonnera le lancement d'une plateforme scientifique explorant l'enjeu éthique des algorithmes.

Dans un contexte de polémique autour de la propagation en ligne des fausses informations, dont les conséquences réelles ont déjà fait des victimes, la thématique de régulation est brûlante pour le gouvernement, qui souhaite obtenir plus de transparence de la part des plateformes sur le traitement de leurs contenus. «Nous entrons seulement dans l'ère de l'algorithme, a souligné Axelle Lemaire, mais il faut déjà se demander quelle part de maîtrise, d'évaluation et de contrôle nous pouvons avoir sur ces processus.»

Percer les mystères des géants du Net

Le Conseil Général de l'Economie (CGE) a ainsi formulé cinq recommandations détaillées afin d'alimenter cette réflexion. Ce service du ministère a été sollicité en octobre dernier par Axelle Lemaire. La première recommandation vise à percer le mystère des recettes secrètes de Google, Facebook ou encore Amazon. Les auteurs du rapport suggèrent qu'une communauté de chercheurs et d'experts tente d'en deviner les ingrédients clés par des tests. L'idée est aussi d'étudier les compositions d'algorithmes Open Source (ouvertes à tous), afin d'encourager la (re)production de bonnes recettes.

Axelle Lemaire a décidé de suivre cette piste. Une plateforme collaborative scientifique sera créée afin de favoriser le développement et l'utilisation d'outils logiciels et de méthodes de tests d'algorithmes. BaptiséeTransAlgo, portée par les chercheurs de l'INRIA, elle devra aussi se consacrer aux enjeux éthiques des algorithmes. Quand un algorithme décide par exemple de favoriser l'admission d'un élève plutôt qu'un autre dans une école, il obéît à un ordre qui peut être débattu en tant que choix de société. Est-ce par exemple la proximité géographique qui l'emporte, ou l'ambition de favoriser la mixité sociale?

Forcer la loyauté des plateformes

TransAlgo devra aussi participer à la réflexion sur la loyauté des plateformes. Ce concept, forgé par le sociologue Dominique Cardon, défend la nécessité pour un algorithme de ne faire que ce qu'il est censé faire, et de le faire bien. Le rapport suggère la création de responsables des algorithmes («Chief Algorithm Officer») et la création d'une cellule anti-fraude au sein de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour mener des contrôles au sein des entreprises.

Le projet de loi pour une République numérique avait pour la première fois porté dans le débat public la question de la loyauté des plateformes. Selon son article 49, les opérateurs de plateformes doivent délivrer au consommateur une information «loyale, claire et transparente», notamment sur «l'existence d'une relation contractuelle, d'un lien capitalistique ou d'une rémunération à son profit, dès lors qu'ils influencent le classement ou le référencement des contenus» qui lui sont présentés. En d'autres termes, Facebook devrait informer des contrats passés avec des marques pour que leurs contenus apparaissent en haut des fils d'actualités de ses utilisateurs.

Le débat est aussi européen. Une consultation publique a été organisée par la Commission européenne entre septembre 2015 et janvier 2016 sur la thématique de transparence des plateformes. Trois études s'appuyant sur les 1000 réponses collectées sont attendues pour le printemps prochain. Elles devront permettre d'envisager des modalités de régulation. Par rapport à ses homologues européens ou à la Commission, la France est donc en avance sur cet enjeu. «Il faut faire monter le secteur public en compétences à ce sujet», a souligné Axelle Lemaire et «redonner un niveau technique aux décideurs», a insisté Mounir Mahjoubi, président du CNNum.

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