Projet de loi El Khomri : la gauche aiguise ses couteaux

Le gouvernement a dévoilé son projet de réforme du Code du travail. La contestation n'a jamais été aussi forte au sein de la majorité.

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Pascal Cherki de dos (C) s'adresse à Laurent Baumel (à gauche) et à Christian Paul (à droite) durant le débat sur la loi Macron en février 2015. Un an plus tard, les mêmes ont bien l'intention de mener la fronde parlementaire contre la réforme du droit du travail.
Pascal Cherki de dos (C) s'adresse à Laurent Baumel (à gauche) et à Christian Paul (à droite) durant le débat sur la loi Macron en février 2015. Un an plus tard, les mêmes ont bien l'intention de mener la fronde parlementaire contre la réforme du droit du travail. © AFP

Temps de lecture : 2 min

« Une honte », « le retour au droit féodal », « la plus importante contre-révolution depuis un siècle », « une trahison de la gauche», « un mauvais deal entre le gouvernement et le Medef »… Les parlementaires, syndicalistes de gauche et cadres socialistes sont plus virulents que jamais pour qualifier le nouveau projet de réforme du droit du travail porté par la ministre Myriam El Khomri.

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D'inspiration très libérale, le texte est un épisode de plus d'une télé-réalité politique qui met en scène la révolte grandissante des élus de la majorité contre le gouvernement depuis le début du quinquennat. Mais la contestation n'a jamais été aussi forte.

« Une énorme bataille parlementaire »

« On n'a pas encore planifié de plan de bataille entre nous, mais il y aura une énorme bataille parlementaire », prévient Laurent Baumel. Le député socialiste d'Indre-et-Loire et ses camarades frondeurs promettent de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour contrer un texte que, de l'avis général, même la droite n'aurait pas osé proposer. Consciente qu'une réforme qui assouplit les conditions de licenciement économique et remet en cause les 35 heures serait violemment rejetée dans son propre camp, la ministre du Travail a évoqué la possibilité d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution. Lorsqu'elle est enclenchée, cette procédure met fin au débat parlementaire et permet au gouvernement d'outrepasser le vote des députés pour faire passer une loi. Une entrée en matière qui a contribué à échauffer les esprits. « C'est très maladroit de commencer par brandir cette menace. De toute façon, si on peut amender, on amendera », prévient Laurent Baumel.

LIRE aussi Loi El Khomri - Berger : « Il est hors de question que cela reste en l'état »

Autre porte-parole des frondeurs, le député socialiste de la Nièvre, Christian Paul, ne veut même pas en entendre parler. Pour lui, « ce texte n'est ni votable ni amendable en l'état ». Il réclame son abandon. Et va même plus loin : « Face à l'agression totale à l'égard de la majorité, la question de la motion de censure se posera inévitablement. » Lorsque l'article 49.3 est utilisé, le dépôt puis le vote d'une motion de censure permet aux députés de « renverser le gouvernement ».

Quant à Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail, syndicaliste chevronné et membre du Parti socialiste, il appelle carrément à « une grève générale lancée par tous les syndicats ».


Outre ces habituels frondeurs, les cercles concentriques de la contestation se multiplient et dépassent largement l'aile gauche du PS. Pour la première fois depuis le début du quinquennat, Jean-Christophe Cambadélis, l'insondable premier secrétaire du Parti socialiste, est entré dans la ronde de la fronde. Interrogé ce vendredi matin sur BFM TV et RMC, il a évoqué « un texte qui ne comporte pas d'équilibre entre flexibilité et sécurité », et « qu'il aurait du mal à voter en l'état ».

Même s'ils parlent la plupart du temps de façon anonyme, de nombreux députés socialistes « légitimistes » lui ont emboîté le pas.  « Pour la première fois, je vois des copains non frondeurs qui disent qu'ils sont capables de renverser la table en cas de 49.3 », confie l'un d'eux à Libération .

