Alex Jones, le conspirationniste qui murmure à l'oreille de Donald Trump

L'animateur de radio dirige le site Infowars, qui diffuse de fausses informations et dont le nouveau président des États-Unis raffole.

De notre correspondante à Washington,

Alex Jones (ici à gauche de la photo) dirige Infowars et anime une émisison de radio. 
Alex Jones (ici à gauche de la photo) dirige Infowars et anime une émisison de radio.  © Ben Jackson / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Temps de lecture : 6 min

Sa spécialité, c'est le bobard, la fausse information, la théorie du complot. Et plus c'est délirant, mieux c'est. Alex Jones, par le biais de son émission de radio et de son site Infowars, diffuse chaque jour une suite ininterrompue de déclarations farfelues, sans l'ombre d'une preuve, qui circulent ensuite sur Internet. C'est « le théoricien du complot le plus prolifique de l'Amérique contemporaine », estime le Southern Poverty Law Center, une organisation de défense des droits civiques. Il a propagé par exemple que le massacre de l'école primaire de Sandy Hook à Newtown était une pure invention, fabriquée par le gouvernement avec des acteurs, pour imposer un contrôle du port d'arme. Selon les statistiques du FBI, affirme-t-il sur son site, « personne n'est mort en 2012 à Sandy Hook. Elles ne montrent aucun homicide dans cette ville. »

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Ce type rondouillard à la voix rauque, sans doute à force de s'égosiller sur un ton enragé, a une vision du monde orwellienne. Son obsession depuis des années, c'est que les élites mondiales veulent s'emparer du contrôle de la planète et créer « un nouvel ordre mondial ». Pour cela, elles ont mis en place un appareil de surveillance sophistiqué, provoquent des crises économiques, climatiques, travaillent à empoisonner l'eau et la nourriture dans le but de se saisir du pouvoir. Lorsqu'elles auront éradiqué une partie de la population par des virus, elles enfermeront les survivants et les soumettront à l'esclavage.

Divagations paranoïaques

Il voit des complots diaboliques à tous les coins de rue. Le gouvernement américain a fomenté les attentats du 11 Septembre, planté les bombes du marathon de Boston et inventé le raid contre Oussama Ben Laden. Il a accusé l'État de créer à la demande des tornades, dont il peut se servir comme arme et qu'il aurait peut-être utilisées en 2013 dans l'Oklahoma pour tuer des douzaines d'individus. Bill Gates est un eugéniste qui veut stériliser l'humanité, Hillary Clinton s'est droguée avant le débat télévisé, les traces blanches que laissent les avions dans le ciel vaporisent en fait un virus de la grippe…

Divagations paranoïaques sans conséquences ? Pas vraiment. À plusieurs reprises, des fans de Jones, inspirés par ses théories vaseuses, ont été arrêtés pour des actes de violence. Le dernier en date : un père de famille qui a conduit de la Caroline du Nord jusqu'à Washington il y a quelques jours. Il avait lu sur Infowars qu'une pizzeria de quartier abritait un réseau de pédophilie dirigé par Hillary Clinton et son conseiller dans son arrière-boutique. Il est entré dans le restaurant avec un fusil d'assaut pour délivrer les enfants. Il aurait pu faire un carton, mais n'a blessé personne et s'est rendu à la police.

Alex Jones, 42 ans, diffuse son émission depuis des années depuis le Texas, où il est né. Ce fils d'un dentiste et d'une mère au foyer parle d'une enfance normale où il joue au football américain. À l'adolescence, il découvre que les flics ripoux vendent de la drogue aux gamins. Lorsque l'un d'eux l'arrête parce qu'il conduit sans permis, Jones l'insulte et l'accuse d'hypocrisie. Il finit en taule. Il se met à lire des ouvrages sur l'État et les théories du complot, puis se lance dans la radio et se fait connaître au moment de l'attentat à la bombe contre le bâtiment fédéral à Oklahoma City en 1995, en clamant que tout a été fomenté par le gouvernement. Ce père de trois enfants produit aussi des films, Une histoire du terrorisme sponsorisé par le gouvernement ou encore 9/11, la route vers la tyrannie.

Vocabulaire haut en couleur

Ses tirades délirantes, mi-tribun de la plèbe, mi-prêcheur, se sont longtemps cantonnées à un petit groupe qui partage sa paranoïa aiguë. Mais avec le développement d'Internet, son site Infowars et sa chaîne YouTube deviennent populaires, surtout auprès de l'extrême droite, et Alex Jones devient un personnage culte. Il a un sens théâtral incontestable. Il se met en scène, pourchasse ses adversaires un peu façon Michael Moore et a un vocabulaire haut en couleur. Dans une émission, il traite Hillary Clinton de « sorcière », de « démon psychopathe abject, tout droit sorti des enfers » qui va détruire la planète.

