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L’avenir radieux des professions réglementées

Le projet de loi sur les taxis qui arrive devant le Parlement le 10 septembre est sans ambiguïté   : ils ont gagné sur toute la ligne !

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Le projet de loi sur les taxis qui arrive devant le Parlement le 10 septembre est sans ambiguïté : ils ont gagné sur toute la ligne !

Par Pierre Cahuc (professeur d'économie à Science Po), ANDRE ZYLBERBERG (directeur de recherche émérite au CNRS et à l’Ecole d’économie de Paris)

Publié le 8 sept. 2014 à 12:26

Pendant que les médias relayent les hypothétiques projets de réforme des professions réglementées, nos parlementaires sont en train de voter une loi qui va considérablement renforcer la rente de l’une des plus emblématiques d’entres-elles : chauffeur de taxi. Les taxis, se sentant menacés par la concurrence des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC) dont le nombre a crû ces dernières années, ont manifesté leur mécontentement en bloquant la circulation aux abords des aéroports de Roissy et d’Orly en janvier et février dernier. La menace est pourtant toute relative, puisque malgré la concurrence « déloyale » des VTC, le prix des licences de taxi est passé à Paris de 150.000 à 235.000 euros entre 2008 et 2013 : une plus-value de plus de 55 % en 5 ans !

Dans un souci d’apaisement, en février 2014, le gouvernement avait chargé Thomas Thévenoud de conduire une mission de concertation entre les professions du transport de personnes.

La mission de Thomas Thévenoud s’est soldée par un projet de loi qui arrive en deuxième lecture à l’Assemblée nationale ce 10 septembre. Il déroule le tapis rouge aux taxis et élimine totalement la concurrence des VTC. Ainsi, la « maraude électronique » devient le monopole exclusif des taxis : les applications de géolocalisation de tout autre véhicule de transport de personnes (donc les VTC) sont interdites. Dans la même veine, il est créé, aux frais du contribuable, un registre national recensant les informations relatives à l’identification, la géolocalisation et la disponibilité des taxis… et uniquement des taxis. Les tarifs des courses des VTC doivent être nécessairement fixés lors de la prise en charge et ne peuvent s’ajuster en fonction de la distance et de la durée de la course puisque, selon le projet de loi, la tarification « horokilométrique » reste un monopole du taxi. Les procédures d’enregistrement des VTC sont considérablement alourdies : il faudra désormais une autorisation préfectorale. On peut parier que ces autorisations seront données au compte-gouttes, comme le sont les nouvelles licences de taxi depuis des décennies. Pour couronner le tout, à la demande de Thomas Thévenoud, l’Assemblée nationale a adopté un amendement obligeant les VTC à retourner à leur siège social entre deux courses ou à se garer dans un endroit « hors de la chaussée où le stationnement est autorisé » ! Autrement dit, les VTC sont de facto interdits sur la voie publique. Les sénateurs ont modifié cet article à la marge, en ajoutant « sauf si le VTC justifie d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final ». Reste à savoir ce que décideront les députés en seconde lecture le 10 septembre. Mais en tout état de cause, le prix des licences de taxi va croître de plus belle. C’est sans doute un des meilleurs placements pour les prochaines années.

Cet épisode est dramatique à plusieurs égards. Il signe l’arrêt de mort du développement des VTC et vraisemblablement des autres modes de transports de personnes autres que les taxis puisque les députés ont ajouté un article relatif aux véhicules motorisés à deux ou trois roues, qui aligne leurs obligations sur celles des VTC. Le projet de loi empêche la création de milliers d’emplois tout en privant les Français de moyens de transports supplémentaires et donc moins chers. Il se confirme qu’une profession dont la rente croît à une vitesse vertigineuse peut, en organisant quelques manifestations, pousser le gouvernement et sa majorité à lui faire des cadeaux mirobolants aux dépens de l’ensemble des Français. La capitulation du gouvernement devant les exigences des taxis envoie un signal très clair aux autres professions réglementées. Elles ont tout intérêt à se mobiliser pour préserver, et même accroître leurs avantages en cas d’annonce de réforme. Enfin, c’est une très mauvaise nouvelle pour la croissance qui repose avant tout sur la capacité à développer de nouvelles activités.

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Pierre Cahuc est professeur à l’Ecole polytechnique et chercheur au CREST, André Zylberberg est directeur de recherche émérite au CNRS, Centre d’économie de la Sorbonne.

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