Des élus veulent rendre obligatoire le «doggy bag» au restaurant

Un amendement adopté à l’Assemblée propose d’obliger les restaurateurs à proposer un «doggy bag» à leurs clients pour emporter leurs restes.

  Une cliente d'un restaurant reçoit le reste de son repas non consommé dans un emballage .
Une cliente d'un restaurant reçoit le reste de son repas non consommé dans un emballage . PHOTOPQR/L'ALSACE/Thierry GACHON

    « Le plat ne vous a pas plu monsieur ? ». « Oh, si, si, c'était excellent, mais franchement, c'était trop copieux et je ne peux plus rien avaler ». Cette scène vous est sans doute déjà arrivée au restaurant. Et c'est un peu penaud que vous avez laissé repartir votre assiette à moitié pleine en cuisine. Direction… la poubelle. Demain, vous pourrez demander au chef d'emporter les restes de votre dîner chez vous.

    C'est en tout cas le sens de l'amendement que vient d'adopter la commission développement durable de l'Assemblée Nationale. Parce que les pertes de nourriture sont cinq fois plus élevées au resto qu'à la maison (157 g par personne et par repas), les élus de cette commission veulent obliger les patrons de cafés, de bistrots et autres bonnes tables à mettre à disposition de leurs clients un « doggy bag » (NDLR : une boîte à emporter) pour ramener les aliments ou boissons non consommés sur place. Pour que cet amendement entre définitivement dans la loi, il doit d'abord passer au filtre de la commission économique du Palais Bourbon et être adopté ensuite par l'ensemble des députés.

    «Pas vraiment dans la culture française»

    Sauf que les restaurateurs n'aiment pas trop qu'on leur torde le bras. « Ce n'est pas très judicieux de vouloir contraindre de manière réglementaire l'ensemble de la profession à acheter des doggy bag d'autant que c'est une pratique anglo-saxonne qui n'est pas vraiment dans la culture française », estime Hubert Jean, président de la branche restauration au sein de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH). L'UMIH a d'ailleurs proposé elle-même en 2014 à ses adhérents de faire la promotion des doggy bag dans leurs restaurants lors d'une campagne de sensibilisation anti-gaspi. Mais l'opération a fait un flop : seulement 10 000 boîtes à emporter se sont écoulées.

    « Le but est de généraliser une pratique existante et de réduire par deux le gaspillage alimentaire d'ici 2025 », argumentent les députés de la commission développement durable de l'Assemblée. Mais encore faut-il que les consommateurs jouent le jeu. « Le doggy bag est une tradition américaine qui correspond à la taille des portions là-bas, souligne le sociologue de l'alimentation Claude Fischler. Et puis doggy bag, ça voudrait dire que c'est pour le chien et il y a donc une gêne à vouloir emporter les restes pour soi-même ».

    Des portions en taille S ou XL

    « C'est vrai qu'il y a en France un frein psychologique mais c'est aussi parce que les consommateurs n'osent pas en faire la demande de peur de se voir objecter un refus de la part du restaurateur, objecte la députée LREM de Haute-Marne Bérangère Abba, auteur de l'amendement. Il faut que les habitudes évoluent ». Créateur de la brasserie les Arcades à Lyon, Yoann Abecassis ne croit plus beaucoup à ce concept dans l'Hexagone. « Aux Etats-Unis, où j'ai travaillé, c'est monnaie courante mais pas en France où beaucoup considèrent que c'est honteux de repartir avec ses restes » constate le restaurateur.

    Cet ancien de chez Bocuse n'a pourtant pas renoncé à lutter contre le gaspillage alimentaire et propose à sa table lyonnaise un concept unique en France : « Tous mes plats sont vendus en taille S, M, L ou XL suivant l'appétit des clients », explique le restaurateur. Un concept gagnant-gagnant : la brasserie jette moins d'aliments et les consommateurs peuvent s'offrir une salade lyonnaise taille S à 3,50 € au lieu de la version large à 9 €. Ecologique, économique… et diététique.

    LE MOT : DOGGY BAG

    Littéralement sac à toutou, ce terme anglo-saxon désigne l'emballage dans lequel le client d'un restaurant peut emporter les restes de son repas. Une pratique très courante aux Etats-Unis mais aussi en Asie. D'après une enquête réalisée en 2014 par la préfecture de la région Rhône-Alpes qui avait lancé une campagne de sensibilisation anti-gaspi, le doggy-bag se heurte à de nombreux freins culturels en France. « Le pays de la gastronomie peine à accepter cette pratique qui met mal à l'aise ». « Ça ne se fait pas », « j'ai honte de le demander », « je ne veux pas passer pour un radin » sont les principaux arguments mis en avant par les clients hésitants voire réfractaires à cette pratique.