Il est difficile de connaître les chiffres. Son émission quotidienne est diffusée dans 160 radios et il compte plus de 1,8 million d'abonnés à sa chaîne YouTube, 500 000 followers sur Twitter… Il vend aussi toutes sortes de produits pour se préparer à la fin du monde, dont un an de rations de nourriture « saine et délicieuse », au prix bradé de 1 797 dollars.

Mais ce qui a réellement assuré sa célébrité, c'est qu'il a l'oreille du président. Il y a un an, Donald Trump a donné une interview sur Infowars avant les primaires républicaines où il a chanté les louanges d'Alex Jones en disant qu'il avait « une incroyable » renommée. « Je ne vous laisserai pas tomber. Vous serez très, très impressionné, j'espère. Et je pense qu'on va beaucoup se parler », lui dit alors Donald Trump. Alex Jones le soutient à fond, peut-être parce que les deux hommes se ressemblent (ils s'attaquent tous deux aux élites, se moquent des conventions, vantent le parler-vrai, même si tout est faux, sont méprisés par les médias…), et se targue, sur son site, d'être repris par Donald Trump : « C'est surréaliste de parler de sujets ici à la radio et d'entendre Trump le répéter mot pour mot deux jours plus tard. »

Curieux grand écart

Le futur président américain affirme que des « millions » de gens ont voté illégalement, que des foules de musulmans ont célébré les attentats du 11 Septembre, dans le New Jersey, que le président Obama soutient secrètement Daech… Des théories totalement fausses, propagées par Infowars.

À mesure que Trump monte dans les sondages, Alex Jones devient plus visible. C'est lui qui lance le mouvement « Hillary en prison » que les supporteurs de Trump reprennent à leur compte en chantant dans les meetings « mettez-la en taule ». Il se rend à Cleveland lors de la convention républicaine en juillet et organise des meetings avec plein de fans qui soutiennent Donald Trump. Et a même droit à une mention dans un discours de Barack Obama. En octobre, dans une émission, Alex Jones déclare : « Mes sources bien placées me disent que Obama et Hillary sentent tous les deux le soufre. Ils sentent comme l'enfer. » Quelques jours plus tard, le président le cite moqueusement dans un meeting en se reniflant la main.

Selon Alex Jones, Donald Trump, après les élections, l'a appelé pour le remercier « de [se] battre si fort pour les Américans ». Voilà donc l'animateur de radio, qui n'a cessé de dénoncer l'État Big Brother, proche maintenant du pouvoir. Ce qui l'oblige à un curieux grand écart. Au lieu de bondir cette semaine sur l'annonce par la CIA selon laquelle les Russes avaient tenté de manipuler les élections américaines – une magnifique théorie du complot pourtant –, Alex Jones a nié l'information et critiqué la CIA. « Absolument aucune preuve n'a été produite pour étayer la théorie du complot », dit-il sur son site. Avant d'affirmer : « La gauche essaie de renverser Donald Trump. Des éléments voyous de la CIA aident la gauche mondialiste. »


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Commentaires (5)

  • AD36

    La CIA comme agent de la gauche mondialiste, c'est pas mal !
    Du côté Obama Clinton, on fait aussi fort avec l'œil de Moscou dans les élections américaines.
    Pour un peu le FBI serait un agent de Poutine.
    CIA contre FBI, un classique des séries B, mais débat politique peu exaltant.

    On se croirait presqu'en France.

  • instant-karma

    La diffusion de mensonges semble relever, pour certains, de la première des libertés fondamentales.
    Cela en dit long sur le "monde meilleur" qu'ils appellent de leurs voeux !

  • justinien10

    Les anti-américains français avaient un ennemi idéal avec Georges Bush.
    Les anti-américains de Gauche ont eu un gros problème avec Obama, le premier président noir !
    Maintenant, les anti-américains de Droite ont aussi un problème avec... Trump, qui a le même programme que le FN !
    Ce qui va être intéressant, c'est de voir comment Poutine va rapidement diaboliser Trump et les États-Unis. En effet, pour justifier sa dictature, il lui faut un ennemi tout puissant, et celui-ci ne peut être que les États-Unis, la superpuissance mondiale. Il lui faut un ennemi menaçant, qui lui permet de se justifier comme défenseur de la Russie en danger.
    Donc, à un moment, après avoir serré la main de Trump, obtenu la levée des sanctions, il lui faudra trouver un prétexte pour présenter les États-Unis comme l'agresseur. Il exigera sans doute de plus en plus de concessions : l'abandon de l'Ukraine ? Des pays Baltes ? Du bouclier anti-missiles ? La fermeture des bases américaines en Europe ?
    Un de ces reculs successifs devra être refusé par Trump, qui ne pourra accepter ces humiliations sans contreparties... Qu'il n'obtiendra jamais.
    Alors, l'antagonisme entre les États-Unis et la Russie deviendra beaucoup plus dur : Trump veut massivement augmenter les dépenses militaires américaines...