Brighelli : qui a vraiment écrit les programmes du collège ?

Les textes proposés par le Conseil supérieur des programmes vont encore aggraver le sort des élèves défavorisés. Qui sont les responsables ?

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Les programmes de la scolarité obligatoire viennent de paraître. Et ils font déjà polémique. © Joël Saget/AFP

Temps de lecture : 5 min

Qui a écrit les programmes du nouveau collège, qui doivent s'appliquer à la rentrée 2016, soit à quelques mois d'élections qui pourraient remettre en cause l'oeuvre de destruction en cours ? À éplucher la liste des membres du Conseil supérieur des programmes (CSP), on s'étonne de n'y rencontrer rigoureusement aucun enseignant du secondaire, sinon un retraité du Snes.

Armée mexicaine

Des politiques (majorité oblige, les représentants de l'opposition y sont en minorité - mais ils sont là, et ils cautionnent le résultat final), des universitaires de haut rang, qui ne sont jamais allés dans un collège, sinon pour y emmener leurs enfants, et des spécialistes de ces "sciences de l'éducation" qui depuis trois décennies tentent de grignoter l'université française en s'efforçant de croire eux-mêmes à la scientificité des approximations qu'ils professent. Ajoutez à cela une sociologue (Agnès van Zanten) qui depuis des décennies oeuvre, comme François Dubet dont elle est proche, à démanteler ce qui reste encore debout, et un représentant de la Ligue de l'enseignement, confédération d'associations qui jouent un rôle éminent dans le sport et les colonies de vacances.

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Il y a bien le neuroscientifique Stanislas Dehaene, qui depuis des années se bat pour que l'on enseigne convenablement le lire-écrire-compter. Il a dû se sentir bien seul. Quant à son président, Michel Lussault, Blanche Lochmann, présidente de la Société des agrégés, voit avec raison en lui "le triomphe des vieilles lunes déconnectées du terrain." Le remplacement des notes par des pustules de couleur, c'est lui.

Au total, essentiellement une armée mexicaine de grandes pointures incompétentes ou nocives - ou les deux.

Les chevaux de retour du pédagogisme

Cela, ce n'est rien. Ledit Conseil, conscient de ses limites, a donc convoqué une foule de spécialistes, nous dit-on. Hmm... Je constate ainsi que la pasionaria du site Aggiornamento, Laurence de Cock, qui a pour moi un amour dévorant, fut l'une des chevilles ouvrières du titanesque travail d'éradication des programmes d'histoire dont j'ai révélé ici même le premier la vacuité et l'idéologie mortifère ; je vois aussi que le plus pédago des pédagogistes, Jean-Michel Zakhartchouk, a "participé activement et de façon passionnante", dit-il, à rendre les enfants plus bêtes qu'ils ne furent jamais - eh bien, je m'interroge sur la neutralité et l'objectivité du Conseil, qui n'a en définitive de supérieur que sa morgue et son obéissance aux desiderata d'un quarteron de pédagogues déchaînés.

À consulter la liste de ceux qui ont participé à cette oeuvre d'anéantissement (dont les finalités sont à la fois culturelles - rabaisser définitivement la France - et économiques - gratter des bouts de chandelles pour satisfaire Bruxelles), on reste pantois.

Des programmes à leur image

Étonnez-vous, devant cet aréopage, que les programmes vouent aux gémonies tout ce qui pourrait permettre à des enfants défavorisés de rivaliser avec les gosses de ministres de gauche intelligemment inscrits à l'École alsacienne, à "Stan"(islas) ou "Ginette" (Sainte-Geneviève) - ou plus prosaïquement à Henri-IV, pour faire semblant d'adhérer au système laïc public. Le latin et le grec,dit-il (qui n'a rien d'une réserve à bobos), donnent une culture qui permet de lire les éditos bilingues de Libé (la gauche, t'es foutue, Laurent Joffrin est dans la rue !), de connaître Cicéron et Démosthène aussi bien qu'un banquier londonien ex-élève d'Oxford, et surtout de maîtriser le français mieux que leurs camarades privés d'humanités classiques - mieux même que les mieux nés d'entre eux.

Car c'est dans la maîtrise de la langue que le bât blesse le plus, comme le révèle Véronique Marchais, auteur d'excellents manuels de collège au gré des anciens programmes, à l'hebdomadaire Marianne. Y a-t-il quelqu'un pour croire que les dizaines d'heures supprimées par Mme Vallaud-Belkacem amélioreront le classement de la France dans les tests internationaux ? Existe-t-il encore un fieffé optimiste pour s'imaginer que la primarisation de la classe de sixième (qui dorénavant appartient au même bloc que le CM1/CM2*) permettra la réduction des 18 % d'illettrés qui végètent au collège jusqu'en troisième ? Quel idéaliste, par ailleurs, croira que des cours de morale laïque et d'antiracisme béat empêcheront la réitération des tueries antisémites ou la perpétration d'attentats anti-chrétiens, et favoriseront l'intégration de musulmans pacifiques désolés d'avoir à rendre des comptes à cause de la guerre de conquête et de terreur de certains de leurs coreligionnaires ?

Jamel Debbouze ou la solution miracle

À moins qu'il n'y ait au PS - un PS bien parisien, bien coupé des réalités de la France profonde et périphérique - un hurluberlu qui croit comme Valls (et comme Vallaud-Belkacem, qui emboîte systématiquement le pas de son Premier ministre) que la rénovation scolaire promise surgira des concours d'impro et de "stand-up" à la Jamel Debbouze, nouveau pédagogue en chef d'un gouvernement à court d'idées et à bout de souffle. Pour camoufler les petites économies imposées par Bruxelles, le gouvernement a recours à des gadgets pédagogiques éculés - la pluridisciplinarité par exemple, qui est supposée faire reculer l'ennui des chères têtes blondes ou brunes, et permet d'envoyer des "tracts" en espagnol à des horticulteurs kenyans (comme je l'expliquais ici même).

