Brexit : les taux suisses sont négatifs jusqu’à 50 ans
Le rendement de l’emprunt à 50 ans suisse est passé en territoire négatif. Les taux ne cessent de baisser partout en Europe, alors que les investisseurs anticipent de nouvelles actions des banques centrales en raison du Brexit.
Par Pierrick Fay
Seriez-vous prêt à donner de l’argent à l’Etat suisse pour pouvoir lui prêter de l’argent pendant non pas 5 ans, non pas 10 ans, mais...50 ans ! Impensable ? Et pourtant, c’est bien ce qui est en train de se produire sur les marchés obligataires. Le rendement de l’emprunt d’Etat helvétique à 50 ans est passé en territoire négatif ce vendredi, tombant à -0,005 % en début d’après midi. Il dépassait pourtant les 0,25 % il y a une semaine, juste avant que ne tombe le résultat, surprise pour les marchés, du vote en faveur du Brexit lors du référendum au Royaume-Uni. Depuis, il n’a cessé de baisser pour atteindre ce niveau historique. Le 16 juin, le taux suisse à 30 ans était déjà passé sous zéro... Il n’a fallu que quelques semaines pour que l es emprunts à 50 ans suivent le même chemin .
Quête de sécurité
Les emprunts suisses font en effet figure d’actifs refuges, comme le franc suisse, en période de stress sur les marchés. Les investisseurs se sont donc rués sur les obligations helvétique, la demande provoquant une hausse du prix de ces obligations et par conséquent une baisse des rendements offerts. Aucun autre pays aujourd’hui n’offre un tel rendement négatif. Même le taux à 20 ans japonais, considéré comme sûr, offre encore un rendement positif de 0,044 %. La Suisse est habituée à faire cet effet sur les marchés et cela concerne aussi ses entreprises multinationales. En février 2015, Nestlé avait ainsi emprunté à 4 ans à des taux négatifs. Autrement dit, des investisseurs avaient versé de l’argent au géant suisse pour pouvoir lui prêter de l’argent. Un Etat dans l’Etat pour des épargnants en quête de sécurité sur les marchés financiers.
Taux négatifs
La Suisse avait déjà été le premier pays à emprunter à dix ans à taux négatifs. C’était il y a plus d’un an, en avril 2015. Depuis, les politiques accommodantes des banques centrales européennes, à grand coup d’achat d’actifs, couplées à l’inaction de la Réserve fédérale américaine, ont poussé les marchés obligataires vers le haut et ont précipités des milliards de dollars d’obligations dans le négatif. Après le Japon et la Suisse, l’Allemagne a vu le Bund, son taux à dix ans, tomber aussi pour la première fois en dessous de zéro il y a moins d’un mois.
Les rendements des marchés obligataires connaissent d’ailleurs une nouvelle détente en fin de semaine.Le taux à dix ans français, l’OAT, est ainsi tombé à son plus bas historique à 0,17 %, alors que les taux des pays périphériques profitent aussi de l’engouement des investisseurs pour ces produits. Le taux espagnol recule à 1,129 % (-2,7 points de base) et le taux grec chute encore de 24,7 points de base à 7,825 %. Seul le Portugal voit ses taux se tendre un peu en Europe (+4 points de base à 3,015 %), alors que Klaus Regling, directeur général du Mécanisme européen de Stabilité (MES) a fait part vendredi dans la presse allemande de ses inquiétudes quant à la situation financière du Portugal. Hors d’Europe, les taux américains sont aussi en net repli à 1,424 %. Ils n’ont jamais été aussi bas. Les investisseurs n’anticipent plus de hausse des taux directeurs américains avant plusieurs mois et peut-être pas avant 2017.