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Moralisation de la vie publique : les défis qui attendent Bayrou

La loi de moralisation de la vie publique entend restaurer le crédit des politiques. Mais son calendrier reste flou et les débats parlementaires s’annoncent houleux.

Laurent Valdiguié , Mis à jour le
François Bayrou présente le projet de loi «pour la confiance dans notre vie démocratique", le 1er juin .
François Bayrou présente le projet de loi «pour la confiance dans notre vie démocratique", le 1er juin . © REUTERS/Philippe Wojazer

"Le temps des blocages mystérieux est fini", annonce-t-il tout sourire. Ce jeudi, debout derrière le pupitre du ministère de la Justice, François Bayrou est un ministre heureux. Le texte qu'il présente, "le premier de ce quinquennat", insiste-t-il, est un "projet ambitieux et concret" de nature, ni plus ni moins, à "faire progresser la confiance" entre les politiques et les Français. Clôturant presque jour pour jour un cycle personnel de vingt ans loin du pouvoir, ce projet scelle aussi le grand come-back du maire de Pau. Comme si ce nouveau pacte de confiance qu'il propose justifiait à la fois son retour aux affaires et sa longue traversée du désert dans l'attente de ces règles attendues, maintes fois promises mais jamais mises en œuvre. Le sens d'une vie en quelque sorte…

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Réforme constitutionnelle

Plusieurs mesures nécessitent une modification de la Constitution, donc la tenue d'un Congrès réunissant les deux Assemblées. D'abord la suppression de la Cour de justice de la République (CJR), l'organe chargé de juger les ministres pour des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions. Depuis longtemps objet de polémiques, la CJR, dans l'affaire Tapie, a jugé Christine Lagarde alors que ses collaborateurs à Bercy ne sont pas encore renvoyés en correctionnelle. Inversement, pour cause de lenteur de sa commission d'instruction, la CJR vient de mettre en examen Edouard Balladur dans l'affaire Karachi, plus de vingt-trois ans après les faits.

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Autre révision constitutionnelle proposée, la limitation à trois mandats consécutifs pour les parlementaires ou les exécutifs locaux (hormis les maires des petites communes). Sur le papier, cette limitation doit permettre un renouvellement des élus. Sauf qu'en alternant les mandats, certains pourront poursuivre des carrières longues. Le projet Bayrou prévoit aussi d'exclure les anciens présidents de la République du Conseil constitutionnel pour empêcher qu'ils soient juge et partie sur leurs propres réformes. Mais quand sera réuni un Congrès (avec un Sénat loin d'être En marche) entérinant ces changements? Les deux tiers des parlementaires accepteront-ils de limiter leurs propres mandats? Pour l'heure, le calendrier reste inconnu.

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Transparence et probité

Le projet prévoit d'interdire les emplois familiaux, que ce soient "les ascendants, les conjoints ou les enfants". "Je ne suis pas compétent pour les amants ou les maîtresses", a souri Bayrou lors de sa conférence de presse, reconnaissant qu'"aucune loi n'obligera tout le monde à la vertu". Mais des emplois croisés (un élu embauchant l'épouse d'un autre par exemple) seront possibles sous réserve de déclaration à une commission de déontologie qui reste à créer. Cette commission sera aussi chargée de vérifier les frais des élus (actuellement un forfait mensuel de 5.600 euros) à l'avenir remboursés sur justificatifs. La réserve parlementaire, ces 140 millions d'euros annuels partagés entre les députés pour leurs œuvres locales, sera supprimée pour cause de "risque clientéliste". Une peine d'inégibilité de dix ans au maximum sera instituée pour les délits portant atteinte à la probité (abus de confiance, détournement de fonds publics, favoritisme, abus de biens sociaux…).

Les députés devront "se déporter" dans les débats susceptibles de les placer en situation de conflit d'intérêts. Autre restriction : les parlementaires n'auront pas le droit de lancer une activité de conseil, y compris comme avocat, dans l'année qui précède l'élection. Ces mesures suffiront-elles à éviter tout risque de conflit d'intérêts? Les déontologues pourront-ils faire respecter ces règles? Les débats législatifs sur ces questions promettent d'être animés.

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Financement des partis

François Bayrou propose la création d'une "banque de la démocratie", organisme public qui, adossé à la Caisse des dépôts et consignations, soutiendra les partis par des mécanismes de financements mutualisés (prêts, assurances et cautions partagées par exemple). Objectif? Eviter aux formations politiques de faire appel aux banques privées, dont le président du MoDem a tant souffert pour le financement de ses deux présidentielles perdues. Mais qui pilotera cette nouvelle institution qui aura, de fait, pouvoir de vie ou de mort sur les partis? Cette structure parviendra-t-elle à limiter les micropartis, ces 450 organisations créées pour bénéficier de fonds publics dans des conditions parfois discutables? Il est trop tôt pour le savoir.

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