Tout cela alors même que nous connaissons par coeur les recettes qui permettent d'aller effectivement au plus haut de ses capacités, idéal de l'élitisme républicain : transmettre des savoirs précis (et non des compétences : on ne remerciera jamais assez François Filllon de s'être laissé refiler le "socle commun" quand il était Rue de Grenelle), ne rien relâcher sur les exigences, dédoubler les classes là où c'est nécessaire, renforcer l'enseignement des disciplines fondamentales, et faire valoir les droits à la retraite de tous les spécialistes autoproclamés de l'Éducation qui encombrent aujourd'hui les ESPE et tentent de faire passer tous les étudiants sous les fourches caudines de leurs obsessions. Ce n'est rien à mettre en place - et c'est de ce rien que les programmes élaborés pour 2016 veulent priver les élèves, tous les élèves.

* Vieux rêve du SNUIPP, syndicat d'instituteurs qui rêve de ressusciter les défunts PEGC, ces semi-profs à compétences duelles.
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Commentaires (25)

  • papy8175

    On a de la peine à comprendre comment il n'y a eu, depuis plus de trente ans, aucun ministre de l’Éducation Nationale qui prenne conscience du désastre en marche (malgré tous les rapports PISA) et capable de l'arrêter en commençant par mettre au pas ce club de Trissotins qui oriente les programmes vers une "zéro culture" travestie en égalité et modernité.
    Les deux maladies de l'EN sont l'obésité du corps et l'idéologie de l'esprit ;
    On ne les guérit que par le courage et l'autorité.
    Où sont-ils dans notre république ?
    Réponse de W. Churchill :
    "Le monde d'aujourd'hui est dirigé par des politiciens harcelés, uniquement préoccupés d'arriver au pouvoir ou d'en chasser leurs rivaux, de sorte qu'il ne leur reste plus guère de temps pour s'occuper convenablement des questions importantes. [... ] Ce qu'il faut à la Chambre, c'est une période de débat tolérant et constructif sur les problèmes de l'heure, sans que chaque discours, de quelque bord qu'il vienne, se trouve dénaturé par les passions d'une élection ou les préparatifs de la suivante. "
    C'était dans les années 50 ; il y avait beaucoup moins de ségrégation à l'école que maintenant...
    Ce qu'il faut à l'EN, c'est un ministre compétent et de caractère, indifférent à la hargne syndicale, légitimé par un assentiment national (il commence enfin à se constituer), soit l'opposé de la jeune femme qu'on y a mis, probablement parce que personne d'autre ne voulait de ce poste...

  • AdLib

    Pourcentage optimiste, pour moi, quand d'autres, y compris enseignants sur le terrain, font état, en 6e, d'un bon tiers des élèves arrivant du primaire sans maîtriser la lecture et l'écriture, donc des élèves qui n'ont quasi rien "acquis", en termes de "savoirs fondamentaux", de tout le primaire... Car, quand on ne sait pas lire, on ne peut pas apprendre ses leçons, on n'enrichit pas son vocabulaire et sa pratique de la grammaire en lisant des livres "par plaisir", etc. : on est bloqué et on fait du sur-place, tout en passant, bien sûr, "de classe en classe", n'est-ce pas !

    Et une vision "optimiste", pour moi, aussi, quand on lit, toujours dans de nombreux témoignages d'enseignants sur le terrain, qu'il est presque "normal" que des élèves de 3e "ne sachent pas lire", et qu'on en trouve encore dans des classes de "1re professionnelle" qui lisent toujours difficilement !

    La question que je me pose, en l'occurrence, ici, c'est : que deviennent donc ces "18 % d'illettrés", ou plus, APRÈS la troisième ?
    Curieusement, les statistiques semblent s'arrêter aux portes de l'EN, et, une fois ces élèves sortis de ses murs, "avec" ou sans diplôme, il semble qu'ils n'existent plus pour l'Insee...

    C'est, pour moi, la question cruciale : depuis 30 ans ou plus qu'on décervelle nos élèves, que deviennent ceux qui sont définitivement à terre en fin de scolarité "obligatoire" – obligatoire pour eux, s'entend, car l'EN, elle, paraît ne plus être "obligée" depuis des lustres, de les INSTRUIRE : il suffit qu'elle les "scolarise", en leur offrant une table et une chaise, puis qu'elle les mette dehors, quand ils ont atteint la limite d'âge de leurs 16 ans. Ou qu'elle les "oriente" vers une supposée "voie professionnelle", toujours sans leur avoir appris à lire et à écrire...

  • Philaïc

    L'Education Nationale est le parfait reflet de notre système administratif qui crée des postes de fonctionnaires par pur souci de caser les petits copains. Une fois en place, il faut bien qu'ils d'occupent, d'où le déferlement de textes, règlements et directives qui caractérisent notre Administration. En particulier l'Education Nationale devrait se limiter à tracer les grandes lignes des objectifs à atteindre et laisser aux Régions et aux Universités l'organisation des programmes. Le principal engagement que devraient prendre les candidats à la prochaine Présidentielle devrait consister à n'embaucher sous le statut de fonctionnaire que ceux qui relèvent des fonctions régaliennes de L'Etat que sont l'Armée, la Police et la Justice

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