Essonne : vers une hausse d'impôts de 29 % au département

Essonne : vers une hausse d'impôts de 29 % au département

    C'est évidemment la mesure qui va le plus faire grincer de dents dans les chaumières essonniennes. Après cinq années de pause fiscale, le département n'échappera pas à une hausse d'impôts en 2016. François Durovray (LR), le président du conseil départemental, présentera lundi prochain le budget primitif avec un boum prévu de 29 % de la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la seule qui est aujourd'hui encore perçue par l'institution. Une mesure qui va susciter de vives réactions (lire ci-dessous). « C'est une décision difficile, mais je l'assume car il n'y a pas d'autres solutions », affirme le patron de l'exécutif départemental.Précision importante : cette taxe ne concerne que les propriétaires, soit 60 % des foyers en Essonne. Dans le détail, la mesure touchera un tiers d'entreprises et deux tiers de ménages. Beaucoup de paramètres entrant en ligne de compte, il est difficile d'estimer précisément l'impact pour chaque famille essonnienne, mais la hausse moyenne serait d'environ 70 â?¬ par ménage. La taxe foncière comprenant aussi une part pour la ville, l'intercommunalité et les ordures ménagères, cette hausse départementale de 29 % devrait au final se traduire par une augmentation d'environ 10 % de votre impôt foncier. En clair, si vous payiez 1 000 â?¬ hier, vous devrez vous acquitter d'environ 1 100â?¬ demain.Les scénarios auxquels vous avez échappé Plusieurs scénarios ont été mis sur la table afin de boucler ce budget au département. Voici les pistes qui ont finalement été écartées.La mise sous tutelle. Si le département s'avère incapable de produire un budget à l'équilibre, il est mis sous tutelle par le préfet qui saisit la chambre régionale des comptes (CRC). Dans ce cas, les conseillers départementaux n'ont plus voix au chapitre concernant les choix financiers. Le préfet a tout pouvoir et règle le budget par arrêté à partir des propositions de la CRC. « Cela aurait été catastrophique en termes de fiscalité, avec une hausse de 70 % sur la taxe foncière sur les propriétés bâties », assure François Durovray. Tous les projets d'investissements non lancés auraient alors été annulés, comme celui de raccorder tout le sud rural de l'Essonne au très haut débit, les travaux de voiriesâ?¦ Et l'institution départementale se serait retrouvée mise sous observation pendant trois ans. « Ce scénario a été écarté, mais il avait quelques partisansen interne », confie François Durovray.Se recentrer sur les compétences obligatoires. Autre scénario possible : que le département se replie sur ses compétences obligatoires (aides sociales à l'enfance, aux personnes âgées, handicapées, versement du RSA, entretien des collègesâ?¦). « Nous avons fait le compte des dépenses facultatives. Elles se limitent à 67 Mâ?¬ sur un budget de 1,2 Mdâ?¬ », constate François Durovray. Sur cette somme, 20 Mâ?¬ vont à l'aide aux transports, la carte Améthyste, la carte Scol'R. « Si nous avions arrêté, la carte Scol'R serait passée de 115 à 1 000 â?¬ pour les familles concernées », décrypte le président du département. Par ailleurs, 15 à 20 Mâ?¬ sont consacrés au développement économique et le reste des dépenses facultatives va à la vie éducative, aux associations sportives, culturelles, caritativesâ?¦ « Ces économies auraient fait beaucoup de mal », estime François Durovray.Les pompiers rendus aux communes. L'Essonne finance à 99 % le service départemental d'incendie et de secours (Sdis). La plupart des départements ne le font qu'à hauteur de 50 %, le reste étant supporté par les communes. Il a donc été proposé que l'Essonne redescende à ce même ratio de financement, soit une économie de 45 Mâ?¬. Mais cette charge aurait été transférée sur les communes qui, pour y faire face, auraient sans doute dûâ?