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Le cadeau de Manuel Valls aux intermittents

Jusqu'à présent, l'existence du régime des intermittents pouvait être remise en cause à chaque renégociation de l'assurance chômage. Sébastien SORIANO/Le Figaro

VIDÉO - Le premier ministre propose une organisation qui pourrait entraîner des dérives financières.

Une sanctuarisation en bonne et due forme: telle est la principale décision de Manuel Valls, suite à la remise mercredi du rapport de la mission de concertation sur les intermittents. Le gouvernement proposera en effet d'ici à juin une loi qui garantira un régime spécifique d'indemnisation du chômage pour les artistes et techniciens du spectacle. Les conventions d'assurance-chômage, à l'avenir négociées par le patronat et les syndicats, ne pourront être agréées par l'État (et donc entrer en vigueur) que si elles incluent ce régime. Dit autrement, les partenaires sociaux ne pourront plus supprimer les annexes 8 et 10 de la convention relatives aux intermittents. Du moins sur le papier car dans les faits, si le patronat réclame régulièrement leur suppression - il l'a encore fait en 2014 -, les syndicats défendent leur spécificité et leur abrogation n'est jamais mise sur la table.

Manuel Valls a donc voulu apaiser le jeu, même si la réforme proposée par le premier ministre risque d'en alourdir les coûts. Et ce, alors que le déficit du régime des intermittents atteint déjà un milliard par an, soit près d'un quart de celui de l'assurance-chômage, pour quelque 109.000 personnes indemnisées.

Concrètement, l'exécutif souhaite que syndicats et patronat du secteur puissent s'entendre entre eux sur les règles d'indemnisation des artistes et techniciens du spectacle. Auquel cas les organisations syndicales et patronales nationales, seules habilitées à négocier la convention d'assurance-chômage, devront intégrer ces propositions dans leur accord final. Un système au final potentiellement dangereux, les représentants des employeurs et des salariés du monde de la culture ayant tout intérêt à élaborer des règles généreuses pour eux et financées, comme c'est le cas aujourd'hui, par les autres salariés.

Nouveau fonds d'aide

Un garde-fou est certes prévu: les partenaires sociaux nationaux auront au préalable fixé «la trajectoire financière» (un terme flou qui reste à définir) du régime des intermittents. Mais cela suffira-t-il à limiter les dérives, sachant que les chiffrages ne sont jamais parfaits et diffèrent bien souvent selon les parties? Ainsi, la CGT-spectacle milite pour le retour partiel au système d'indemnisation plus généreux qui existait avant 2003, en arguant qu'il n'en coûterait que 35 millions par an au régime d'assurance-chômage. Une estimation tirée de la mission de concertation, mais qui ne prend pas en compte les changements de comportement induits… Mais Manuel Valls fait confiance «à l'intelligence» des protagonistes pour accorder leurs violons. Un sérieux pari: Stéphane Lardy, le négociateur FO - qui a signé le dernier accord d'assurance-chômage avec la CFDT et la CFTC - avoue déjà être «circonspect» sur ce point.

La liste des gestes du premier ministre aux intermittents ne s'arrête pas là. En juin, il avait décidé de ne pas appliquer une des mesures de l'actuelle convention: l'allongement de leur différé d'indemnisation (période avant de toucher les allocations). Coût de l'opération pour l'État: 100 millions, en année pleine. Mais une fois la convention expirée (mi-2016 au plus tard), les contribuables ne retrouveront pas leur mise, car les 100 millions viendront abonder un «fonds de développement de l'emploi culturel» spécialement créé. Enfin, le premier ministre entend améliorer les droits sociaux des intermittents (notamment sur la maternité) et dégeler deux sous-budgets de la Culture (soit 40 millions) en 2015, puis les augmenter en 2016.

En contrepartie, Manuel Valls souhaite que les partenaires sociaux du secteur revoient la liste des métiers ouvrant droit aux CDD d'usage. À défaut, il le fera lui-même par décret. Au final et d'expérience, il est peu probable que cette lutte contre les abus, menée par ceux qui la pratiquent, compense les largesses accordées par ailleurs…

Le cadeau de Manuel Valls aux intermittents

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153 commentaires
  • Guy Moquette 1

    le

    A la vue de tous les commentaires, on voit que la très grande majorité des gens ne s'aperçoivent pas de l'évolution du marché du travail. Les CDD coûtent 6 milliards à l'Unedic.
    Et cela tend encore à augmenter. Sont ils donc à extraire de ceux en CDI ? Sont ils des privilégiés ? Faut il donc leur baisser le chômage ?
    Etc...

  • luke

    le

    Valls: quelle déception!

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