Extrait du court-métrage "Je suis à l'heure", sur la non-assistance à une victime d'un viol.

Extrait du court-métrage "Je suis à l'heure", sur la non-assistance à une victime d'un viol.

Nikon

L'horreur résumée en 140 secondes. Voilà l'ambition affichée par un court-métrage, intitulé Je suis à l'heure et présenté à l'occasion de la 5e édition du Nikon Film Festival. A l'heure où sont écrites ces lignes, il a été visionné par plus de 825 000 personnes. Le clip met en scène une situation d'indifférence face à un viol. Une femme que l'on n'apercevra pas se fait agresser dans un train francilien. Ses cris sont insupportables mais personne dans la rame ne réagit. La caméra insiste longuement sur les hésitations à intervenir d'un voyageur. Ce dernier, cadre supérieur, ne s'y résout finalement pas: il a un entretien d'embauche important et ne veut pas arriver en retard.

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Si le clip est fictif, il entend dénoncer des situations réelles de la vie quotidienne. Il fait notamment écho à un fait-divers survenu à Lille, où une jeune femme a subi une agression sexuelle dans un métro sans que personne ne vienne à son secours. "Tout le monde est potentiellement touché, parce qu'on s'est tous posé la question. Et si ça nous arrivait, si nous étions le témoin d'une scène pareille?", explique Isabelle Quintard, co-réalisatrice du film, dans une interview au site Madmoizelle.

Trois astuces simples

C'est à cause de ce genre de situations que le Collectif féministe contre le viol (CFCV) s'est monté. Alors que neuf personnes sont violées chaque heure, selon Planetoscope, sa présidente Emmanuelle Piet livre quelques conseils à appliquer lorsque l'on est témoins d'agressions sur la voie publique ou dans les transports en commun:

  • Appeler la police en faisant le 17. "C'est la bonne solution si l'on a un peu peur d'intervenir. Tout le monde peut le faire."
  • Tirer la sonnette d'alarme. "Si bien sûr vous êtes dans un transport en commun."
  • Crier à la cantonade. "Si on a un peu de courage, cela va mobiliser d'autres gens qui pourront peut-être intervenir."

Reste aussi évidemment la solution d'intervenir soi-même. Mais dans la pratique, comme sur la vidéo choc, peu le font par peur que l'agresseur se retourne contre eux, voire devienne encore plus violent à l'encontre de la victime initiale. Dans d'autres situations, certains attendent en vain qu'un autre intervienne et au final, personne ne bouge.

"Les témoins qui assistent à ce genre de scène sont souvent dans une espèce d'état de sidération, ils perdent tous leurs moyens. Ils se disent que ça va passer tout seul", analyse Emmanuelle Piet. Il y a bien sûr des contre-exemples: pas plus tard que dimanche, à Lyon, des contrôleurs de tramway ont pris en chasse et interpellé un violeur pris en flagrant délit.

Que risque-t-on à rester stoïque?

Ne rien faire est en tout cas passible de poursuites judiciaires pour des faits de non-assistance à personne en danger. Si la loi n'impose pas l'héroïsme, elle condamne l'inaction. L'article 223-6 du code pénal prévoit jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour "quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours."

Prouver que la situation ne présentait aucun danger pour le témoin est néanmoins compliqué. Surtout si l'agresseur est armé. "Il ne faut pas qu'il y ait d'ambiguïté, c'est pour cela que ces poursuites sont difficiles à mettre en oeuvre. Quelqu'un peut très bien dire 'J'ai vu du chahut mais je ne savais pas que quelqu'un était en danger' ou dire 'J'ai craint pour ma propre sécurité'", observe maître Nathalie Roze, avocate en droit pénal à Paris.

En outre, il est très souvent difficile d'identifier et de retrouver les personnes présentes lors l'agression. A moins que les lieux bénéficient d'une vidéosurveillance. "Dans la majorité des cas, la non-assistance à personne en danger s'applique pour des accidents de la route où une personne ne s'est pas arrêtée et n'a pas prévenu les secours, c'est rare dans les cas d'agressions sur la voie publique", note encore maître Nathalie Roze. Des exceptions existent néanmoins. En 2004, la Cour de cassation a confirmé la condamnation d'un individu à deux ans de prison dont 18 mois avec sursis pour avoir fui une scène d'agression près d'Angers.

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