Yann Galut : «1 M€ d'amende si Apple ou Google s'abstiennent de répondre»

Le député PS dépose ce matin un amendement pour obliger les géants américains du numérique à collaborer avec la justice.

Yann Galut espère obliger les grands groupes à fournir les codes de déblocage des smartphones lorsque la justice l’exige
Yann Galut espère obliger les grands groupes à fournir les codes de déblocage des smartphones lorsque la justice l’exige
(PhotoPQR/ « Berry Republicain ».)

    La ligne est brouillée entre Apple, Google et la justice française. L'été dernier, François Molins, le procureur de Paris, réclamait dans une tribune du « New York Times » un accès aux données cryptées des appareils et systèmes d'exploitation des géants américains du numérique. Rien n'a changé depuis... Apple et Google n'acceptent pas de fournir leurs codes de déblocage, même dans le cadre de réquisitions judiciaires. Outre-Atlantique, la marque à la pomme rechigne pareillement, refusant en ce moment de fournir « une assistance technique raisonnable » au FBI dans l'enquête sur la tuerie de San Bernardino, qui a fait 14 morts en Californie début décembre.

    Pour forcer la main des géants américains du numérique, le député PS du Cher, Yann Galut, dépose ce matin un amendement dans le cadre du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. Objectif : permettre aux enquêteurs d'extraire des données de la petite dizaine de smartphones qui, dans l'Hexagone, sur des enquêtes pour terrorisme, sont pour l'instant restés muets... faute d'accès au code de déblocage. Le chiffrement des données concerne surtout les smartphones de dernière génération : iPhone 6 et Samsung Galaxy S 6 (qui fonctionne sous Android, un système d'exploitation développé par Google). Contacté, Apple et Google n'ont pas réagi.

    En France, en 2015, huit téléphones sont restés inaccessibles à la police judiciaire dans des enquêtes pour terrorisme. Que proposez-vous ?
    YANN GALUT. Nous sommes aujourd'hui confrontés à un vide juridique sur la question du chiffrement des données, qui bloque les enquêtes judiciaires. Il faut contraindre les constructeurs de smartphones et de tablettes, Apple et Google notamment, à fournir à la justice les codes pour l'exploitation du contenu de leurs appareils. C'est la raison de mon amendement.

    Quelles sanctions préconisez-vous en cas de refus ?
    S'abstenir de répondre dans les meilleurs délais à une réquisition de la justice serait puni d'1 MEUR d'amende. C'est une somme qui peut paraître considérable, mais qui est à la hauteur du chiffre d'affaires des géants du numérique. Apple, Google, ces grands groupes extrêmement puissants ne peuvent être contraints que financièrement. Il ne s'agirait pas pour autant d'une punition d'exception. Pour d'autres délits — la corruption par exemple —, le code pénal prévoit aujourd'hui des sanctions à cette hauteur.

    Apple et Google mettent en avant la protection de la vie privée des citoyens...
    Ces sociétés sont d'une totale mauvaise foi ! Elles s'abritent derrière une soi-disant protection de la vie privée, alors qu'elles n'hésitent pas à faire une exploitation commerciale des données personnelles qu'elles recueillent. Sur ce thème-là, je trouve cela très paradoxal de les voir soudain s'ériger en modèles de vertu.

    Si l'amendement est adopté, quels seront les garde-fous en matière de protection de la vie privée ?
    L'amendement respecte l'équilibre entre vie privée des consommateurs et besoin de sécurité. Le procureur ou le juge d'instruction ne pourront avoir accès à la clé de chiffrement des constructeurs de smartphones qu'avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention. Par ailleurs, cette clé ne servira que pour le ou les portables concernés par la procédure judiciaire. La police et la justice ne disposeraient en aucun cas d'une clé générale qui leur donnerait le droit d'accéder aux données des téléphones portables de tous les citoyens.