Déminage

Conscient que la pilule libérale serait difficilement avalée par les parlementaires socialistes, surtout après la polémique autour de la déchéance de nationalité, le gouvernement a entamé une opération déminage avec les parlementaires. La veille de la sortie du texte, le chef de l'État en avait discrètement reçu une quinzaine à l'Élysée. Quant à Myriam El Khomri, elle sera reçue au bureau du PS dans une dizaine de jours pour une « discussion » qui s'annonce houleuse.

Une manœuvre de « recomposition politique »

Par ailleurs, à un an et demi de la présidentielle, nombreux sont les élus qui s'interrogent sur la rationalité de la stratégie politique du président. Certains invoquent l'influence de Manuel Valls qui a « réussi à pousser Hollande à la faute ». D'autres, comme Christian Paul, évoquent une manœuvre de « recomposition politique » qui consiste à opérer « une gigantesque triangulation à droite » : « La gauche n'aura plus de candidat crédible et la droite sera emmerdée parce qu'on aura voté ses grands projets », conjecture-t-il. Avant d'ajouter : « Mais j'espère qu'il est plus malin que ça. » Ils sont en tout cas nombreux à s'accorder sur un point : François Hollande est en train de « creuser sa tombe ».

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Commentaires (41)

  • smart26

    Superbe tableau et piège infernal pour la droite, si 49. 3 Motion de censure des députés PS avec la droite qui bien sûr remporté les élections, cohabitation houleuse.
    Mai 2017 election présidentielle, notre Président fait valoir que c'est la droite qui dirige le pays et que le chômage c'est-elle, toutes ses réformes n'ont-elles pas été bloquées depuis tout temps ? Élections et on est quasiment sur du résultat, a droite ils vont se taper dessus pour savoir qui est le plus fort et notre Président repart pour cinq ans.
    Depuis 2002 la France végète tranquillement, les lendemains qui chantent pour 2023.
    Belle stratégie.
    Et notre Président repart pour cinq ans

  • Tousofns

    Au lendemain des élections régionales ils avaient tous compris... Tous ont déjà tout oublié. Cette photo illustre, très partiellement, les têtes qu'on ne veut plus voir : les Baumel, Paul, Mélenchon mais aussi les Cambadelis, Bartolone, Le Roux, etc. Pas de fausse joie, il y en a encore plus à droite -car le temps passé au pouvoir fut plus long, depuis 1958. Et il y a aussi tous les "périphériques", les rats dans le gruyère : les Attali, Minc, Piketti et tous les faux prophètes, pondeurs de rapports, d'analyses, de préconisations, tous ces gens jamais élus, mais qui inspirent les "politiques" qui n'ont plus d'imagination. La preuve : la gauche a d'abord détricoté les mesures mises en place par la droite et achève son règne en faisant une politique de droite ; quand la droite sera de retour, au signe près, elle fera la même chose.
    Pendant ce temps, les Français croulent sous les prélèvements obligatoires, les déficits (budgétaire, assurance maladie, assurance chômage) et la dette, les 6, 5 millions de
    chômeurs de toute catégorie, l'insécurité, l'accueil des migrants qui passe avant le soulagement de la pauvreté, le mal-logement et les SDF, la pauvreté des "nationaux".
    Des mesures radicales sont impératives si l'on veut éviter un grand soir (de gauche, d'extrême droite ou, pire, spontané ). Par exemple en interdisant à tous ceux qui ont exercé des fonctions exécutives nationales ( par élection ou nomination) d'en occuper de nouveau ; en s'interdisant tout accueil de migrants tant que le taux de chômage ne sera pas inférieur à 3%.

  • belesta

    Cela fait 30 ans que le chômage explose. Il serait temps d essayer de fluidifier le marché du travail. Les gaucho-boboïstes qui n ont jamais connu l entreprise devraient se taire. Les députés frondeurs n ont qu à démissionner, on va rigoler aux législatives...