¦ augmenter leurs impôts. « On ne voulait pas reporter nos difficultés sur les communes, comme l'Etat le fait avec les collectivités locales », tranche François Durovray.S.M.François Durovray explique cette mesure impopulaire par la mauvaise santé financière du département. Comme partout, les dotations de l'Etat sont en chute libre (- 82 Mâ?¬ pour l'Essonne entre 2014 et 2017). Dans le même temps, les dépenses sociales (RSA, personnes âgées, handicapéesâ?¦) gonflent de 138 Mâ?¬ entre 2013 et 2016.Le président du département, élu en avril dernier, met aussi gravement en cause la gestion de son prédécesseur, Jérôme Guedj (PS). « La dette du département atteint le milliard, et nous avons découvert, à la suite de l'audit que nous avons fait réaliser, 108 Mâ?¬ de dettes cachées qui se sont accumulées d'année en année sous l'ère Guedj. »François Durovray l'assure, les mesures d'économies, 35 Mâ?¬ programmés en 2016, ne suffisent pas à boucler le budget. « Tous les autres départements de grande couronne vont augmenter leurs impôts, plaide l'élu. Nous garderons malgré tout le taux le plus bas derrière les Yvelines. »Cette hausse de 29 % devrait rapporter 70 Mâ?¬ en 2016. « Cela nous permettra de faire face aux baisses de dotations de l'Etat de 24 Mâ?¬ en 2016 et 24 Mâ?¬ en 2017 et de rembourser une partie des 108 Mâ?¬ laissés par mon prédécesseur. »Une fois ce trou comblé, François Durovray dit avoir « l'espoir de rendre cette part aux Essonniens ».Un rayon de soleil dans ce paysage grisâtre niveau finances : les droits de mutations. Ces sommes, perçues par le département à chaque transaction immobilière, ont connu l'an passé une progression surprise de 20 Mâ?¬. Si la tendance se confirme dans les exercices à venir, elle pourrait contribuer à baisser la pression fiscale.Controverse à gauche etâ?¦ à droite Accusé d'être responsable de ce que certains ont baptisé à droite « l'impôt Guedj », l'ancien président socialiste du conseil départemental riposte : « Dénoncer une dette cachée de 108 Mâ?¬ (allusion aux accusations de cavalerie budgétaire lancées par la droite) dans le 8e département le plus riche de France, c'est une manière pour la nouvelle majorité de se défausser de ses responsabilités. »Et de dénoncer la « brutalité des mesures d'austérité » et les 22 Mâ?¬ d'aides supplémentaires votées pour les communes en juin 2015, alors que c'est « une dépense facultative ».David Ros (PS), porte parole de la gauche au département, est plus modéré : « Il y a des difficultés, on ne le nie pas. On aurait d'ailleurs pu travailler de concert pour voir sur quelles mesures d'économies on aurait pu s'accorder. Ã?a n'a pas été le cas », regrette le maire d'Orsay qui note par ailleurs que François Durovray, élu maire de Montgeron en 2014 un an avant de prendre le département, avait également augmenté les impôts dans sa ville de 12 %.Si François Durovray n'a pas consulté l'opposition, c'est peut-être parce qu'il a déjà eu fort à faire pour convaincre dans son propre camp. Serge Dassault, président (LR) de la commission des finances, a affirmé plusieurs fois en public qu'il s'opposait à toute hausse d'impôts.Idem pour Georges Tron (LR). L'élu de Draveil accuse Jérôme Guedj d'avoir « laissé le département dans une situation dramatique ». « Voici quatre mois que j'exprime, au sein de la majorité départementale, que nous ne sommes pas en mesure de boucler ce budget sans faire souffrir tous les Essonniens par une hausse massive des impôts. Le budget, tel qu'il se dessine, va nous faire porter le chapeau de la mauvaise gestion de Guedj et plonger des milliers de familles dans de grandes difficultés. Il nous met en porte-à-faux par rapport aux promesses faites en matière de maîtrise des impôts et des dépenses. Je suis extrêmement réservé sur ce budget et j'espère que François Durovray et la majorité l'entendront. »S.M. et L.D.