Airbnb : géant du Net, petit contribuable

LE FAIT DU JOUR. Le site de location de logements entre particuliers cartonne en France mais n’a payé que 69 168 € d’impôts en 2015.

    Ce site a révolutionné la vie des touristes. A Paris, Londres, Barcelone ou New York, trois clics suffisent pour dénicher pour pas cher de superbes appartements à louer. Airbnb est le summum du branché. Même la finance en est fan. Fondée en 2008, l'entreprise américaine vient de lever des fonds et pèserait, selon les analystes, 30 Mds$ (environ 27 Mds€) ! Avec, réjouissons-nous, la France comme fer de lance. Un pays où il a payé l'année dernière... 69 168 € d'impôts. A peine plus que le prix d'une BMW Série 5 tout équipée ! Et ce montant est en baisse (- 18 % par rapport à 2014).

    Airbnb, immatriculé dans l'Etat du Delaware (un paradis fiscal américain), est passé maître dans l'art d'optimiser sa fiscalité. Maître dans l'art de flirter avec la ligne jaune et de jongler à son avantage entre les différentes législations européennes. Le siège social européen est installé... en Irlande, où l'impôt sur les sociétés (12,5 %) est le plus faible du Vieux Continent. Sa stratégie respecte le droit, mais choque la morale. Et chauffe à blanc les professionnels de l'hôtellerie. L'automne dernier, ils ont déposé plainte contre X auprès du pôle financier du parquet de Paris pour non-respect des réglementations. Dans leur viseur : une centaine de plates-formes, Airbnb en tête.

    Une activité difficile à évaluer


    L'enquête, menée par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, est toujours en cours. Elle doit notamment faire la lumière sur l'activité des plates-formes, difficile à « estimer précisément », regrettait déjà Eric Woerth (LR) en 2014 dans un rapport parlementaire sur la fiscalité des hébergements touristiques. Celles-ci « semblent d'ailleurs tenir à ce que leur chiffre d'affaires reste secret », déplorait l'ex-ministre du Budget. « Je ne suis pas à l'aise pour vous répondre », avait benoîtement concédé Nicolas Ferrary, le responsable France d'Airbnb de l'époque, lors de son audition par les députés.

    QUESTION DU JOUR. Trouvez-vous normal qu'Airbnb soit si peu imposé en France?


    Qu'en pense Bercy ? L'administration s'interdit tout commentaire, en s'abritant derrière le sacro-saint secret fiscal, quitte à être taxée de passivité. C'est pourtant faux. Ces derniers mois, le ministère des Finances a durci le ton vis-à-vis des géants américains. Booking.com s'est vu notifier un redressement de 356 M€ et le fisc a porté plainte contre Google. Une enquête est en cours au parquet national financier. Selon nos informations, Bercy n'a pas encore enclenché de procédure concernant Airbnb.

    Enquête judiciaire, pression du fisc, hôteliers au bord de la crise de nerfs : les nuages s'amoncellent au-dessus du Bélo, le logo en forme de coeur inversé d'Airbnb. Et les parlementaires aussi entendent être de la coalition cet automne, lors du projet de loi de Finances 2017. Objectif ? Faire décoller l'impôt au-delà des malheureux 69 168 € obtenus en 2015. De son côté, l'entreprise s'en tient à sa ligne de défense habituelle : « Airbnb se conforme aux lois fiscales dans les pays où nous exerçons nos activités. Notre bureau en France fournit des services de marketing et paie toutes les taxes applicables. » Pas sûr que cela suffise à apaiser ceux qui veulent le voir passer à la caisse.