Déclarations d’intérêts des députés : de petits oublis et des approximations

Nous avons étudié les déclarations d’intérêts et d’activités des députés parvenues à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

 La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a publié sur son site, jeudi, les déclarations d’intérêts et d’activité des 577 élus en juin.
La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a publié sur son site, jeudi, les déclarations d’intérêts et d’activité des 577 élus en juin. LP / Olivier Corsan

    La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a mis en ligne, le 19 octobre, les déclarations d'intérêts et d'activités des députés élus en juin dernier à l'Assemblée nationale. Elles recouvrent les cinq années précédant leur élection. Une bible pour mieux connaître votre député : qui sont ses collaborateurs, quel métier exerce son conjoint ou encore quels sont leurs revenus ? Mais aussi quels sont ses « intérêts », en d'autres termes les domaines dans lesquels l'élu est susceptible de se retrouver en situation de conflits d'intérêts ?

    « Cette publicité trouve son fondement dans l'objectif à valeur constitutionnelle de prévention des conflits d'intérêts afin d'améliorer l'information des électeurs sur les activités de leurs élus et de permettre aux citoyens d'apprécier, le cas échéant, si un parlementaire se trouve en situation de conflit d'intérêts » précise la Haute autorité dans son communiqué de presse

    Le Parisien a étudié une partie des 494 déclarations des élus de la République parvenues jusque-là à la Haute Autorité.qui pointe elle-même«des carences sur certaines rubriques qui paraissent peu ou mal prises en compte». Nous avons retenu 20 déclarations de député(e)s selon des critères de représentativité des groupes politiques, de médiatisation ou d'importance politique (voir liste dans notre tableau ci-dessous). L'étude de ces déclarations pour la première fois informatisée laisse entrevoir des oublis, des approximations et, à l'inverse, un sens du détail poussé à l'extrême. Mais rien qui ne soit susceptible de finir devant un tribunal.

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    L'association Regards Citoyens a accepté de commenter pour Le Parisien ce que révèle ces 20 déclarations.

    Les petits oublis

    Certains élus ont négligé de déclarer les revenus de leur précédent mandat de député. Olivier Faure (PS), Frank Riester, Thierry Solère (Les Constructifs), Nicolas Dupont-Aignan (DLF) ou encore Eric Ciotti ( LR) sont dans ce cas.

    Le député France Insoumise, Alexis Corbière a aussi commis un oubli. Le compagnon de la très médiatique Raquel Garrido n'a ainsi pas déclaré ses indemnités de conseiller de Paris entre 2012 et 2014.

    « Souvent les députés ont l'impression que cette déclaration empiète sur leur vie privée », nous explique Tangui Morlier, administrateur de Regards Citoyens, qui ajoute : « Ils peuvent du coup avoir tendance à ne pas la remplir de manière exhaustive ». Surtout quand on leur donne le choix entre plusieurs niveaux de transparence : ainsi, dans la section où il est demandé de déclarer « les activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification exercées à la date de l'élection ou de la nomination ou au cours des cinq années précédant la déclaration », certains se sont contentés de la première option : c'est par exemple le cas du député PS Boris Vallaud, qui n'a pas déclaré ses revenus avant 2017.

    Les approximations

    Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France Insoumise, n'a lui pas oublié de déclarer ses revenus de député européen. En revanche, il n'a pas retrouvé ses justificatifs antérieurs à 2016. Il a donc pris le parti de déclarer le revenu de 2016 comme revenu de référence pour les cinq années précédentes. « Faute de documents sous la main et dans l'attente de la réponse des services j'ai imputé à toutes les années précédentes le montant de la dernière année déclarée (2016) ayant donné lieu à un relevé fourni par le parlement européen », témoigne-t-il lui-même dans les commentaires.

    François Ruffin (France Insoumise) n'a quant à lui pas déclaré de revenu pour l'année 2015, alors que toutes les autres sont extrêmement détaillées.

    L'avocat et député Front national, Gilbert Collard, précise avoir bénéficié de droits d'auteur dans les cinq ans précédant son mandat sans toutefois en donner la somme totale.

    Approximation ou acte manqué pour Manuel Valls : il a déclaré ses revenus de député de la nouvelle législature dans la case « activité professionnelle » et non « fonction et mandat électif » comme il se devrait.

    La députée du Nord Marine Le Pen a précisé en commentaires s'être octroyée une augmentation mensuelle de 2000 euros en juillet en tant que présidente du FN, faisant passer ses revenus de 3000 à 5000 €. Elle a malheureusement oublié un 0 à ses revenus de député européenne de l'année 2014.

    «Cela peut paraître pour de la mauvaise volonté dans ces cas plus que de la malhonnêteté. Il y a une obligation de sérieux lorsqu'on remplit ces déclarations sur l'honneur, et beaucoup n'aiment pas avoir de comptes à rendre », analyse Regards Citoyens.

    Le sens du détail

    A l'inverse, certains députés ont rempli leur déclaration encore mieux que leur feuille d'impôts. Parmi eux, le député du Finistère Richard Ferrand. Des détails peuvent prêter à sourire, mais n'est-ce pas là l'enjeu de la transparence ? Marielle de Sarnez (MoDem) a ainsi déclaré ses 6 € de droits d'auteur perçus en 2015. La palme allant à Daniel Fasquelle (LR), qui déclare 8 centimes d'euros de dividende d'une SCI dont il détient une seule part !

    « Le mieux, c'est en effet l'exhaustivité y compris pour des broutilles, cela a le mérite de clore le débat », note Regards citoyens. « Cela peut paraître anecdotique, mais c'est tout l'objet de la publicité faîte aux déclarations : rétablir la confiance ! »

    Conflits d'intérêts

    Dans notre sélection, seuls trois députés, Christian Jacob ( LR), Bruno Bonnel (LREM) et Gilbert Collard (FN) ont coché la case correspondant à un éventuel conflit d'intérêts. Elle s'intitule : « Les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ». Selon notre étude, 444 députés sur 494 ont, eux, inscrit néant dans cette case. Un chiffre assez révélateur pour Regards Citoyens, qui ne mâche pas ses mots : «C'est à l'image de l'aculturation de la classe politique dans la lutte pour plus de transparence. »

    Que risquent les députés en cas de « manquement »

    Les risques encourus en cas de manquements, et/ou d'intentionnalité de tromper la Haute autorité peuvent aller jusqu'à 3 ans de prison et 45 000 € d'amende, si l'on se réfère à la loi (article LO. 135-1 du code électoral).

    Mais dans les faits, les députés sont très peu nombreux à risquer des sanctions. Contrairement à la déclaration de patrimoine, la déclaration d'intérêts et d'activités est publiée avant contrôle del aHaute Autorité. La vérification est réalisée a posteriori. En cas de « manquements », les députés sont invités à apporter les modifications correspondantes. Dans la foulée, ces déclarations modificatives sont publiées sur le site internet de la Haute Autorité.